Recyclée dans la coiffure, l’Oreille tendue s’installerait à côté du Centre Bell. Son enseigne ? «Ça sent la coupe.»
P.-S. — L’hommage à l’Invent’Hair de Philippe Didion serait discret, mais réel.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Recyclée dans la coiffure, l’Oreille tendue s’installerait à côté du Centre Bell. Son enseigne ? «Ça sent la coupe.»
P.-S. — L’hommage à l’Invent’Hair de Philippe Didion serait discret, mais réel.
«— Je voulais juste vérifier ton nom, jeune homme…
— Simard, répondit Sim. Et on ne prononce pas le “d”, s’empressa-t-il d’ajouter, son visage rouge illuminé par un sourire espiègle.»
Roy MacGregor, Jeux d’hiver, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 17, 2013, 157 p., p. 38. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2004.
L’Oreille tendue l’a souligné : au Québec, ce qui est écœurant est très très bien — ou pas du tout. Un gâteau écœurant est excellent — ou infect. Tout est affaire de contexte. Voir les entrées du 9 septembre 2011 et du 11 mai 2012.
Exemples (pour rappel)
«Une paire de patins était réellement écœurante […]» (Hockey de rue, p. 20).
«La rondelle a heurté le poteau. Le bruit le plus écœurant du monde ! C’est parfois plus amusant de frapper le poteau que de marquer un but» (Hockey de rue, p. 27).
En revanche, qui souffre d’écœurantite n’apprécie pas sa situation. Cet écœurant-là n’est jamais mélioratif.
Exemples
«Il y a l’écœurantite aiguë face à ce gouvernement qui n’est pas en mesure de mettre fin à cette crise sociale» (Léa Clermont-Dion, Je me souviendrai, p. 122).
«C’est tout le monde qui sort désormais pour crier son écœurantite» (Antoine Corriveau, Je me souviendrai, p. 147).
«il n’y a pas d’écœurantite aiguë comme à la fin de l’ère Dutoit» (le Devoir, 13-14 avril 2013, p. E9).
Synonymes
Souffrir de découragement. En avoir marre. Être tanné.
Remarque
On l’aura remarqué : il y a des degrés dans l’écœurantite, puisqu’elle peut être aiguë.
[Complément du 20 août 2018]
Lisant la Bête creuse (2017), de Christian Bernard, l’Oreille tendue découvre un autre synonyme : «Elle était revenue derrière son comptoir, l’œil biffé, subitement affligée d’une écœurite aiguë» (p. 86).
[Complément du 1er novembre 2020]
Exemple romanesque, tiré de Bermudes (2020), de Claire Legendre : «On avait vraiment une écœurantite aiguë du système» (p. 188).
Références
Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.
Collectif, Je me souviendrai. 2012. Mouvement social au Québec, Antony, La boîte à bulles, coll. «Contrecœur», 2012, 246 p. Ill.
Legendre, Claire, Bermudes. Roman, Montréal, Leméac, 2020, 214 p.
Skuy, David, Hockey de rue, Montréal, Hurtubise, 2012, 232 p. Traduction de Laurent Chabin. Édition originale : 2011.
Il y a toutes sortes de façons d’écrire sur le hockey.
Les (auto)biographies de joueurs et d’entraîneurs ne manquent pas, par exemple celles de Guy Lafleur ou de Jacques Demers. Nombre de romanciers ont mis en scène un des deux sports nationaux du Canada (l’autre étant, bien sûr, la crosse). Des journalistes regroupent leurs textes. L’Oreille tendue elle-même a pratiqué l’«histoire culturelle», celle d’un joueur mythique des Canadiens de Montréal, Maurice Richard.
Simon Grondin a une approche différente de celles-là.
Le Hockey vu du divan, qu’il faisait paraître l’an dernier, présente quelques-uns de ses souvenirs de joueur dans une «ligue de garage» et d’«amateur de mauvaise foi» (p. 66) — il aime encore et toujours Jean Béliveau, «le meilleur» (p. 181) —, mais, surtout, il témoigne à la fois d’un devoir de mémoire et d’une ouverture sur l’avenir du sport.
