L’oreille tendue de… Tonino Benacquista

Tonino Benacquista, Tiré de faits irréels, 2025, couverture

«Et en effet, Bertrand, animé d’une joie malsaine, saisit au vol une coupe sur un plateau et l’avala d’un trait pour étancher une trop longue soif. Et il comprit soudain où il était tombé. Dans les Limbes ! Il visitait les Limbes, en vrai, en dur, peuplés de personnages de chair et d’os, les Limbes, suspendus entre jour et nuit, entre réel et fiction, et où l’on célébrait bien plus l’idée de littérature que la littérature elle-même. Il tendit l’oreille quand alentour on causait belles lettres, comme à l’ancienne.»

Tonino Benacquista, Tiré de faits irréels. Roman, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2025, 192 p. Édition numérique.

Curiosité voltairienne (et sédentaire)

Bixi et carré rouge, Montréal

«Ma vie manque d’aventure, de cabanes au Canada, de trappeurs, de grands espaces, d’arpents de neige, de carcajous, d’aurores boréales. Ma vie attend à un feu rouge, elle ne trouve pas de borne libre pour garer son vélo BIXI, elle constate avec dépit que ses céréales favorites sont en rupture de stock au supermarché. Ma vie ne se rend pas au pôle Nord en traîneau à chiens, elle fait de l’insomnie.»

Nicolas Guay, «Fragments par 5, numéro 54», blogue le Machin à écrire, 18 février 2024.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Curiosité voltairienne (et sylvicole)

François Hébert, Homo plasticus, 1987, couverture

«Voici qu’on annonce le départ du Boeing d’Air Canada
Vers le pays nommé Canada par ce qu’il n’y a nada
Là, hormis des arpents d’épinettes et de rares bipèdes […]».

François Hébert, Homo plasticus, Québec, Éditions du Beffroi, 1987, 130 p., p. 68.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

 

[Complément du 27 octobre 2025]

Le même François Hébert, les mêmes épinettes, mais dans un livre différent, Miniatures indiennes (2019) : «Ça le touchera, notre lecteur, le bazar indien, en le sortant de soi et son petit confort. De nos petites Rocheuses, nos arpents d’épinettes» (p. 51).

 

Référence

Hébert, François, Miniatures indiennes. Roman, Montréal, Leméac, 2019, 174 p.

Chantons le hockey avec Vincent Delerm

Vincent Delerm, album Vincent Delerm, 2002, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Vincent Delerm, «Slalom géant», album Vincent Delerm, 2002

 

Une année sur deux
Nous allons prendre un verre
Elle revient comme les jeux
Olympiques d’hiver
Ses histoires à la gomme
Le bureau les collègues
Je m’y intéresse comme
Aux épreuves de bobsleigh
Elle reprend un déca
Je suis dans une impasse
C’est un France-Canada
C’est du hockey sur glace
Ses histoires juridiques
Je n’les comprends pas plus
Que les notes artistiques
De la juge biélorusse
Une année sur deux
Nous allons prendre un verre
Elle revient comme les jeux
Olympiques d’hiver
«Je suis v’nu en métro»
«Bah moi j’suis en voiture»
Il n’y a rien de plus beau
Qu’une cérémonie d’clôture

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Les zeugmes du dimanche matin et de Caroline Lamarche

Caroline Lamarche, le Jour du chien, éd. 2025, couverture

«Et je vois que l’envers est creusé d’une strie, qu’il y a là une imperfection — une blessure — qui attire la poussière et le regard, et donne envie de s’introduire au cœur même du caillou, là où la poussière ne le regard ne peuvent pénétrer» (p. 31).

«Le soir même, me grisant de liberté et d’air pluvieux, puis tous les jours» (p. 73).

Caroline Lamarche, le Jour du chien, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 146, 2025, 102 p. Édition originale : 1996. Nouvelle édition revue et corrigée par l’autrice.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)