Technique de rupture

Comment rompre in absentia avec une aveugle ? Pour lui écrire, il faudrait connaître le braille. Autre solution, chez le Christian Gailly de K.622, le magnétophone :

Après un certain silence, de qualité très inquiétante, quoi qu’on attende du silence, on entend la voix du mari, assez fidèle ma foi : Je te quitte, Jeanne, je m’en vais, je pars, pour toujours, mais j’ai prévenu ta sœur, elle sera là demain matin, elle s’installe ici, elle vient vivre avec toi, voilà, adieu, Jeanne (p. 113).

On ne pense pas toujours suffisamment à ce genre de choses.

 

Référence

Gailly, Christian, K.622, Paris, Éditions de Minuit, 1989, 124 p.

La vie avant l’extrême

Jean-Philippe Domecq, Ce que nous dit la vitesse, éd. de 1994, couverture

Humant l’air du temps à la recherche des mots à la mode, il arrive que l’on lise un texte et qu’à travers lui on entende ce qu’il aurait été s’il avait été écrit aujourd’hui. Exemple.

Le pilote automobile Ayrton Senna se tue le 1er mai 1994 sur le circuit d’Imola en Italie. Jean-Philippe Domecq consacre un texte à cette mort dans son ouvrage, publié la même année, Ce que nous dit la vitesse.

Ce livre rassemble, outre «Senna : pourquoi ce deuil mondial ?», trois textes sur la course automobile. «Quel héroïsme aujourd’hui ? Le cas Lauda» a d’abord paru en 1985. Il contient la phrase suivante :

Quant à l’évolution respective des courses d’endurance et des courses de concurrence limite, elle est différemment ressentie d’une décennie à l’autre, et on constate que l’endurance n’est pas systématiquement valorisée (p. 105).

Il y a fort à parier que, rédigé aujourd’hui, ce texte donnerait à lire courses de concurrence extrême plutôt que limite, tant l’extrême est devenu banal.

 

Référence

Domecq, Jean-Philippe, Ce que nous dit la vitesse. Essai, Paris, Quai Voltaire, 1994, 148 p.

Lexique sylvicole

Christian Gailly, Dring, 1991, couverture

Comment appelle-t-on les branches d’un saule pleureur ? Réponse de Christian Gailly dans Dring : «S’encourageant dans le noir, Asker contourne le cagibi, se prend la tête dans les larmes du saule, sorte de filet arachnéen, frissonne, se dégage, pose enfin la main sur le couvercle» (p. 23). Variation sur le même thème : «Contourne le cagibi, se prend encore la tête dans ces noms de dieu de coulures de saule, se dégage» (p. 108).

 

Référence

Gailly, Christian, Dring, Paris, Éditions de Minuit, 1991, 153 p.