Il y a «la fille de l’agence […] avec sa tête de musaraigne, et sa dégaine de plante verte, belle comme un caoutchouc de sous-préfecture».
Laurent Mauvignier, Ceux d’à côté. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 156 p., p. 137-138.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Il y a «la fille de l’agence […] avec sa tête de musaraigne, et sa dégaine de plante verte, belle comme un caoutchouc de sous-préfecture».
Laurent Mauvignier, Ceux d’à côté. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 156 p., p. 137-138.
«Gore-Tex possédait également un chien sans nom retenu par une corde, et par ce chien se faisait appeler papa : viens voir papa, va voir papa là-bas, demande à boire à papa, mange bien la bonne boîte à papa. Attention, papa va se fâcher» (p. 75).
Echenoz, Jean, Un an. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1997, 110 p.
«Ils s’allongèrent parmi des tournesols à deux cents mètres du château d’eau; au-dessus d’eux, déjà braquées plein ouest, les fleurs courtisanes guettaient le lever du radiateur.»
Jean Echenoz, l’Équipée malaise. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1986, 251 p., p. 245.
Hier, dans la section des sports du quotidien la Presse : «Je comprends Dawson d’avoir une crotte sur le cœur» (28 janvier 2010, p. 2).
Avoir une crotte sur le cœur ? Garder rancune.
Il vaut probablement mieux ne pas se représenter la chose.
[Complément du 10 décembre 2015]
Autre définition : «Avoir de la rancœur, du ressentiment» (Trésor des expressions populaires, p. 105).
Existe en différents formats :
Il y a des gens à la #ceic qui ont une mégacrotte sur le coeur pour couler de tels documents internes. Tout un scoop de @mmdenisrc
— Daniel Leblanc (@danlebla) December 10, 2015
[Complément du 13 décembre 2015]
Jeu de mots, en titre, dans le quotidien le Devoir daté du 26 janvier 2013 : «Yucatán – Une grotte sur le cœur.»
[Complément du 23 janvier 2016]
Variation du jour : «En attendant, Parenteau va se concentrer sur le match de ce soir contre son ancienne équipe et son ancien entraîneur-chef. On devine qu’il jouera avec la proverbiale fiente sur le cœur» (la Presse+, 23 janvier 2016).
[Complément du 26 août 2024]
Des exemples romanesques, au singulier comme au pluriel ? Bien sûr.
«Marc aurait pu en rester là. Il n’avait pas envie de recoucher avec Suzanne ni d’ailleurs d’en reparler infiniment, mais Suzanne continuait, insistait, pour s’assurer que personne ne reste “avec des crottes sur le cœur”» (Vox populi, p. 83).
«Il se le niait à lui-même, mais il avait une crotte sur le cœur» (la Bête creuse, p. 378).
Références
Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.
DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.
Nicol, Patrick, Vox populi. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 98, 2016, 89 p.
Correcteur, lecteur-correcteur, réviseur, correcteur linguistique, réviseur de manuscrits, quand ce n’est pas père-la-virgule : les étiquettes changent, mais le travail reste le même, donner à un texte la plus grande correction possible, notamment sur le plan de la langue, auprès des maisons d’édition, dans la presse et sur Internet.
Le quotidien Libération rend hommage à ceux qui pratiquent ce travail dans son édition du 6 janvier 2010 et, surtout, rappelle leur très grande précarité.
On entend généralement peu parler (de) ces artisans de l’ombre. Deux exceptions. L’une numérique : le blogue des correcteurs du Monde.fr, «Langue sauce piquante». L’autre dans le recueil de courts récits d’Yves Pagès, Petites natures mortes au travail (2000) : voir, par exemple, le personnage de Léopold, correcteur scientifique, puis journalistique, dans «Le syndrome delphinien». Extrait :
Léopold s’était mis dans la peau du contremaître surveillant une chaîne de montage industrielle. En chaque mot, il voyait une pièce détachée qui devait répondre aux normes. En chaque phrase, il assurait la comptabilité du kit des modules grammaticaux. Sa cadence de relecture ne lui laissait pas le choix, il contrôlait le défilement de cette prose spécialisée à flux tendus. D’où sa rage de petit chef contre la mauvaise ouvrage d’auteurs soit désinvoltes soit dyslexiques soit les deux; et son mépris pour la clientèle estudiantine de ces monographies animalières qui ignorait tout de son labeur invisible (p. 70).
Ça se terminera mal.
Au Québec, la revue Liberté, en 1985, avait publié, en deux articles, sous le titre «Les taupes de l’édition», une défense et illustration de ce métier par Suzanne Robert et Jean-Pierre Leroux. Plus récemment, Nadine Bismuth lui a consacré un roman caustique, Scrapbook (2004).
C’est sûrement incomplet, mais c’est peu.
[Complément du 15 février 2014]
Les plus célèbres correcteurs d’épreuves du Québec sont André et Nicole Ferron, dans l’Hiver de force (1973) de Réjean Ducharme :
On lui aurait dit comment on a vu pulluler les fautes et les coquilles, et on lui aurait rappelé qu’on est des correcteurs d’épreuves à la pige. C’est vrai. Le peu de vie que nous gagnons, c’est comme correcteurs d’épreuves. Les éditeurs et les imprimeurs de Montréal ont tous notre numéro de téléphone. Il n’y en a pas des tas qui nous appellent, certes, il n’y en a même qu’un ou deux, mais ça ne prouve pas que nous ne soyons pas compétents. Nous connaissons par cœur la grammaire Grevisse (Le bon usage, Duculot, Gembloux, 1955) (p. 50).
Références
Bismuth, Nadine, Scrapbook. Roman, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 176, 2006, 393 p. Édition originale : 2004.
Ducharme, Réjean, l’Hiver de force. Récit, Paris, Gallimard, 1973, 282 p. Rééd. : Paris, Gallimard, coll. «Folio», 1622, 1984, 273 p.
Leroux, Jean-Pierre, «Exercices de révision», Liberté, 162 (27, 6), décembre 1985, p. 10-16. https://id.erudit.org/iderudit/31304ac
Pagès, Yves, Petites natures mortes au travail. Récits, Paris, Verticales et Seuil, 2000, 122 p.
Robert, Suzanne, «Prête-moi ta plume… et ton cerveau», Liberté, 162 (27, 6), décembre 1985, p. 3-10. https://id.erudit.org/iderudit/31303ac