Le devoir de mémoire s’incarne dans une époustouflante érudition hockeyistique. L’auteur, psychologue de son état, aligne sans désarmer statistiques sur statistiques, records sur anecdotes. S’il est vrai qu’il parvient à bien mettre en lumière ce que révèlent (et masquent) les chiffres, le lecteur ne peut qu’avoir le tournis devant pareille accumulation. Certaines figures ressortent de la masse, Eric Lindros (Simon Grondin enseigne à l’Université Laval…) et Wayne Gretzky (par le caractère exceptionnel de ses exploits sur la glace), mais non sans mal.
Cette érudition est essentiellement sportive, on le notera. Qui s’intéresse à la dimension culturelle ou sociopolitique du sport aura intérêt à regarder ailleurs.
L’ouverture sur l’avenir, elle, passe par une série de propositions pour modifier la façon actuelle de pratiquer le hockey. Pourquoi ne pas changer les règles actuelles de la prolongation ? Du format des séries éliminatoires ? Des punitions ? Comment se débarrasser de la violence, notamment des bagarres ? Sur cette question, une citation est à goûter :
[Le fait de tolérer les bagarres] permettrait […], au besoin, «de changer l’allure du match». Pourquoi cette stratégie serait-elle réservée au seul hockey sur glace ? Et puisque les bagarres ne sont apparemment pas dangereuses, elles devraient aussi être permises lors des débats sur le hockey, à la télévision ou dans la cour d’école. Cela permettrait de «changer l’allure des débats»… (p. 68)
Ce ne sont pas les pistes de réflexion qui manquent, certaines étant beaucoup plus improbables que d’autres, ce que l’auteur est le premier à reconnaître.
Simon Grondin fait clairement la preuve qu’on peut être féru de la tradition, tout en étant ouvert à l’évolution. Les puristes hurleront.
Son livre aurait été plus facile à apprécier si langue en avait été plus soignée. Il compte nombre d’anglicismes : «assumer» (p. 12, p. 37), «focaliser» (p. 18), «psychoanalytique» (p. 59), «prendre» un tir de pénalité (p. 104), «appeler» des infractions (passim). Au football, on ne parle pas de «toucher», mais de «touché» (p. 32). Que veut dire «indisposant» (p. 63) ? L’emploi de «soi-disant» avec un inanimé est parfois critiqué; c’est pire quand on écrit «soit disant» (p. 107). Que l’auteur ne soit pas un styliste, passe encore; pas l’absence de correction.
P.-S. — L’ouvrage est découpé en trois périodes, précédées d’un «Échauffement» et suivies d’une «Prolongation» et d’un «Après-match». L’Oreille tendue propose d’imposer un moratoire sur les livres de hockey découpés en périodes.
Référence
Grondin, Simon, le Hockey vu du divan, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, 2012, xvi/214 p. Ill.
Autant le reconnaître : l’Oreille tendue est une créature ordonnée. Elle aime que les choses soient à leur place, plutôt que pas.
Dès lors, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle soit sensible à ce qui est clairement structuré, voire structurant, d’autant que son propre frère érige des structures d’acier. C’est plus compliqué que cela.
Quand elle entend parler les commentateurs sportifs télévisuels, par exemple Marc Denis, à RDS, elle n’est pas bien sûre de comprendre ce que serait du «hockey structuré».
Du mot «structurant», elle sait, d’instinct, qu’elle doit se méfier. C’est le cas ici : «Le transport collectif doit être structurant» (le Devoir, 14-15 avril 2012, p. G3).
Inversement, en quelque sorte, il est des situations où elle se rend compte que l’absence de structure est connotée positivement : «Bernie les attendait, très élégant, très droit dans un ensemble noir et chic déstructuré, rien à voir avec les tenues que lui avait connues Max» (Au piano, p. 204).
Sa compagne, de même, aime les repas «déstructurés», comme cela se pratique beaucoup en Thaïlande.
Il est un peu difficile, pour l’Oreille, de mettre de l’ordre dans tout ça.
Référence
Echenoz, Jean, Au piano. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2003, 222 p.