Suggestion fécale du jour

Emoji de caca souriant

Cory Doctorow a créé et popularisé, en anglais, le mot enshittification — on voit souvent enshitiffication —, au point où l’American Dialect Society en a fait son mot de l’année en 2023. Définition de Wikipedia ? «A pattern of decreasing quality» («Une tendance à la baisse de la qualité»).

Google Traduction ne se foule pas, qui propose comme équivalent français… enshitification, avec une f en moins, ou enshittification.

Wikipédia suggère merdification ou emmerdification.

Dans une journée d’étude tenue la semaine dernière (voir ici), Antoine Raimbert, traducteur agréé et président du cabinet Cartier et Lelarge, a proposé une version québécoise : schnouttification, comme dans schnoutte.

C’est noté. Merci.

 

[Complément du 27 novembre 2024]

Le «Macquarie Dictionary’s word of the year» est cette année enshittification. Sa définition ? «The gradual deterioration of a service or product brought about by a reduction in the quality of service provided, especially of an online platform, and as a consequence of profit-seeking

À la suite de cette annonce, sur Bluesky, l’Oreille tendue a rappelé l’existence de schnouttification. On lui a répondu avec quatre propositions : mardification, emmerdissement, muskification, enchitification.

Le dossier reste ouvert.

P.-S.—Mardification est construit à partir de marde, non de mardi.

Stances à la puck

René de Chantal, «Défense et illustration de la langue française. Gouret ou hockey», le Droit, 1er mai 1958, titre

En 1958, René de Chantal publiait trois chroniques sur le lexique français du hockey, ce que l’Oreille tendue appelle la langue de puck. (Voir ici.)

La troisième chronique était destinée à comparer le vocabulaire québécois et le vocabulaire français de ce sport. Pour la périodeil y en a trois dans un match, les choix ne manquaient pas, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique : engagement, strophe, stance, tiers-temps, reprise.

L’Oreille avait été étonnée par strophe et stance. Elle vient de trouver stanza dans un texte en anglais de 1942, «Stooge for a Puck Pirate» : «Again in the second stanza, Levin fought a continual flurry of pucks» (éd. de 2021, p. 189).

La poésie est partout.

 

Références

Chantal, René de, «Défense et illustration de la langue française. Termes de hockey. En France, on shoote», le Droit, 15 mai 1958, p. 2.

Jackson, C. Paul, «Stooge for a Puck Pirate», 12 Sport Aces, 6, 1, mars 1942, reproduit par Paul Langan dans Classic Hockey Stories. From the Golden Era of Pulp Magazines, 1930s-1950s, Chez l’Auteur, 2021, 240 p., p. 182-218.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

Le poète-hockeyeur

Classic Hockey Stories, édition de Paul Langan, 2021, couverture

Dans «Double-Backed Puckster», une nouvelle de janvier 1938, Ralph Powers met en scène un jeune hockeyeur qui passe du sport collégial à une ligue professionnelle. Le moins que l’on puisse dire est que Clarence «Tillie» Tillingworth a des habitudes culturelles inattendues dans ce milieu.

Quand on l’interroge sur son nom, jugé rare, il répond en citant Shakespeare (p. 95). Sa définition du courage ? Il l’emprunte à lord Byron (p. 109-110). Il aime accumuler les citations qui fleurent bon la formation classique.

Ses coéquipiers, à une seule exception («us poets has sensitive souls», p. 115), se moquent de lui : «he spouts a bunch of poetry — an’ everybody knows that that’s sissy stuff» (p. 108); «the poets, an’ sissy guys like that, run away from trouble» (p. 109). Sissy : poule mouillée, efféminé, peureux — rien là de valorisé.

À la fin de la nouvelle, histoire de s’intégrer au groupe, le «poem-quoting puckster» (p. 115) abandonne la poésie : «From now on the poetry stuff is out !» (p. 116) On peut le déplorer.

P.-S.—Ce n’est bien sûr pas la première que se croisent ici poésie et hockey.

P.-P.-S.—Reproduire pareilles nouvelles anciennes est une idée bienvenue. Malheureusement, l’ouvrage Classic Hockey Stories est une catastrophe typographique : numérisation approximative, ponctuation qui ne l’est pas moins, coquilles sur coquilles, etc.

 

Référence

Powers, Ralph, «Double-Backed Puckster», Ace Sports Monthly, VII, 1, janvier 1938, reproduit par Paul Langan dans Classic Hockey Stories. From the Golden Era of Pulp Magazines, 1930s-1950s, Chez l’Auteur, 2021, 240 p., p. 94-116.

