Troisième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Autoreprésentation

Définition

Pour Janet M. Paterson, l’autoreprésentation est le «processus selon lequel un texte se représente» (p. 177).

Exemple

«Et la chaux rejoint aussi nos livres et nos papiers pour photocopie ou imprimante : un très léger ajout de chaux très fine donne au papier des livres (celui-ci même) la granulosité lisse nécessaire pour l’imprimerie rapide d’aujourd’hui.»

N.B. Lue sur une tablette informatique, cette phrase de Daewoo de François Bon rappelle ce qui distingue le «papier des livres» («celui-ci même») du numérique. Entre l’édition (imprimée) de Fayard en 2004 et celle (uniquement numérique) de 2011, quelque chose a bel et bien changé, du rapport à l’objet : pas de chaux pour un iPad.

Champ lexical

L’Oreille tendue préfère le terme autoreprésentation à tous ceux qui composent la pléiade de ceux désignant le retour d’un texte sur lui-même : «auto-référence», «auto-légitimation», «auto-conscience accrue», «métafiction», «auto-théorisation», «autoréflexivité», «métatextualité» (Linda Hutcheon); «pratique auto-réflexive, autonymique, sui-référentielle» (Catherine Kerbrat-Orecchioni); «récit spéculaire» (Lucien Dällenbach); «autotexte» (Lucien Dällenbach); «réduplication structurale» (Janet Paterson); «narcissisme littéraire», «littérature autocentrique», «introversion littéraire», «conscience de soi métafictionnelle», «fiction littéraire auto-structurante» (Linda Hutcheon); «mise en abyme» (André Gide); etc. C’est comme ça.

Les premiers articles de ce dictionnaire se trouvent ici et .

 

Références

Bon, François, Daewoo. Roman, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2011. Édition numérique. Édition originale : 2004.

Paterson, Janet M., «L’autoreprésentation : formes et discours», Texte, 1, 1982, p. 177-194.

Le (double) zeugme du dimanche matin

L’invité de la semaine est le cahier Mon toit du quotidien la Presse.

«Le mobilier intégré : une solution fonctionnelle et architecturale» (8 janvier 2011, p. 5).

«Un choix esthétique et énergétique» (15 janvier 2011, p. 6).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Cachez ce pronom relatif que je ne saurais voir

Un ex-collègue de l’Oreille tendue, grammairien de son état, lui disait un jour que le pronom relatif était une des choses les plus difficiles à expliquer en classe.

Confirmation publicitaire en p. A10 du Devoir du 3 juin.

Publicité fautive de Georges Laoun opticien

Ce «La raison que notre pub est en couleur !» l’aurait sûrement conforté dans sa position.

Des nouvelles de la mort

Les médias — on s’en tiendra à eux aujourd’hui — n’aiment pas appeler la mort par son nom. Ce n’est pas la première fois qu’on le déplore ici.

Exemples nouveaux, tirés de l’actualité d’hier.

Sur le site Web de la Presse : «Claude Léveillée s’éteint.» Sur Twitter : «Décès de Claude Léveillée»; «Mes hommages à Claude Léveillée, décédé»; «Claude Léveillée est parti sur son cheval blanc»; «Claude Léveillée a enfourché son cheval blanc»; «Même si on l’avait vu venir, le départ de Claude Léveillée est triste…»; «Léveillée peut enfin s’endormir (en paix)»; «Le Québec vient de perdre un grand homme»; «Le grand Claude Léveillée nous a quitté» (on appréciera le singulier de quitté).

La situation est plus complexe au Devoir. Son site Web est clair, s’agissant du chanteur : «Claude Léveillée est mort.» (Merci.) Pour un poète et essayiste, dans l’édition papier, c’est beaucoup plus affecté : «Le jardin de l’écriture se referme sur Jean-Pierre Issenhuth» (9 juin 2011, p. B7).

«Le jardin de l’écriture se referme» ? L’Oreille tendue ne connaissait pas cette euphémisation particulièrement lyrique de la mort. Il y a des cas où elle préférerait — presque — décéder.

Explication cynégétique du jour

Orignal mort, dans un camion

Soit la phrase suivante, tirée du Charme discret du café filtre d’Amélie Panneton (2011) :

C’est l’automne et c’est la saison des Japonais, un peu comme c’est la saison des orignaux : bien qu’on ne les voie jamais écartelés sur le toit d’un camion, ils deviennent tout de même le point de mire de l’industrie touristique au grand complet (p. 72).

Pour la comprendre, il n’est pas inutile de savoir que les chasseurs québécois aiment bien exhiber sur leur véhicule la carcasse de leurs victimes (ici : un orignal).

On ne sache pas, en effet et en revanche, que ce soit vrai des touristes de l’Empire du Soleil levant, même si les chantres du développement touristique aimeraient que les visiteurs étrangers restent le plus longtemps possible dans la Belle Province.

 

Référence

Panneton, Amélie, le Charme discret du café filtre. Nouvelles, Montréal, Éditions de la Bagnole, coll. «Parking», 2011, 158 p.