Faudrait se décider, non ?

La Presse, le 4 août 2012 :

«Les Québécois ont le taux d’imposition le plus élevé en Amérique du Nord» (cahier Affaires, p. 6).

La Presse, le 28 février 2013 :

«Les Québécois ne sont pas les plus taxés» (p. A4).

Conclusion ? La Presse, le 9 novembre 2012 :

«Les Québécois s’y connaissent peu en finances personnelles» (cahier Affaires, p. 5).

Subtil distinguo, ter

Quand le Devoir se trompe, le journal publie un «Rectificatif» : «Une erreur s’est glissée le vendredi 1er février en page B 9 dans la légende la photo accompagnant le texte sur Israël. La photo montrait la statue d’un soldat israélien (et non un véritable militaire) sur le terrain d’un poste de l’armée israélienne du mont Bental, sur le plateau du Golan» (4 février 2013, p. A8).

Quand la Presse se trompe, le journal publie une «Précision» sur un «malentendu» : «Dans un article publié le 26 janvier 2013 sur le site web lapresse.ca, nous avons erronément indiqué que Me Anne-France Goldwater, l’avocate de la requérante dans l’affaire de “Lola et Éric”, avait identifié “Éric” lors d’une entrevue diffusée sur les ondes du 98,5 FM et qu’elle s’exposait à des accusations d’outrage au tribunal. Or, il s’avère que Me Goldwater n’a jamais identifié “Éric” lors de cette entrevue et qu’elle n’a donc commis aucune infraction de nature juridique ou déontologique. Nous sommes désolés de ce malentendu» (31 janvier 2013, p. A2).

Ce n’est pas du tout la même chose : celui qui «rectifie» s’est trompé («erreur»), alors que celui qui «précise» s’est trompé («erronément»).

(L’Oreille tendue remercie un de ses fidèles lecteurs, Colibrius, d’avoir attiré son attention sur cette fine distinction.)

 

[Complément du 7 février 2013]

L’amateur de «rectificatifs» / «précisions» se doit de connaître le Tumblr Errratum (avec trois r) de @xkr.

 

[Complément du 21 août 2015]

Ceci, dans la Presse+ du jour :

La Presse+, 21 août 2015, rectificatif

 

Y aurait-il un changement de vocabulaire à la Presse ? Y reconnaîtrait-on (enfin) qu’on peut se tromper (à l’occasion) ?

 

[Complément du 26 août 2015]

Cela aura duré cinq jours.

La Presse+, 26 août 2015

Sans avec pas d’

L’œuf ou la poule. L’expression avec pas de / d’ doit-elle sa popularité au journaliste sportif Jean Dion, qui l’a beaucoup pratiquée, ou au groupe musical Avec pas d’casque ?

Peu importe. En revanche, le moment est peut-être venu de la manier avec parcimonie.

Exemples.

Le 2 février, la Presse consacrait un article à Stéphane Lafleur, cinéaste et membre d’Avec pas d’casque. Cahier Arts, p. 1 : «Avec pas d’effets…» Cahier Arts, p. 10 : «Avec pas d’limites.» Cahier Arts, p. 11 : «Avec pas d’pause.»

D’autres ?

«Avec pas de parking» (Urbania, 18 juillet 2012). «Avec pas de hockey» (la Presse, 22 octobre 2012). «Avec pas d’voix» (Infoman, 1er février 2013).

Une pause s’impose, sauf chez Jean Dion, bien sûr.

 

[Complément du 16 novembre 2024]

Les mots croisés du quotidien le Devoir, dans sa livraison du jour, proposent un synonyme.

Mots croisés, le Devoir, 16-17 novembre 2024, «Avec pas de casque» / «Nutête»

Les vitesses tuent

En première page de la Presse hier : «Un droit à deux vitesses.»

Une seule vitesse ? En effet, ça ne paraît plus se faire.

Deux vitesses ? Ce serait de plus en plus courant et ce serait une menace.

«médecine à deux vitesses» (la Presse, 6 décembre 2000; la Presse, 9 décembre 2003, p. A9; la Presse, 2 novembre 2012, p. A14).

«système de santé à deux vitesses» (la Presse, 12 août 2001).

«une ville à deux vitesses ?» (la Presse, 15 novembre 2001).

«De la mari à deux vitesses» (le Devoir, 20-21 juillet 2002).

«Même la miséricorde est à deux vitesses» (le Devoir, 20 mars 2003).

«L’aide juridique à deux vitesses» (le Devoir, 14-15 juin 2003).

«Une école à deux vitesses» (le Devoir, 4-5 octobre 2003).

«La justice québécoise à deux vitesses» (le Devoir, 24 novembre 2003).

«des hausses à… deux vitesses» (la Presse, 21 janvier 2004, p. A1).

«alimentation à deux vitesses» (la Presse, 15 février 2012, p. A16).

«loi des mines à deux vitesses» (la Presse, 10 février 2012, p. A5).

«un pays à deux vitesses de croissance» (le Devoir, 8 décembre 2011, p. B3).

«Tolérance à deux vitesses» (la Presse, 15 octobre 2005, p. A27).

Trois vitesses ? Ce ne serait pas impossible, mais c’est rare.

«Vers un système de santé à trois vitesses ?» (la Presse, 6 février 2001).

«Une école à trois vitesses» (le Devoir, 28-29 septembre 2002).

Remarque. Les exemples ci-dessus sont tous québécois. Le mal serait cependant plus étendu s’il faut en croire Renaud Camus, qui parle de «l’inévitable “France à deux vitesses”» (Répertoire […], p. 170).

 

[Complément du 16 avril 2020]

S’il faut en croire le narrateur du roman la Ballade de Rikers Island (2014), cette affaire de vitesses existerait aussi en matière de turgescence : «Les pilules coûtaient cher, il ricanait en pensant que selon leurs moyens les seniors durcissaient ou restaient pantois. Une érection à deux vitesses, tant que le brevet du remède ne serait pas tombé dans le domaine public» (p. 22).

 

Références

Camus, Renaud, Répertoire des délicatesses du français contemporain. Charmes et difficultés de la langue du jour, Paris, Points, coll. «Points. Le goût des mots», P2102, 2009, 371 p. Édition originale : 2000.

Jauffret, Régis, la Ballade de Rikers Island. Roman, Paris, Seuil, 2014, 425 p.

La dame et le bonhomme

Le Québec ne manque pas de «grandes dames». En ville : «“Une grande dame de Montréal.” Hélène Desmarais fréquente les conseils» (le Devoir, 17 novembre 2010, p. C3). À l’école : «Elle était la grande dame de la laïcité scolaire […]» (le Devoir, 9 janvier 2013, p. A2). Dans la danse : «Décès d’une grande dame de la danse d’ici» (le Devoir, 1er novembre 2011, p. B8). Sur la scène : «Céline Dion, une grande dame» (la Presse, 5 décembre 2003).

Un fidèle lecteur de l’Oreille tendue, @GPinsonM19, lui fait remarquer que le commentateur sportif Richard Garneau, mort dimanche dernier, est souvent présenté dans les médias ces jours-ci comme un «bonhomme» ou un «grand bonhomme» (l’homme était en effet de grande taille). Exemples : «Un grand bonhomme que j’ai déjà eu sur mon plateau» (Josée Blanchette); «ce grand bonhomme à la figure angélique» (rds.ca); «Richard était un grand bonhomme» (François Godbout).

Interrogation : le bonhomme serait-il à l’homme ce qu’est la dame à la femme ?