Curiosités voltairiennes (et éveillées)

Georges Simenon, Maigret et l’inspecteur Malgracieux, 1947, couverture

«On vous a sans doute dit que les vieillards ont besoin de fort peu de sommeil… Il y a aussi des gens qui, pendant toute leur vie, dorment très peu… Cela a été le cas d’Érasme, par exemple, et aussi d’un monsieur connu sous le nom de Voltaire» (p. 47).

Simenon, qui écrit ce qui précède dans sa nouvelle «Le témoignage de l’enfant de chœur», n’est pas le seul à s’intéresser au sommeil des créateurs.

Tableau des heures de veille et de sommeil de plusieurs créateurs, dont Voltaire

Voltaire est toujours bien vivant.

 

Référence

Simenon, «Le témoignage de l’enfant de chœur», dans Maigret et l’inspecteur Malgracieux, dans Tout Simenon 2, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1988, p. 7-122, p. 37-64. Édition originale : 1947.

Accouplements 259

Couvertures de The Year of Magical Thinking et de Au gré des jours, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Didion, Joan, The Year of Magical Thinking, Londres, 4th Estate, 2012, 227 p. Ill. Édition originale : 2005.

«In the bed to Quintana’s right was a man injured in a construction accident. The men who had been on the site at the time of the accident had come to see him. They stood around his bed and tried to explain what had happened. The rig, the cab, the crane, I heard a noise, I called out to Vinny. Each man gave his version. Each version differed slightly from the others. This was understandable, since each witness proceeded from a different point of view, but I recall wanting to intercede, help them coordinate their stories; it had seemed too much conflicting data to lay on someone with a traumatic brain injury» (p. 125-126).

Héritier, Françoise, Au gré des jours, Paris, Odile Jacob, 2017, 151 p. Ill.

«s’apercevoir des tours que nous joue la mémoire en revoyant de vieux films où ne figure pas la scène marquante dont on croyait se souvenir, avoir le même sentiment en relisant un texte, parfois même écrit de sa propre main (ai-je vraiment écrit cela ?), chercher la raison de ces tours plus surprenants encore que les décalages qui existent entre les regards portés sur le même événement par plusieurs personnes, saluer cette inestimable capacité d’agencer des pans éclatés de sa vie en leur donnant une continuité» (p. 40).

Curiosités voltairiennes (et trudeauesques)

Photo de Justin Trudeau, mars 2025

À la fin de son mandat comme premier ministre du pays, Justin Trudeau a prononcé un discours sur la guerre commerciale lancée par les États-Unis contre le Canada. Extrait :

C’est le moment de redoubler d’efforts, de se tenir debout pour notre pays, de faire tout ce qu’on peut pour choisir le Canada, pour défendre le Canada. On va passer ensemble à travers les moments difficiles. Mais après vous avoir vus aller dans les dernières semaines, j’ai jamais été aussi optimiste quant au futur de notre beau pays, malgré tous les défis qu’on va être en train de vivre ensemble. Le Canada reste le meilleur pays sur Terre. On a tellement de raisons d’être fiers de notre chez nous, de ces quelques arpents de neige. Mais, surtout, je suis fier de notre capacité de nous serrer les coudes quand vient le temps. Les Canadiens ont de différentes origines, de différentes langues, différentes croyances, mais quand vient le temps de défendre notre pays, on le fait d’une seule voix, main dans la main. — À travers vents et marées, les Canadiens peuvent toujours compter les uns sur les autres.

Voltaire est toujours bien vivant.

P.-S.—Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

Curiosités voltairiennes (et trumpiennes)

Catherine Mavrikakis, «Candide au pays des merveilles», la Presse+, 29 mars 2025, titre

(Pendant plusieurs années, l’Oreille tendue a alimenté des blogues sur Tumblr, dont un sur les traces de la présence de Voltaire dans la culture contemporaine. Pour des raisons qu’elle ignore, l’Oreille est désormais persona non grata sur cette plateforme : tous ses blogues ont disparu. À l’avenir, Curiosités voltairiennes, ce sera ici.)

Dans la Presse+ du 29 mars, trois écrivains se penchent sur la situation des États-Unis sous Trump bis. Parmi eux, Catherine Mavrikakis.

Son texte, «Candide au pays des merveilles», est le discours fictif, dans un avenir pas trop éloigné, d’une femme politique, Candide Barney. Ses derniers mots sont les suivants : «Comme le répétait un autre écrivain français d’il y a très longtemps, Voltaire : “Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.” Cela n’a jamais été aussi vrai…»

Voltaire est toujours bien vivant.

P.-S.—Au cinquième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, on lit : «Je demande très humblement pardon à Votre Excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l’homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles.»

Accouplements 258

Pages finales (lignées) du livre Au gré des jours, de Françoise Héritier

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Didion, Joan, The Year of Magical Thinking, Londres, 4th Estate, 2012, 227 p. Ill. Édition originale : 2005.

«Did he have some apprehension, a shadow ? Why had he forgotten to bring note cards to dinner that night ? Had he not warned me when I forgot my own notebook that the ability to make a note when something came to mind was the difference between being able to write and not being able to write ?» (p. 23)

Héritier, Françoise, Au gré des jours, Paris, Odile Jacob, 2017, 151 p. Ill.

«Mais on ne bride pas si facilement un processus créatif de quelque nature qu’il soit. Les souvenirs et les images et les idées persistent à affluer, tantôt avec fugacité, tantôt avec une telle prégnance qu’on les note rapidement sur n’importe quel support : j’ai ainsi pris l’habitude d’avoir toujours auprès de moi de quoi écrire» (p. 12).

P.-S.—Comme on peut le voir par l’image ci-dessus, Françoise Héritier a prévu qu’on prenne des notes dans son livre lui-même.