Cacophonie du dimanche matin

Lecture à voix haute l’autre soir, avec le fils cadet de l’Oreille tendue, de l’Attaque des Vikings de Mary Pope Osborne : «Si tôt ? s’étonne Tom» (p. 31); «Vous ne le gardez pas ? s’étonne Tom […]» (p. 47). En matière d’euphonie (to / to / to), peut mieux faire.

 

Référence

Pope Osborne, Mary, l’Attaque des Vikings, Paris, Bayard jeunesse, coll. «La cabane magique», 10, 2005 (cinquième édition), 74 p. Traduction et adaptation de Marie-Hélène Delval. Illustration de Philippe Masson. Édition originale : 1998.

Postnéoyo ?

L’Oreille tendue a deux fils. Le premier l’avait introduite au yo. Le second vient de s’y mettre à son tour.

Le mot peut être une interjection, soit de salutation — «Yo ! Je m’appelle Stéphanie et je suis une ado pas mal colorée» (le Devoir, 4 août 2000) — soit de mise en garde — Yo ! Fais attention.

Substantif, il peut désigner celui qui l’emploie : «Elle a ressenti le climat particulièrement tendu de l’après-consultation, s’est fait suivre par “des jeunes yo !” munis de barres de fer qui voulaient lui faire un mauvais parti» (le Devoir, 5 août 2000).

Si l’on en croit certaines sources familiales, yo connaît maintenant un usage adjectival : T’es yo ! (Traduction approximative : T’es cool !)

Il y a plus fort encore. Selon le Devoir du 15 octobre, il existerait dorénavant un «style néo-Yo» (p. B10).

À quand le postyo, voire le postnéoyo ?

En direct de la cour d’école 002

C’est full de diff, avoue !

Au primaire — pour l’instant, mais ça pourrait essaimer —, on emploie désormais le verbe avoue — et non avoue que — à des fins d’insistance et de connivence.

Insistance : qui dit avoue marque le coup. Traduction libre : Allez, reconnais-le, allez !

Connivence : qui dit avoue crée du lien. Bis : On le sait bien, toi et moi !

La langue cimente la communauté, par l’aveu (exigé), et au-delà de lui.

 

[Complément du 3 février 2014]

Dans certains cas, avoue, précédé du pronom de la première personne du singulier, peut signifier oui. Exemple :

— C’est bon, non ?
— J’avoue.

(Merci à @PimpetteDunoyer.)

 

[Complément du 10 août 2020]

Vu sur Twitter : «La locution interjective “j’avoue !” a fait son apparition dans l’édition 2021 du Petit Robert ! Vous pouvez la retrouver à l’entrée du verbe “avouer”.»

«J’avoue» entre au dictionnaire.

[Complément du 7 février 2021]

L’expression est peut-être moins récente qu’il n’y paraît. On la trouve dans un roman de 1970 de Jacques Ferron, l’Amélanchier : «Tu étais bien débarrassée, avoue» (éd. de 1977, p. 88).

 

Référence

Ferron, Jacques, l’Amélanchier. Récit, Montréal, VLB éditeur, 1977, 149 p.

Laissez-les mourir

Loco Locass, Amour oral, 2004, pochette

Selon la plupart des sources consultées, qu’elles soient médicales ou philosophiques, tout le monde devrait mourir un jour. Pourquoi ne pas le dire ?

Certains, comme s’ils avaient manqué de courant, s’éteindraient. C’était le cas cette semaine d’un documentariste : «Le cinéaste canadien Allan King s’éteint» (la Presse, 16 juin 2009, cahier Arts et spectacles, p. 4).

D’autres disparaîtraient. Ils le font surtout selon les auteurs de rétrospectives de fin d’année : «Les disparus de 2008.»

La plupart décéderaient. Voilà le mot le plus souvent utilisé désormais pour désigner la passage de vie à trépas.

Que les journaux se laissent aller à ce type d’euphémisme passe encore — même si certaines formules étonnent un brin. Le Devoir du 5 octobre 2004 parlait de «L’ultime décès de Janet Leigh» (p. A1 et A8). Elle a eu droit à combien ? (Le sous-titre de l’article expliquait l’affaire : «Déjà assassinée sous la douche en 1960 dans Psycho, l’actrice s’éteint [!] définitivement à 77 ans.»)

Quand il s’agit de romanciers, c’est plus ennuyeux. Un des personnages de Klonk contre Klonk de François Gravel serait ainsi «décédé» (p. 94). Il n’aurait pas pu être mort, tout simplement ?

Cela étant, il y a des cas (rares) où décéder s’impose. Le groupe Loco Locass en donne l’exemple parfait : «Fa’que décide ou décède», chante-t-il dans la pièce «Résistance» de l’album Amour oral (2004).

C’est l’exception qui confirme la règle.

 

[Complément du 1er octobre 2021]

On peut aussi rendre son dernier souffle — mais à qui ?

«L’actrice Andrée Boucher a rendu son dernier souffle», le Devoir, 1er octobre 2021

 

[Complément du 26 mai 2022]

Le comédien Ray Liotta vient de mourir. Titre du Figaro :

Ray Liotta «s’affranchit de la vie», titre le Figaro

Devant pareil euphémisme (de catégorie olympique), on ne peut que s’incliner. (Liotta a joué dans le film les Affranchis.)

 

Référence

Gravel, François, Klonk contre Klonk, Montréal, Québec/Amérique Jeunesse, 2004, 126 p.