«Steve s’est essuyé le front, à genoux devant la calandre du véhicule. Il avait deviné mon pas derrière la porte. Suffisait de tendre l’oreille, il me reconnaîtrait dans n’importe quelle situation.»
Yves Ravey, Que du vent. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2024, 122 p., p. 98.
«La porte, la clé, le couloir aux murs clairs. Lucie ne l’entend pas. Elle est au piano. Émile enlève son manteau sans faire de bruit. Il tend l’oreille. C’est du Chopin, un nocturne.
De la douceur, de la douceur. Quelques accords, une vibration dans l’air, le silence.»
Étienne Kern, la Vie meilleure. Roman, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2024, 187 p., p. 89-90.
«On ne dit pas un mot, on sait que l’heure est grave. On écoute les pas de la police nationale se diriger vers nous. Silence. On tend l’oreille vers le ciel pour entendre les hélicoptères qui nous ont repérés. Silence. On commence à se détendre le tendu.»
Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, Montréal, Boréal, 2023, 312 p., p. 29.
P.-S.—Notons, si vous le voulez bien, l’expression «se détendre le tendu». Foi d’Oreille, elle est assez bien tournée.
François Hébert, «David Lynch», collage, collection particulière
L’écrivain québécois François Hébert (1946-2023) s’intéressait au cinéaste David Lynch. Déjà, en 1985, celui-ci apparaissait, sous sa plume, dans Monsieur Itzago Plouffe (pour l’Homme-éléphant, p. 63). On le croisera ensuite dans Pour orienter les flèches (Blue Velvet, p. 93) et dans Des conditions s’appliquent (Mulholland Drive, p. 39). Il sera plusieurs fois questions de lui dans Frank va parler : pour ses films (Blue Velvet, p. 29, p. 35; Mulholland Drive, p. 135), pour sa série télévisée (Twin Peaks, p. 30, p. 72, p. 83), pour un film de son fils, John, dans lequel il joue (Lucky, p. 30-32). Hébert fait, pour l’occasion, le portrait de Lynch, sous forme d’autoportrait :
C’est mon semblable, ce Lynch aux cheveux en brosse irrégulière dressés sur la tête comme un vieux pinceau, on a le même âge, sinon la même tronche, car j’ai plutôt une tête d’œuf. Le cinéaste est peintre, ça vous change le mal de place. Et je suis poète aux heures perdues, et presque toutes le sont ces temps-ci (p. 29).
François Hébert pratiquait aussi l’art du collage : «J’en ai fait un assemblage artistique avec des objets divers, presque digne d’un altruiste» (p. 30). Oui, c’est l’illustration ci-dessus.