Je me souviens…

…que mon grand-père disait slices pour sandwichs. (Et pourtant je parle encore français.)

…que la fille d’une de mes amies parisiennes a maîtrisé le subjonctif avant d’être propre. (Et cette amie racontait cela non sans fierté.)

…que mon professeur de latin, au secondaire, nous a plusieurs fois expliqué le cas de bedon (comme dans oubedon : ou bien).

…qu’une jeune Française déplorait devant moi la faiblesse du français québécois, dans une phrase où elle utilisait lequel que.

…qu’un Américain, débarqué en France pour y parfaire son français, est entré dans un restaurant, qu’il a demandé du bacon en prononçant le mot à la française (bakon et pas békeune) et qu’on a ri de lui. (Et il n’a pas mangé pendant deux jours.)

…que j’ai longtemps prononcé Salaberry à l’anglaise. (Et qu’un de mes potes parlait des Éditions Albinne Mitchel.)

…qu’à Bangkok j’ai découvert ce qu’était véritablement le dépaysement linguistique. (Je ne comprenais rien du tout.)

…qu’il m’est déjà arrivé d’utiliser, en exposé universitaire, ça l’a. (Je n’ai plus recommencé.)

Le zeugme du dimanche matin et d’André Major

André Major, l’Hiver au cœur, éd. de 1992, couverture

«Il passa l’après-midi à lire, adossé à la tête du lit, des pages de la correspondance de Flaubert, malgré l’envie très forte qu’il avait de se rendre chez Huguette pour prendre une bouchée et surtout de ses nouvelles.»

André Major, l’Hiver au cœur, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1992, 93 p., p. 41. Présentation de Jean-François Chassay. Édition originale : 1987.

Merci à notre fournisseur de zeugmes québecquois.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Onomastique estivale

Sauf erreur de l’Oreille tendue, ce devait être ici, au cours de l’entretien donné par Sébastien Fréchette, alias Biz, du groupe Loco Locass, à René Homier-Roy, dans le cadre de l’émission radiophonique la Bibliothèque de René, le 30 mai 2014.

L’animateur voulait savoir : pourquoi «Biz» ? Réponse de l’intéressé : au Québec, trois métiers supposent l’emploi d’un surnom, danseuse topless, moniteur de camp de jour et rappeur. Or Biz fait partie de la troisième catégorie.

L’Oreille prolongerait doublement cette fort pertinente remarque.

Ne faudrait-il pas ajouter à ces catégories socioprofessionnelles les motards criminels (pas criminalisés) ?

Le fils aîné de l’Oreille, à leur grand plaisir, est moniteur dans un camp de jour cet été. Malheureusement, du moins pour lui, on n’utilise pas de surnom dans ce camp. Padthaï, ce sera donc pour une autre fois.

Les joies du mariage

«On dit quoi à un francophone qui marie une anglo ?»
Yes Mccan, Dead Obies

Il y a de cela quelques décennies, l’Oreille tendue a étudié le latin. Un de ses professeurs aimait dire qu’un père pouvait marier sa fille, mais qu’il ne pouvait pas l’épouser.

Pourquoi cette précision ? Parce qu’au Québec il est courant d’entendre un verbe (marier : «Unir en célébrant le mariage», «Établir (qqn) dans l’état de mariage») pour l’autre (épouser : «Prendre pour époux, épouse; se marier avec»). Le Petit Robert note cet usage : «RÉGIONAL (Nord; Belgique, Canada) Épouser. Il l’a mariée contre l’avis de ses parents. “un jour vous allez vous établir, marier un bon gars avec une bonne terre” (J.-Y. Soucy)» (édition numérique de 2014).

Il est au moins un cas où l’usage régional a du bon. Prenons les phrases suivantes :

A man in a town married twenty women. There have been no divorces or annulments, and everyone in question is still alive and well. The man is not a bigamist, and he has broken no laws. How is this possible ? (tiré du magazine The New Yorker)

Comment les traduire ? L’ambiguïté vient de «married» (marier et épouser). Comment est-il possible de marier vingt femmes sans divorcer, sans voir de mariage annulé, sans créer aucune violence, sans être bigame et sans briser la loi ? Si on est un prêtre, ça ne pose pas de problème.

En effet, les prêtres marient. Qu’on le sache, ils n’épousent pas, du moins dans la religion catholique.

 

[Complément du 6 septembre 2025]

Monsieur Venne — c’était son nom — donnait l’exemple d’une fille. On peut aussi marier son fils, voire son fils aîné.

Tristesse de l’Oreille

L’ami @fbon, samedi dernier, est passé chez le poissonnier. L’Oreille tendue ne sait pas s’il en a rapporté du poisson, mais un tweet, ça, oui, elle en est sûre :

«de l’expression “il s’est rasé avec une biscotte” #poissonnier cadeau pour @benoitmelancon» (premier tweet).

Ne connaissant pas l’expression, l’Oreille a demandé une traduction.

Réponse :

«réponse sur ton profil !» (second tweet)

Dès lors, elle a craint le pire — et le pire s’est confirmé :

«L’expression se comprend aisément : mal rasé, avec des pousses de poils qui restent, mais aussi avec des rougeurs. Il y a en fait un transfert de métaphore : la peau des joues est comparée aussi à une biscotte rugueuse, la biscotte n’est pas simplement un mauvais rasoir» (le Petit Champignacien illustré, 29 juin 2006).

@fbon a donc à redire sur la barbe de l’Oreille. Cela l’attriste.