Néologisme estrien

Gilles Marcotte, le Manuscrit Phaneuf, 2005, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman policier (façon de parler) le Manuscrit Phaneuf de Gilles Marcotte (2005) :

Il alla voir les villages de Melbourne et d’Ulverton, dont un ami lui avait déjà vanté les charmes vétéro-britanniques (p. 73).

«Vétéro-britanniques» ? Le préfixe renvoie à l’ancien, comme dans vétérotestamentaire (relatif à l’Ancien Testament). Britanniques rappelle que les Cantons-de-l’Est, où se trouvent, au sud de Montréal, Melbourne et Ulverton, sont des lieux de vieille implantation anglophone.

Que faut-il retenir de cet assemblage néologique ? La profondeur historique (l’Ancien Testament) ? L’histoire plus récente (les Britanniques) ? Leur union en un seul espace ? Le mariage de la Bible et de la couronne d’Angleterre, de la religion et de la politique, de l’hébreu et de l’anglais ? Tout cela ?

Saluons à tout le moins la pénétration du regard et le sens de la formule.

 

Référence

Marcotte, Gilles, le Manuscrit Phaneuf. Roman, Montréal, Boréal, 2005, 216 p.

Trente-deuxième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Substitution

Définition

«Dans une formule attendue, cliché, syntagme figé, proverbe, citation, idée “reçue”, on remplace certains lexèmes par d’autres, inverses, ou étonnants» (Gradus, éd. de 1980, p. 426).

Exemples

«Le Québec brillait par sa présence à la Journée de la Francophonie, plus de 700 participants à l’Institut français !» (@QuebecJapon)

«J’aime la chanson actuelle de toute ma faiblesse» («La rue s’allume», éd. de 1966, p. 28).

 

Références

Belleau, André, «La rue s’allume», Liberté, 46 (8, 4), juillet-août 1966, p. 25-28; repris dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 17-19; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 59-63; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 59-64. https://id.erudit.org/iderudit/30058ac

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Gilles Marcotte

Gilles Marcotte, la Vie réelle, 1989, couverture

«Sous son regard glacé vous vous recroquevillez, vous vous sentez extrêmement coupable, coupable à n’en plus finir, vous vous répandez en explications, vous parlez de la rareté des appartements à Paris, des relations France-Québec, de la petite faiblesse que vous avez au cœur, de la très belle Madame Marcotte de Saint-Hilaire peinte par Ingres et qui est au Louvre, oui au Louvre, vous déversez des flots de paroles — alors qu’il serait si simple de fuir — qui se brisent sur ce mur, cette digue, ce dingue, cet empêcheur d’habiter en rond, ce puissant major, ce dôme imposant venu des profondeurs de la maison et du temps.»

Gilles Marcotte, «I love Paris», dans la Vie réelle. Histoires, Montréal, Boréal, 1989, 235 p., p. 63-69, p. 68-69.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Langue de puck et de Québec

Cet après-midi, l’Oreille tendue sera à Québec, au Musée de la civilisation, pour parler de la langue du hockey (renseignements ici).

Elle utilisera nombre d’exemples, notamment ceux qui suivent.

«Y a des finales jusqu’au mois d’mai» (Dominique Michel, «Hiver maudit : j’haïs l’hiver», chanson 1979).

«Béliveau purgeait une mineure sur le banc des punitions» (phrase citée par Jacques Bobet, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», p. 175).

«le gros 61 loge un boulet sous le biscuit du gardien» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 187).

«La députée libérale Lucienne Robillard a annoncé hier qu’elle accrochait ses patins politiques» (le Devoir, 5 avril 2007).

Dans House of Cards, le personnage de Leann Harvey (Neve Campbell) «joue dur dans les coins de patinoire» (la Presse+, 10 mars 2016).

«Si la nature est ton amie, tu pognes un deux meunutes» (Erika Soucy, les Murailles, p. 30).

«C’était le tombeur de la poly, celui qui niaisait pas avec la puck pis qui t’amenait à son chalet c’était pas trop long» (Erika Soucy, les Murailles, p. 86-87).

«À une époque où les pucks étaient faites de crottin» (Loco Locass, «Le but», chanson, 2009).

«Vite, vite, qu’on en finisse avec ce centenaire qui a duré 100 ans. Leurs bras meurtris ne tendent plus le flambeau, ils nous assomment avec» (Yves Boisvert, la Presse, 4 décembre 2009).

«les fantômes ont failli» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 16).

Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012.

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

 

Références

Bobet, Jacques, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», Liberté, 57 (10, 3), mai-juin 1968, p. 175-187. https://id.erudit.org/iderudit/60373ac

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture