Les zeugmes du dimanche matin et de Pierre Lemaitre

Pierre Lemaitre, Couleurs de l’incendie, 2018, couverture

«Cet accident inimaginable qui allait plonger une mère dans le désespoir, la famille dans la stupéfaction et l’assistance entière dans la plus profonde compassion.»

«Cette femme brève de seins, de fesses et d’esprit considérait Charles comme un être prodigieux.»

«Paul demanda de l’eau. Sa mère lui apporta un verre, reprit sa place et les mains de son fils.»

«Il était à Paris pendant les journées d’août 1944, il ne quitta pas son fauteuil, sa fenêtre et son fusil pendant près de soixante-douze heures.»

«Il se consacra à la publicité, créa l’agence Péricourt, épousa Gloria Fenwick, héritière d’une agence américaine concurrente, alla s’installer à New York, revint à Paris, fit des enfants, des profits et des slogans, il était très fort dans ce domaine.»

Pierre Lemaitre, Couleurs de l’incendie. Roman, Paris, Albin Michel, 2018. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et d’Éric Chevillard

Éric Chevillard, Défense de Prosper Brouillon, 2017, couverture

«Les mots qu’il utilise nous sont si familiers qu’ils n’ont pas leur place dans le dictionnaire où sont imprimés ceux que l’on ne connaît pas et qui ne servent à rien, sinon à enténébrer les livres de ces auteurs hypocrites qui se font de leur insuccès une gloire (et un ulcère).»

Éric Chevillard, Défense de Prosper Brouillon, Paris, Éditions Noir sur blanc, coll. «Notabilia», 2017, 101 p., p. 17. Illustrations de Jean-François Martin.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 31 janvier 2018.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Yves Berger

Yves Berger, la Pierre et le saguaro, 1990, couverture«Désormais devenue l’Amérique de tout le monde, New York, banalisée, est la ville-terminus où s’accomplissent, puis se racornissent, les rêves courts de l’Européen (pareille misère affecte, avec San Francisco, l’Asiate, presque toujours japonais). Alors, aujourd’hui plus que jamais, go West, go South, chasseur de grandes merveilles (cette phrase est née en moi du souvenir de l’expression “chasseur de grands fauves” — et il faut bien admettre que la merveille, en Amérique, s’offre avec plus d’éclat, plus de force, voire d’imprévu, dans une surprise qui pour avoir été de longtemps attendue et observée n’en est pas moins absolue, à celui qui l’approche cœur battant et, circonspect, s’essaie à la sentir, le corps immobilisé et l’oreille tendue, s’en éloigne, s’en rapproche, la contourne, l’évente peut-être et, tout à coup, du canon double de son regard, tire) ! Chasseur de grandes merveilles — la merveille est qu’elles sont toujours en l’air ou, à terre, debout. Vivantes de l’éternité qui les parcourt, comme d’un sang.»

Yves Berger, la Pierre et le saguaro, Paris, Grasset, 1990, 149 p., p. 11-12.

Le zeugme du dimanche matin et d’Alice Zeniter

Alice Zeniter, l’Art de perdre, 2017, couverture

«Hamid ne saisit pas ce que veut son interlocuteur. Son père travaille à l’usine, comme la plupart des voisins, et dans leur discours il semble n’en exister qu’une. C’est l’Usine. Celle qui fait qu’on les a emmenés là. Il n’a jamais pensé qu’elle produisait quoi que ce soit puisque Ali n’en n’est jamais revenu les mains chargées. Dans sa tête, l’Usine fabrique surtout de la fumée, des blessures, des crampes et une odeur de cramé que son père traîne d’une pièce à l’autre de l’appartement malgré les douches.»

Alice Zeniter, l’Art de perdre. Roman, Paris, Flammarion, 2017, 507 p., p. 224.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Divergences transatlantiques 053

Deux paires de chaussures suspendues, Montréal, 5 juin 2010

Certaines personnes — l’Oreille tendue n’en est pas — aimeraient courir, dit-on. Elles pratiquent la course, le jogging, le footing, voire — la création paraît récente — le running. Pour Wikipédia, cet «anglicisme» désigne «une pratique libre de la course à pied», inscrite «dans le culte de la performance : courir plus longtemps ou plus vite par exemple».

Dans un mois, Cécile Coulon fera ainsi paraître, chez François Bourin, un Petit éloge du running.

Au Québec, ce titre pourrait prêter à confusion : le running, ou running shoe, y est surtout la chaussure qui permet la course, non la course elle-même. Des exemples littéraires de cet emploi ? Voyez Attaquant de puissance, de Sylvain Hotte, qui utilise aussi bien, en italiques, runnings (p. 132, p. 152) que running shoes (p. 175). (On voit aussi espadrille, chaussure de sport, shoe-claques, sneakers, etc. Le site le Français de nos régions a consacré une étude à la répartition géographique de ces termes au Canada.)

Quoi qu’il en soit de l’éloge à paraître, tout ça est une affaire de pied(s).

 

Référence

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.