Pronom du jour

On débat en France de la place à faire aux questions de genre (gender) à l’école. C’est le contexte du tweet suivant :

«Les anti-djendeur sont pathétiques avec leur “pas de djendeur à l’école”. Le genre est appris à l’école, ms pas ds le sens qu’illes croient» (@A_C_Husson)

L’Oreille tendue ignorait l’existence du pronom illes.

 

[Complément du jour]

…fourni par @revi_redac : «En 2000, Louise-L. Larivière proposait ce pronom inclusif. Voir Pour en finir avec la féminisation linguistique. Et Pour une grammaire non sexiste de Céline Labrosse, 1996 (!), p. 45-46. Précision : “Afin de combler cette absence d’un pronom pluriel commun, Françoise Marois (1987) a proposé la création de la forme illes, nommée ‘collectif mixte’” (Labrosse, p. 46)».

 

[Complément du 18 juillet 2015]

La même @revi_redac vient de voir passer «celleux» sur Facebook. (Merci.)

Celleux (vu sur Facebook)

T’es mort

Soit, en français, le mot dead.

Quelque chose est out : c’est dead.

«Depuis Duchamp, [la peinture] c’est dead» (l’Écorchée vive, p. 182).

Vous clouez le bec à quelqu’un : vous le laissez dead.

«il l’a dead (i.e., laissé sans mot)» (@profenhistoire).

Il faut être attentif à la vie de la langue.

 

[Complément du 30 septembre 2019]

Le mot dead est toujours en vie. «J’ai dead la game», déclarait ainsi à son père le fils cadet de l’Oreille tendue après son match de football de vendredi dernier. Traduction : il avait dominé la partie. Ça se défend.

 

Référence

Legendre, Claire, l’Écorchée vive, Paris, Grasset, 2009, 249 p.

Se les geler avec Jean Echenoz

Jean Echenoz, Je m'en vais, 1999, couverture

S’il faut en croire le Jean Echenoz de Je m’en vais (1999), les couchettes du brise-glace Des Groseilliers seraient exiguës. Elles le seraient encore plus quand on s’y trouve deux.

Voilà pourquoi Félix Ferrer se retrouve contre son gré sur son séant et le plancher de sa cabine, Jocelyne, sa passagère compagne, l’ayant poussé hors de leur couche. Or ils voguent au-delà du cercle polaire.

Il a moins froid, maintenant, il a l’air fin dans son tricot, ses pauvres génitoires contractées ne ballant qu’à peine par en dessous (p. 49).

Génitoires, donc.

Infirmière de son état, Jocelyne aurait peut-être parlé de testicules. Québécoise, ce qu’elle paraît être aussi, elle aurait pu utiliser le mot gosses.

Le narrateur, lui, a préféré un mot autrefois chanté par Georges Brassens.

C’est comme ça.

P.-S. — Jocelyne aurait pu avoir recours à un autre synonyme, tel un rédacteur de la revue Liberté : «un peu comme si je lui avais donné un léger mais sincère coup de pied dans les schnolles» (no 302, p. 42). Elle ne l’a pas fait, que l’on sache. (On voit aussi chnolles.)

 

[Complément du 23 septembre 2015]

Des amis du poète québécois Saint-Denys Garneau publient plusieurs de ses lettres en 1967. Ils censurent cependant le contenu de certaines, par exemple celle du 9 octobre 1937 à Jean Le Moyne, dont ils retirent la phrase suivante : «Je vois l’influence de la fumée sur mes nerfs et aussi sur mes chenolles.» Elle est rétablie par Michel Biron dans sa biographie du poète (p. 346). Donc : schnolles, chnolles, chenolles — au moins.

 

[Complément du 19 décembre 2019]

Le poète Gérald Godin, dans les Cantouques (1967), retient la graphie chenolle pour parler d’émasculation : «sans yeux sans voix échenollé tordu tanné» (p. 35).

 

[Complément du 2 janvier 2024]

On voit aussi snell : «A l’a baté ent’ les deux snells» (Plume, p. 84).

 

Références

Biron, Michel, De Saint-Denys Garneau. Biographie, Montréal, Boréal, 2015, 450 p. Ill.

Echenoz, Jean, Je m’en vais. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1999, 252 p.

Godin, Gérald, les Cantouques. Poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, Montréal, Parti pris, coll. «Paroles», 10, 1971, 52 p. Édition originale : 1967.

Lefebvre, Pierre, «Le propriétaire et le possédé. Cinquième confession d’un cassé. Quand le pauvre fait la lutte au pauvre», Liberté, 302, hiver 2014, p. 38-42. https://id.erudit.org/iderudit/70537ac

Plume. Chansons par toutes sortes de monde, Moult éditions, 2023, 189 p. Ill.

C’est bien (ou pas)

Au journal la Presse, à la fin de 2013, on s’est demandé quelles expressions il faudrait bannir de son vocabulaire en 2014. (Les résultats de l’enquête sont ici.)

Parmi les suggestions reçues, celle-ci, de @jspoupart : «Hey, bo-boy.» L’Oreille tendue ne connaissait pas l’expression.

Depuis, elle est tombée sur les tweets suivants.

«“En petite tenue pour obtenir des vêtements gratuits”. Eh boboy» (@oniquet).

«Oh boboy ! @BazzoTV 2014, c’est dans 10 minutes !» (@mfbazzo)

Première constatation : il y a des graphies concurrentes (bo-boy, boboy).

Deuxième constation : on peut faire précéder le bo-boy / boboy de hey, de eh ou de oh.

Troisième constation : l’expression peut être dubitative, voire négative (le premier exemple); elle peut être positive (le second).

À suivre.

P.-S. — Une forme archaïque de la même expression existe toujours : «La plainte du mois dans Popular Science. Hé boy» (@HugoPrevost).

Dieudonnismes du jour

L’humoriste Dieudonné, aussi appelé Dieudo, a des démêlés avec la justice hexagonale. Cela occupe l’espace médiatique.

La langue en profite pour créer dieudosphère, dieudonnien, dieudonniste, dieudonnesque et dieudonnisation (merci à @MFBazzo pour le lien vers l’article de Slate.fr où apparaissent tous ces mots). On peut s’attendre à d’autres dieudonnismes de la même souche.

On n’arrête pas le progrès (lexical).