[Ce texte s’inscrit dans la série Tombeau d’Ella. On en trouvera la table des matières ici.]
On s’entend généralement sur le fait que, dans la bouche d’Ella Fitzgerald, les phonèmes naissent et demeurent égaux en droits. Pour le dire banalement : sa diction serait parfaite. Un exemple parmi mille ? «Don’t Fence Me In» (1956).
À cette vérité générale, on ne peut opposer que d’exceptionnels contre-exemples.
Dans un des passages en français de «Dites-moi» (1963), un mot est incompréhensible : «Dites-moi pourquoi / Chère Mademoiselle / Est-ce que / Parce que / Vous m’[?????].» Encore : «Blues in the Night» (1961). C’est tout.
Il est aussi un mot plus beau que les autres chez Ella Fitzgerald : «adore». Réécoutez «I Am in Love» (1956), «Blue Moon» (1956), «Easy to Love» (1956), «Let’s Fall in Love» (1961), «This Time the Dream’s on Me» (1964). Certains phonèmes sont plus égaux que d’autres. C’est comme ça.
[Complément du 16 mars 2017]
Ella Fitzgerald a beaucoup chanté Cole Porter. Norman Granz, son agent, présente le Cole Porter Songbook (1956) au compositeur. «Porter écoute et dit : — “Quelle diction !” On ne saura jamais si, de sa part, il s’agissait d’un compliment sincère ou d’une politesse protocolaire.» C’est Alain Lacombe qui rapporte l’anecdote dans son livre de 1988 (p. 133).
Référence
Lacombe, Alain, Ella Fitzgerald, Montpellier, Éditions du limon, coll. «Mood indigo», 1988, 206 p. Ill.
[Les dates entre parenthèses devraient être celles des enregistrements. Elles ne sont pas toujours fiables.]
Illustration : Ella Fitzgerald, 1975, photo déposée sur Wikimedia Commons