L’Oreille tendue a deux fils. Le premier l’avait introduite au yo. Le second vient de s’y mettre à son tour.
Le mot peut être une interjection, soit de salutation — «Yo ! Je m’appelle Stéphanie et je suis une ado pas mal colorée» (le Devoir, 4 août 2000) — soit de mise en garde — Yo ! Fais attention.
Substantif, il peut désigner celui qui l’emploie : «Elle a ressenti le climat particulièrement tendu de l’après-consultation, s’est fait suivre par “des jeunes yo !” munis de barres de fer qui voulaient lui faire un mauvais parti» (le Devoir, 5 août 2000).
Si l’on en croit certaines sources familiales, yo connaît maintenant un usage adjectival : T’es yo ! (Traduction approximative : T’es cool !)
Il y a plus fort encore. Selon le Devoir du 15 octobre, il existerait dorénavant un «style néo-Yo» (p. B10).
Au primaire — pour l’instant, mais ça pourrait essaimer —, on emploie désormais le verbe avoue — et non avoue que — à des fins d’insistance et de connivence.
Insistance : qui dit avoue marque le coup. Traduction libre : Allez, reconnais-le, allez !
Connivence : qui dit avoue crée du lien. Bis : On le sait bien, toi et moi !
La langue cimente la communauté, par l’aveu (exigé), et au-delà de lui.
[Complément du 3 février 2014]
Dans certains cas, avoue, précédé du pronom de la première personne du singulier, peut signifier oui. Exemple :
Vu sur Twitter : «La locution interjective “j’avoue !” a fait son apparition dans l’édition 2021 du Petit Robert ! Vous pouvez la retrouver à l’entrée du verbe “avouer”.»
[Complément du 7 février 2021]
L’expression est peut-être moins récente qu’il n’y paraît. On la trouve dans un roman de 1970 de Jacques Ferron, l’Amélanchier : «Tu étais bien débarrassée, avoue» (éd. de 1977, p. 88).
Selon la plupart des sources consultées, qu’elles soient médicales ou philosophiques, tout le monde devrait mourir un jour. Pourquoi ne pas le dire ?
Certains, comme s’ils avaient manqué de courant, s’éteindraient. C’était le cas cette semaine d’un documentariste : «Le cinéaste canadien Allan King s’éteint» (la Presse, 16 juin 2009, cahier Arts et spectacles, p. 4).
D’autres disparaîtraient. Ils le font surtout selon les auteurs de rétrospectives de fin d’année : «Les disparus de 2008.»
La plupart décéderaient. Voilà le mot le plus souvent utilisé désormais pour désigner la passage de vie à trépas.
Que les journaux se laissent aller à ce type d’euphémisme passe encore — même si certaines formules étonnent un brin. Le Devoir du 5 octobre 2004 parlait de «L’ultime décès de Janet Leigh» (p. A1 et A8). Elle a eu droit à combien ? (Le sous-titre de l’article expliquait l’affaire : «Déjà assassinée sous la douche en 1960 dans Psycho, l’actrice s’éteint [!] définitivement à 77 ans.»)
Quand il s’agit de romanciers, c’est plus ennuyeux. Un des personnages de Klonk contre Klonk de François Gravel serait ainsi «décédé» (p. 94). Il n’aurait pas pu être mort, tout simplement ?
Cela étant, il y a des cas (rares) où décéder s’impose. Le groupe Loco Locass en donne l’exemple parfait : «Fa’que décide ou décède», chante-t-il dans la pièce «Résistance» de l’album Amour oral (2004).
C’est l’exception qui confirme la règle.
[Complément du 1er octobre 2021]
On peut aussi rendre son dernier souffle — mais à qui ?
[Complément du 26 mai 2022]
Le comédien Ray Liotta vient de mourir. Titre du Figaro :
Devant pareil euphémisme (de catégorie olympique), on ne peut que s’incliner. (Liotta a joué dans le film les Affranchis.)
Référence
Gravel, François, Klonk contre Klonk, Montréal, Québec/Amérique Jeunesse, 2004, 126 p.