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« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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L’Oreille tendue rentre d’un colloque, à Genève, sur Jean-Jacques Rousseau. Ci-dessous, notes dépareillées.
L’ami François Bon est frappé de l’utilisation endémique, en France, de voilà. La Suisse n’est pas moins touchée. (La remarque vaut autant pour pas de souci, opportunité, quelque part et morale citoyenne.)
Le français parlé sur les rives du lac Léman a ses particularités. Les mouettes y sont aquatiques, mais motorisées. Les cornets y sont en plastique. Bien sûr y tient lieu de oui.
Ça a beau être universitaire, mais ça ne sait pas la différence entre mettre à jour (actualiser) et mettre au jour (révéler). Et ça s’attarde à qui mieux mieux, même un instant.
Du groupie en sciences humaines : appeler Jean-Jacques Rousseau «Jean-Jacques». Personne ne dit pourtant «Denis» pour Diderot. Heureusement.
Au restaurant, on ne doit pas confondre le service (ce qui est remis au serveur pour son travail) et le pourboire (ce qui est remis au serveur pour son travail).
Quand, en colloque, l’Oreille entend parler d’«une personnalité remarquable mais trop peu étudiée», elle se dit toujours que ce silence de la critique est probablement justifié.
Mme X est «la future grande tante d’Alfred de Musset» ? Grand bien lui fasse.
Lui : «C’est une jeune femme, 20 ans peut-être.» Un autre : «Une retraitée d’environ 58 ans.» Ils parlent de la même personne. Il y en a un des deux que sa perspicacité honore.
Sur sa tombe, l’Oreille demande que soit gravé ceci : «Dans les colloques, il respectait scrupuleusement son temps de parole. R.I.P.»
Rassurez-la : dites à l’Oreille que ses présentations PowerPoint ne sont pas aussi nulles, car bavardes, que celles-là. Elle vous en implore.
Oxymores à éviter : «la convergence d’horizons antagonistes»; «une neutralité bienveillante».
Entre deux communications, il y a toujours la télé, et les joies de l’Euro(pe) : dans sa chambre d’hôtel, l’Oreille avait le même match de foot sur au moins huit chaînes. C’est pendant Suède-Angleterre qu’elle a découvert l’autogoal, soit le fait de marquer contre son propre camp (scorer dans son but). La télé n’est pas complètement inutile. (Le but suivant, comme il se doit, était «incroyable».)
«Vous tenez un blogue ? Vraiment ?» «Vous utilisez Twitter ? Pourquoi ?» L’avenir du numérique ne passe pas par le Siècle des lumières.
Les interlocuteurs de l’Oreille avaient presque tous suivi le «printemps érable» dans les médias européens, sans y comprendre grand-chose. Manifestement, ces derniers n’ont guère fait leur travail.
Les voyages, particulièrement en avion, ne font pas ressortir ce que l’humanité a de meilleur. (L’Oreille ne s’exclut pas de l’humanité.)
Du temps où il y descendait (Hergé, l’Affaire Tournesol, p. 17-19), Tryphon Tournesol devait-il parler anglais pour se faire comprendre des employés de l’Hôtel Cornavin, dont certains baragouinent à peine le français ?
Quoi qu’on puisse en penser, l’Oreille est casanière. Elle n’aime pas trop être dépaysée. La preuve.
P.-S. — Dans le même ordre d’idées, l’Oreille a déjà publié quelques «Scènes de la vie de colloque» (en PDF ici).
Référence
Melançon, Benoît, «Scènes de la vie de colloque (extraits)», le Pied (journal de l’Association des étudiants du Département des littérature de langue française de l’Université de Montréal), 4, 29 février 2008, p. 12-13. Repris dans la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, p. 43-48. https://doi.org/1866/13167
Chaque bibliothèque personnelle a son histoire. Des livres ont été achetés, d’autres reçus en cadeau. Certains sont annotés, quelques-uns, ou plusieurs, pas. On les classe, ou non, parfois avant de les reclasser autrement.
