Fil de presse 009

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Que font-ils ? Ils écrivent des textes où la langue est mise en scène. Des heures d’écoute en perspective.

Amie, et néanmoins collègue, de l’Oreille tendue, Lucie Bourassa étudie le français de Katalin Molnár dans la revue numérique @nalyses. (Il faut avoir l’oreille fine.)

Dans la collection «Paragraphes», le collègue, et néanmoins ami, de l’Oreille Francis Gingras a réédité, en une version revue et corrigée, son Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française.

François Provenzano publiera, dans quelques jours, Vies et mort de la francophonie. Une politique française de la langue et de la littérature aux Impressions nouvelles.

Frédéric Werst, avec Ward, invente une nouvelle langue.

Le livre que voici se présente comme une anthologie de la littérature d’un peuple imaginaire, les Wards. Dans les extraits qui la composent, j’ai cherché à évoquer ces gens, leur histoire, leur monde, leurs mythes, leurs idées, élaborant des genres littéraire, essayant des principes formels ou esthétiques, rêvant des poètes ou des prosateurs, des théologiens ou des philosophes — mais avant tout, c’est de l’invention d’une langue qu’il était question. Cette anthologie est en effet bilingue, et j’ai choisi de donner de ces textes, outre une traduction française, leur version originale dans la langue des Wards, le «wardwesân» (p. 11).

La fondatrice de Wordnik, Erin McKean, proposait, le 9 janvier, dans sa chronique du Boston Globe, ses découvertes de l’année en matière linguistique. Elle y causait culturomics — l’utilisation de Google Books pour analyser la langue —, palinisme — refudiate, encore une fois —, néologie — l’entrée du mot eggcorn dans le Oxford English Dictionary; Wikileaks —, prononciation — celle du Eyjafjallajökull. Elle y renvoyait aussi à une étonnante vidéo typographique contre le purisme linguistique (anglo-saxon), celle de Stephen Fry. À voir.

 

Références

Bourassa, Lucie, « Du français, dlalang et des poèmes incorrects : langage et poétique chez Katalin Molnár», article numérique, @nalyses, 14 décembre 2010. https://doi.org/10.18192/analyses.v5i3.588

Gingras, Francis (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Université de Montréal, Département des littératures de langue française, coll. «Paragraphes», 26, 2007, 525 p. Réédition revue et corrigée : 2009, 516 p.

McKean, Erin, «The Year in Language», The Boston Globe, 9 janvier 2011.

Provenzano, François, Vies et mort de la francophonie. Une politique française de la langue et de la littérature, Bruxelles, Les impressions nouvelles, coll. «Réflexions faites», 2011, 288 p.

Werst, Frédéric, Ward. Ier-IIe siècle. Roman, Paris, Seuil, coll. «Fiction & cie», 2011, 416 p.

Du nouveau sous le soleil ?

Il y avait la musique néotrad, le néolibéralisme, la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique, le «style néo-Yo» (le Devoir, 15 octobre 2010, p. B10).

Il y a dorénavant le néorustique : «Le néo-rustique traverse les ponts» (la Presse, cahier Gourmand, 8 janvier 2011, p. 5).

On n’arrête pas le progrès, même s’il remonte le temps.

N.B. Le trad est une musique folklorique qui refuse de se dire telle. Elle se décline, au moins, en «Trad, néo-trad, trash-trad et trad trad» (le Devoir, 29 décembre 2003).

N.B. bis. La bible de l’Oreille tendue — le Girodet — le dit : «À l’exception de néo-calédonien néo-hébridais, néo-impressionnisme, néo-impressionniste, néo-zélandais, tous les termes en néo- s’écrivent maintenant en un seul mot, sans trait d’union […]» (p. 517). Elle a évidemment raison contre le Devoir et la Presse.

 

Références

Boulanger, Jean-Claude, «Un épisode des contacts de langues : la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique», dans Marie-Rose Simoni-Aurembou (édit.), Français du Canada – Français de France. Actes du cinquième Colloque international de Bellême du 5 au 7 juin 1997, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, coll. «Canadiana Romanica», 13, 2000, p. 307-324.

