Qu’on se le magne !

Fromage Déguédine !, emballage

S’agissant de fromage, l’Oreille tendue, il y a jadis naguère, annonçait qu’il lui faudrait bien, un de ces jours, se pencher sur déguédine. Ce jour est arrivé.

Soit les quatre phrases suivantes :

«Calmez-vous, calmez-vous, comment ça, me calmer ? Toi, fais ta job de 911 pis déguédine, si j’étais calme, madame, je serais pas normalement constituée» (Venir au monde, p. 30).

«Laisse faire, on va protéger la tienne ! Viens-t’en, passe en avant, déguédine ! lui cria Lalonde» (Atavismes, p. 173).

«Enwèye, dégéduine» (publicité).

«Déguédine Dan déguédine Dan Dan comme Zinédine Zidane» (Loco Locass, «Groove Grave», Amour oral, 2004).

Déguédine, donc, du verbe déguédiner. Il s’agit, dans le français populaire du Québec, d’une injonction de mouvement : allez, hop ! On se grouille !

Phonétiquement (façon de parler), Pierre Corbeil propose «Dziguédzine» (p. 131). De même, Léandre Bergeron connaît aussi bien «déguédine» que «diguidine» (p. 91).

Quelle serait l’étymologie de ce mot ? Sur Twitter, en 2019, on proposait ceci : «“Déguédine” vient de l’anglais “dig it in”. Ordre du foreman au bûcheron pour dégager un arbre avant de le couper.» En 2022, Gabriel Martin est bien sceptique devant cette explication : «Elle semble donc inventée de toutes pièces» (p. 32). Mais alors ? «Sans qu’on puisse l’affirmer avec fermeté, il se pourrait que ce mot puise ses origines dans la vocalisation onomatopéïque diguedaine à laquelle recouraient fréquemment les chansons populaires d’autrefois» (p. 32).

Depuis peu, ce verbe, employé «surtout à l’impératif», se trouve dans la nomenclature du dictionnaire le Robert; voir ici.

À votre service — et plus vite que ça !

 

[Complément du 23 novembre 2024]

La forme réfléchie est attestée : «Il faut que le ministre de l’Éducation Bernard Drainville se déguédine» (la Presse+, 23 novembre 2024).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Martin, Gabriel, «L’origine du québécisme déguédiner », Histoire Québec, 28, 1, 2022, p. 32-33.  https://id.erudit.org/iderudit/100334ac

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p. Précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté. Suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté

Les zeugmes du dimanche matin et d’Éric Forbes

Éric Forbes, le Fugitif, le flic et Bill Ballantine, 2024, couverture

«D’où cette réticence qu’ont ces mâles alpha, débordant de testostérone et de mauvaise volonté, à obéir à ses ordres» (p. 22).

«Chénier le libère. Apeuré, Johnny se laisse choir sur le lit et ferme sa gueule, trop occupé à récupérer son souffle ainsi que sa dignité, tous deux égarés quelque part entre l’entrée de l’hôtel, où il faisait le guet, et la fenêtre de la chambre» (p. 113).

Éric Forbes, le Fugitif, le flic et Bill Ballantine, Montréal, Héliotrope, coll. «Noir», 2024, 274 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… François Hébert

François Hébert, le Rendez-vous, 1980, couverture

«Ses petits pas. Eugène s’efforçait de suivre son rythme, pour ne pas marcher sur ses talons. Une autre vieille dame le dévisageait quand ils entrèrent dans la salle à manger; elle croquait un sablé avec précaution pour ne pas faire de bruit et pour ne pas déplacer son dentier. Qui est cet intrus ? se demanda-t-elle. Rapport au clochard, je suppose. Ce que les filles vont tendre les oreilles quand Amanda Caouette va leur raconter tout ça.»

François Hébert, le Rendez-vous. Roman, Montréal, Quinze, coll. «Prose entière», 1980, 234 p., p. 84-85.

Payer avec des tomates

Thérèse Loslier, le Hockey et l’amour, s.d., couverture

Soit les deux phrases suivantes :

«Et puis maintenant que je gagnerai $ 20,000 par saison, on va pouvoir les rembourser les 750 tomates…» (le Hockey et l’amour, p. 32)

«En tout cas, avec cinq mille tomates, je te fais confiance pour trouver quelque chose qu’il va aimer» (la Classe de madame Valérie).

On l’aura compris : au Québec, dans le registre populaire, tomate est synonyme de dollar.

À votre service.

P.-S.—Bien vu : l’Oreille tendue a présenté le Hockey et l’amour ici.

 

Références

Blais, François, la Classe de madame Valérie. Roman, Québec, L’instant même, 2013, 400 p. Édition numérique.

Loslier, Thérèse, le Hockey et l’amour. Roman d’amour mensuel, Montréal, Éditions PJ, numéro 22, s.d., 32 p.