À relever

Mathieu Gosselin, Gros gars, 2023, couverture

Soit ces vers, tirés de la pièce de théâtre Gros gars :

Salut les pas d’espoirs
Les coucous
Ceux qui ont la falle basse

Soit ces phrases, tirées du recueil Un café avec Marie :

La pauvreté est notre honte à tous, tout comme l’injustice rampante et le mensonge de l’économie. L’humanité a la fale basse, la queue entre les jambes, les oreilles rabattues, le regard oblique, espèce maudite qui, après avoir dévasté le monde, songe à trouver dans l’espace une planète vierge, un autre paradis à saccager (p. 169).

On peut donc, dans le français populaire du Québec, avoir la fa(l)le basse. Ce n’est pas bon signe. On est alors dépité, triste, abattu.

On ne souhaite ce visage à personne.

P.-S.—La fa(l)le, voire la phalle, peut aussi désigner la poitrine, masculine (Pierre DesRuisseaux, p. 142) comme féminine (Ephrem Desjardins, p. 83).

 

Références

Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Gosselin, Mathieu, Gros gars, Montréal, Somme toute, coll. «La scène | Pièces de théâtre», 2023, 133 p. Édition numérique.

Onomatopée du jour

Martin McGuire et Dany Dubé, Bon match !, 2023, couverture

Vous faites une chute au Québec ? Quel son cela produit-il ? Beding-bedang, évidemment.

Exemple : «Quelques minutes plus tard […], la dame perd pied et se met à débouler, beding-bedang, jusqu’au bas des marches !» (Dany Dubé, Bon match !, chapitre 12)

À votre service.

 

Référence

McGuire, Martin et Dany Dubé, avec la collaboration de François Couture, Bon match !, Montréal, Éditions de l’Homme, 2023, 233 p. Ill. Préface de Ron Fournier. Introduction de François Couture. Édition numérique.

Sauter, ou pas

«Jack Roslovic fait le saut en Caroline», manchette de RDS.ca, juillet 2024

En français de référence, qui fait le saut, par exemple en politique, va de l’avant après avoir pris une décision, s’engage.

En français populaire du Québec, un autre sens est possible : qui fait le saut est étonné, au point de sauter en l’air. Exemple : «En regardant le projet de troisième lien du gouvernement du Québec, les experts ont fait le saut.»

À votre service.

P.-S.—Étonné ou surpris ? Par .

P.-P.-S.—Cela ne paraît pas avoir grand-chose à voir avec l’expression sauté de la calotte.

La rançon de la gloire

Affiche du film Barrabas (Richard Fleischer, 1961)

Soit les deux phrases suivantes :

«À Berlin, on se l’arrache [il s’agit de Denis Côté]. Je l’ai croisé dans deux cocktails et j’ai fait la queue avec lui avant une projection officielle au Berlinale Palast. Toutes les cinq minutes en moyenne, quelqu’un est venu lui taper sur l’épaule pour le saluer. Un cinéaste ou une actrice, un directeur de festival ou un programmateur, d’Europe, d’Asie, d’Amérique du Sud, du Canada ou des États-Unis. Barrabas dans la Passion (pas le film d’Hamaguchi ni celui de Scorsese)» (la Presse+, 22 février 2024).

«D’abord, Pauline Julien n’en peut plus du désordre du bureau de Gérald [Godin], tout près de leur chambre. En outre, ils sont connus comme Barabbas dans la Passion et beaucoup de gens en profitent pour aller les saluer, mais aussi pour les importuner en sonnant à leur porte à tout bout de champ» (Godin, p. 388).

Être connu comme Barrabas / Barabbas dans la Passion, donc.

Première remarque : on voit Barrabbas et Barabbas. Wikipédia retient la seconde graphie.

Deuxième remarque : selon le Réseau de diffusion des archives du Québec, cette expression signifie «Avoir une grande réputation, être célèbre. En référence à Barabbas, voleur condamné à mort, qui fut gracié à l’occasion de la Pâque, à la demande de la foule, alors que Pilate proposait de libérer Jésus.»

Le (lourd) passé catholique des Québécois — notamment visible dans leurs jurons — étant ce qu’il est, cette étymologie n’a pas de quoi étonner.

Troisième remarque : l’expression est aujourd’hui courante au Québec, mais pas en France, où elle a toutefois déjà été employée.

À votre service.

 

[Complément du jour]

Courriel de l’antenne liégeoise de l’Oreille tendue : «J’ai souvent entendu en Belgique, pays qui fut aussi pas mal catholique, l’expression “connu comme Barabbas à la passion”. Note la variante : je n’ai jamais entendu “dans la passion”.» Dont acte.

 

Illustration : affiche du film Barrabas (Richard Fleischer, 1961)

 

Référence

Livernois, Jonathan, Godin, Montréal, Lux éditeur, coll. «Mémoire des Amériques», 2023, 536 p. Ill. Préface de Ruba Ghazal.