La clinique des phrases (116)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Le docteur Amano et ses collègues ont pu quantifier l’ampleur du problème en interrogeant tout près d’un millier de chercheurs provenant de huit pays différents (Bangladesh, Bolivie, Royaume-Uni, Japon, Népal, Nigéria, Espagne et Ukraine) et ayant des profils linguistiques et économiques différents.

S’il y a huit pays, ils sont nécessairement différents, non ?

Simplifions :

Le docteur Amano et ses collègues ont pu quantifier l’ampleur du problème en interrogeant tout près d’un millier de chercheurs provenant de huit pays (Bangladesh, Bolivie, Royaume-Uni, Japon, Népal, Nigéria, Espagne et Ukraine) et ayant des profils linguistiques et économiques différents.

À votre service.

P.-S.—En effet : c’est un des dadas de l’Oreille, et depuis longtemps.

P.-P.-S.—Le mal sévit aussi en anglais, ainsi que le note Jack Todd. Dans la phrase «When two different of Trump’s own lawyers have pled guilty to crimes, it becomes very, very hard for Trump to maintain this prosecution is political», on peut enlever sans mal «different» et «own».

Fil de presse 046

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Lire linguistique ? Allez-y !

Betz, Simon, Bogdan Ludusan et Petra Wagner (édit.), Disfluency in Spontaneous Speech, Bielefeld, Germany. 28-30 August 2023, 2023.

Cassin, Barbara, le Livre d’une langue, Paris, Éditions du patrimoine, 2023, 312 p.

Fouché, Pierre, Traité de prononciation française, Paris, Klincksieck, coll. «Linguistique», 2023, 592 p. Réimpression de l’édition de 1988.

Fridland, Valerie, Like, Literally, Dude. Arguing for the Good in Bad English, Viking, 2023, 336 p.

Gaudin, François (édit.), Alain Rey. Lumières sur la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 43, 2023, 282 p.

Gauvin, Lise, Des littératures de l’intranquillité, Paris, Karthala, coll. «Lettres du Sud», 2023, 236 p.

Giguère, Frédéric, «Et si Lord Durham avait raison ? L’hétérolinguisme au cœur du rap québécois contemporain», Waterloo, Université de Waterloo, mémoire de maîtrise, 2020, vii/111 p. Dir. : Nicole Nolette.

Gilbert, Muriel et Jean-Christophe Establet, Joyeuses fautes. Le premier roman-photo de l’orthographe, Paris, Le Robert, 2023.

Glottopol. Revue de sociolinguistique en ligne, 38, 2023. Dossier «Les langues dans la famille».

Glottopol. Revue de sociolinguistique en ligne, 39, 2023. Dossier «Altera lingua ou la construction sociale de l’altérité linguistique».

Gougenheim, Georges, la Langue populaire dans le premier quart du XIXe siècle d’après le Petit dictionnaire du peuple de J.-C.-L.-P. Desgranges (1821), Orléans, Corsaire éditions, 2022, 254 p. Préface de Fabrice Jejcic.

Jaubert, Anna, la Stylisation du discours, Paris, Classiques Garnier, coll. «Investigations stylistiques», 15, 2023, 290 p.

Lecherbonnier, Bernard, Philippe Rossillon, l’inventeur de la Francophonie, Paris, Descartes & cie, 2023, 200 p.

Makan, Abdeltif (édit.), Migrations de langues et des cultures dans la littérature et dans l’art, Université Sultan Moulay Slimane (Maroc), 2023, 228 p.

Merlo, Jonathan-Olivier, Par monts et par mots. Pour un itinéraire sociolinguistique de la francophonie, Bruxelles, Berlin, Berne, New York, Oxford, Vrasovie et Vienne, Peter Lang, coll. «Champs didactiques plurilingues : données pour des politiques stratégiques», 16, 2023, 122 p. Ill.

Mustill, Tom, Comment parler baleine. L’incroyable avenir de la communication animale, Paris, Albin Michel, 2023, 416 p. Traduction de Marina Boraso.

Ozoux, Mireille, Jonathan Swift linguiste. La norme et le jeu, Paris, Honoré Champion, coll. «Littérature étrangère», 37, série «Littérature anglaise», 2023, 458 p. Préface de Jean Viviès.

Pouvoirs, 186, 2023, 192 p. Dossier «La langue française».