Chaque bibliothèque personnelle a aussi ses mystères. Hier, l’Oreille tendue retrouvait dans la sienne une brochure de 1954 intitulée Promenade à Ermenonville et à ses environs. Elle n’a aucune idée de la provenance de ce guide touristique dû au Touring Club de France.
De quoi s’agit-il ? D’une présentation des lieux où Jean-Jacques Rousseau a vécu les derniers jours de sa vie et où sa dépouille a reposé pendant seize ans (Rousseau est mort en 1778 et la translation de ses restes au Panthéon, à Paris, a eu lieu en 1794). Ce «célèbre écrivain», à «l’œuvre inégale, mais immense» (p. 16), y était l’hôte du marquis de Girardin.
Les auteurs anonymes de la brochure ont réfléchi à l’évolution du tourisme : «De nos jours, les préoccupations littéraires et philosophiques tiennent moins de place dans l’esprit du touriste moderne, encore que les étudiants, futurs bacheliers ou professeurs de belles lettres, ne dédaignent pas de s’attarder en ces lieux où Jean-Jacques vint passer, dans le calme et la paix de la nature, les dernières heures de sa vie tourmentée» (p. 6). On ne dit pas Rousseau; «Jean-Jacques» suffit.
Ils donnent évidemment des conseils, et militairement précis : «Si le visiteur vient par la route, qu’il ne craigne pas de gravir les hauteurs de Montmélian; du haut de cette colline qui domine la plaine environnante de 100 mètres d’altitude (cote de la carte d’État-Major), le promeneur, soucieux des belles choses, et non tourmenté par le prurit de la vitesse, s’arrêtera et jouira d’un admirable panorama, si toutefois l’absence de brume le permet» (p. 6). On ne saurait nier que la brume peut, en effet, gâcher la vue.
Ils expliquent à leurs lecteurs, qui s’interrogeraient là-dessus, ce qu’est la contribution du TCF à l’histoire des lieux : «En 1700, par le mariage de Geneviève de Vic, petite-fille du capitaine Sarrèdes, la terre d’Ermenonville passait aux mains des Lombards : 70 ans plus tard, Ermenonville entrait dans les annales du romantisme avec Jean-Jacques Rousseau et René de Girardin, avant d’entrer dans celles du tourisme, avec le Touring Club de France» (p. 11).
Enfin, une partie du parc ayant été transformée par le TCF en terrain de camping «à l’usage exclusif de ses sociétaires titulaires de la licence de camping et des campeurs étrangers porteurs du carnet international de Camping» (p. 11), ils traduisent pour les voyageurs des vers dont le sens pourrait leur échapper :
Dans la grotte de la Cascade, une longue inscription en vers, par le marquis de Girardin, encore et toujours, mais imitée d’un poète anglais, se termine ainsi :
Des habitants de l’heureuse Arcadie,
Si vous avez les nobles mœurs
Restez ici, goûtez-y les douceurs
Et les plaisirs d’une innocente vie.
Mais maudits soient les insensibles cœurs,
Ceux qui, cèdant [sic] aux passions sauvages,
Voudraient briser nos tendres chalumeaux,
Fouler aux pieds nos fleurs, rompre nos arbrisseaux.
En termes plus simples et plus précis, nous résumerons les désirs exprimés par ces Nymphes des Eaux :
Ne cassez rien, ne cueillez rien, ne gravez rien (p. 24).
En 2001, Catherine Bertho Lavenir mettait en garde les lecteurs hautains : «Ne nous moquons pas des poètes départementaux, même s’ils appartiennent à l’Automobile Club» (p. 140). Aurait-elle pu dire la même chose de ceux du Touring Club de France ? Non : ils sont bien trop prosaïques.
[Complément du 7 mai 2017]
Humant l’air hexagonal pré-électoral, le journaliste Yves Boisvert, pour la Presse+, visite Ermenonville. Récit, sans camping, mais avec maltraitance.
Références
Bertho Lavenir, Catherine, «La découverte des interstices», Cahiers de médiologie, 12, 2011, p. 129-140. https://doi.org/10.3917/cdm.012.0128
Promenade à Ermenonville et à ses environs, Paris, Touring Club de France, 1954 (deuxième édition), 31 p. Ill.