Curiosité voltairienne (et stylistique)

Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, Londres, 1779, couverture

«Fin de l’intermède musical. Comme écrivait Voltaire : “Presque toujours les choses qu’on dit frappent moins que la manière dont on les dit.”»

Josée Blanchette, «Autant en emporte le vent», le Devoir, 12 septembre 2025.

 

À l’article «Style» des Questions sur l’Encyclopédie, on lit : «Presque toujours les choses qu’on dit, frappent moins que la manière dont on les dit; car les hommes ont tous à peu près les mêmes idées de ce qui est à la portée de tout le monde.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

L’oreille tendue de… Fred Vargas

Fred Vargas, Sans feu ni lieu, éd. de 2001, couverture

«Louis s’écroula sur son lit à deux heures trente du matin, saturé, et décida qu’il ne se lèverait pas demain.

D’ailleurs, c’était dimanche.

Il ouvrit les yeux à midi moins dix, mieux disposé à l’égard de la vie. Il étendit son bras droit, alluma la radio pour entendre les nouvelles du monde et se mit pesamment debout.

C’est depuis sa douche qu’il entendit un mot qui l’alerta. Il ferma le robinet, et, dégouttant d’eau, tendit l’oreille.»

Fred Vargas, Sans feu ni lieu, Paris, J’ai lu, 2001, 282 p., p. 155. Édition originale : 1997.

La voie des classiques

Laurent Mauvignier, Quelque chose d’absent qui me tourmente, 2025, couverture

En 1986, Daniel Milo soulignait combien importe, dans la mémoire littéraire, la toponymie. Choisir d’honorer un écrivain — moins souvent une écrivaine — en donnant son nom à un lieu, c’est le faire sortir du rang.

Laurent Mauvignier fait allusion à quelque chose de semblable dès la première page de son récent livre d’entretiens avec Pascaline David (2025) :

Il n’y avait pas de livres à la maison, rien donc qui me prédestinait à l’écriture, à part peut-être les noms des rues autour de chez nous, qui portaient toutes des noms d’écrivains — des noms que j’aimais pour leur étrangeté poétique : Alfred de Musset, George Sand, Victor Hugo (p. 13).

Il faut toujours être attentif aux panneaux de signalisation.

P.-S.—En effet, cela a un rapport avec la réflexion de l’Oreille tendue sur les classiques.

 

Références

Mauvignier, Laurent, Quelque chose d’absent qui me tourmente. Entretiens avec Pascaline David, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 149, 2025, 182 p. Édition originale : 2020.

Milo, Daniel, «Les classiques scolaires», dans Pierre Nora (édit.), les Lieux de mémoire II. La nation ***, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque illustrée des histoires», 1986, p. 517-562. Ill.

Curiosité voltairienne (et british)

Anne Hébert, Kamouraska, éd. de 1973, couverture

«The Queen ! Toujours the Queen ! C’est à mourir de rire. Qu’est-ce que cela peut bien lui faire à Victoria-au-delà-des-mers qu’on commette l’adultère et le meurtre sur les quelques arpents de neige, cédés à l’Angleterre par la France ?»

Anne Hébert, Kamouraska. Roman, Paris, Seuil, 1973, 249 p., p. 44. Édition originale : 1970.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

L’oreille tendue de… Sébastien Bailly

Sébastien Bailly, Autoroute, 2025, couverture

«Tu as poussé la porte métallique verte, tu as parcouru un couloir étroit, sans ouverture, béton brut. Un léger frisson te remonte l’échine — tu as lu ça, déjà, dans un roman d’aventures, et ça te semble une réaction normale. S’il y avait du monde à l’intérieur ? Tu tends l’oreille. Tout est silencieux. Tout semble désert. Ton cœur devrait ralentir. Tu n’as pas de mauvais pressentiment. Une deuxième porte et te voilà dans l’allée principale du centre commercial, au milieu des boutiques autrefois ouvertes, des mannequins nus dans la vitrine devant toi.»

Sébastien Bailly, Autoroute, Paris, Le Tripode, 2025, 175 p., p. 123.