Girodet, Jean, Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, coll. «Les référents», 1988, 896 p. Troisième édition.

Sujet de devoir

Corpus principal

Tandis que je passais un coup de balai, Hope avait empilé la vaisselle dans l’eau savonneuse. Quelques bulles flottaient dans l’Animalerie [c’est là où habite Hope], réfléchissaient tout ce qui les entourait — des copies de secours miniatures de notre univers (p. 38).

En digne Randall, Hope n’abandonnait jamais une idée fixe. Elle la tournait et retournait dans tous les sens, comme un cube Rubik — un exercice qui pouvait se poursuivre en tâche de fond pendant des heures, parfois des jours (p. 62).

À force de la bombarder d’informations, nous avions réussi à redémarrer le système d’exploitation [rendre à la conscience la mère de Hope] — mais au lieu d’un simple retour à la normale, nous avions vu s’activer une toute nouvelle Ann Randall (p. 104).

En fait, Hope commençait à soupçonner une forme d’amnésie à long terme, comme si sa mère avait formaté de vastes zones de sa mémoire (p. 107).

Sujet

Expliquer comment la prose de Nicolas Dickner est nourrie par le vocabulaire de l’informatique.

Consignes

Ne pas tenir compte des mentions du courriel (p. 247) et des «télécondoléances» (p. 248), de Google (p. 255) et d’Internet (p. 268), des «COBOL coders» (p. 169).

«Viser 250 mots, prière [de ne pas] éviter les verbes être et avoir» (p. 53).

 

Référence

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Les experts

Qu’ont en commun Benoît Brunet, Mario Tremblay et Joël Bouchard ? Ce sont d’anciens joueurs de hockey reconvertis dans le commentaire sportif.

Au Québec, on dit parfois que ce sont des joueurnalistes. En France, on les appelle consultants. Ce n’est guère mieux dans un cas que dans l’autre.

Les joueurnalistes ne sont pas journalistes (ils ne font aucun travail journalistique) et tous ceux qu’on nomme joueurnalistes ne sont pas d’anciens joueurs (pensons aux ex-entraîneurs Michel Bergeron et Jacques Demers ou à l’ex-arbitre Ron Fournier).

Les consultants, eux, ont mauvaise réputation partout dans le monde. On les considère assez généralement comme des créatures improductives.

On devrait pouvoir trouver mieux.

 

[Complément du 15 février 2017]

Dans la Presse+ du jour, le journaliste Patrick Lagacé, à la suite du congédiement de Michel Therrien par les Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, propose un terme spécifique pour les entraîneurs recyclés : «À moins qu’il ne redevienne coachnaliste à RDS, comme il l’était avant de revenir diriger le CH.» C’est noté.

 

[Complément du 19 décembre 2017]

L’Oreille tendue ne connaissait que la graphie joueurnaliste. En lisant «2018 avant 2018» de Jean-Philippe Martel dans la plus récente livraison du magazine Lettres québécoises (168, hiver 2017), elle découvre que l’ancien joueur de foot Patrick Leduc serait joueurnalyste (p. 70). Une recherche rapide sur Google semble indiquer que Leduc, qui se définit lui-même par ce terme, est (presque) le seul à ainsi faire entrer l’analyste dans le joueur.

 

[Complément du 1er novembre 2020]

Exemple romanesque, chez Hugo Beauchemin-Lachapelle (2020) : «Et soudain, une phrase tombe de la bouche d’un des joueurnalistes. Elle est aussitôt retransmise à plus d’un million de téléspectateurs» (p. 32).

 

Référence

Beauchemin-Lachapelle, Hugo, la Surface de jeu. Roman, Montréal, La Mèche, 2020, 276 p.

On ne saurait mieux dire

Un spectacle sera bientôt consacré au chanteur québécois Jean-Pierre Ferland. Le metteur en scène, Serge Postigo, expliquait cette semaine à la radio de Radio-Canada qu’il ne voulait pas que Ferland se sente «hommagé» par ce spectacle. L’Oreille tendue est parfaitement d’accord avec Serge Postigo : elle ne souhaite pas elle non plus que Ferland soit «hommagé».