«J’te parle foule pine à ’planche ben raide
J’te parle dans ’face
Paye moué une bière si j’en ai plein mon cass
D’la langue de bois, celle d’Ottawa»
(Arseniq33, «J’use d’la langue», Dansez, bande de caves ! 15 Ans d’arseniq33 [1992-2007], 2008)
«De toute évidence, une telle performance de [Marie-Philip] Poulin ne surprend plus personne. On a d’ailleurs compris, après la partie, qu’elle avait joué malgré un vilain rhume. “Je suis congestionnée ben raide !”, a-t-elle lâché en fin de conférence de presse. Ça ne l’a pas empêchée d’inscrire un tour du chapeau» (la Presse+, 30 janvier 2025).
Ben raide ? Dans le français populaire du Québec : complètement, totalement, mais aussi, selon Pierre DesRuisseaux, brusquement, abruptement (p. 36).
Deux fois, durant la journée d’hier, l’Oreille tendue a rencontré, dans le même sens, l’expression des pinottes : «Ça représente peut-être des pinottes, dans le grand ordre des choses, mais les gouvernements ne pourraient-ils pas prêcher par l’exemple, en cessant de s’approvisionner sur la plateforme d’Amazon ?» (la Presse+, 28 janvier 2025); «La fin des musées gratuits pour économiser des pinottes» (Tourniquet, 28 janvier 2025).
Dans le français populaire du Québec, des pinottes, c’est bien peu, pas grand-chose, presque rien, dérisoire.
Pinottes, comme dans l’anglais peanuts (arachides, cacahuètes).
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
Écoutez mes bons amis la chanson que j’vas vous chanter
C’t à propos du radio je vas tout vous raconter
Il y en a qui prétendent que j’ai la langue paralysée
Et d’autres s’sont imaginé que j’avais l’nerf du cou cassé
Y en a qui sont jaloux
Y veulent mettre des bois dans les roues
Je vous dis tant que j’vivrai
J’dirai toujours moé pis toé
Je parle comme l’ancien temps
J’ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu que j’mets pas d’anglais
J’nuis pas au bon parler français
Vous allez m’prendre pour une commère
Mais c’est mon désir le plus cher
On nous a toujours enseigné
De bien penser avant d’parler
Il y en a qui sont rigolos
Y ont la bouche comme un radio
Pour les empêcher d’parler
Faut leur zôter l’électricité
Y en a qui sont jaloux
Y veulent mettre des bois dans les roues
Je vous dis tant que j’vivrai
J’dirai toujours moé pis toé
Je parle comme l’ancien temps
J’ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu que j’mets pas d’anglais
J’nuis pas au bon parler français
[turlute]
On a beau faire not’ ch’min droit
Et critiqué par plus bas que soi
C’est la faute des vieilles commères
Qui s’mêlent pas de leurs affaires
Il y en a à la belle journée
Qui passent leur temps à bavasser
Y devraient cracher en l’air
Et ça leur tomberait su’ l’nez
Y en a qui sont jaloux
Y veulent mettre des bois dans les roues
Je vous dis tant que j’vivrai
J’dirai toujours moé pis toé
Je parle comme l’ancien temps
J’ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu que j’mets pas d’anglais
J’nuis pas au bon parler français
[turlute]
Y en a d’autres de leur côté
Qui m’trouvent pas assez décolletée
Essayer d’plaire à tout l’monde
J’vous dis que c’est dur en scie ronde
Je m’habille modestement
Pis mes chansons sont d’l’ancien temps
Mais partout j’vas turluter
J’ai pas honte de m’présenter
Y en a qui sont jaloux
Y veulent mettre des bois dans les roues
Je vous dis tant que j’vivrai
J’dirai toujours moé pis toé
Je parle comme l’ancien temps
J’ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu que j’mets pas d’anglais
J’nuis pas au bon parler français
[turlute]
P.-S.—Vous ne rêvez pas : il a déjà été question ici d’une autre chanson de La Bolduc, d’ailleurs parue sur le même disque.
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
Toé tu connais-tu le parler populaire
Qui s’élève des ruelles pis des caisses populaires
Ce n’est pas une langue châtiée
C’est la langue des shops pis des chantiers
Moé je parle comme je l’ai appris
J’parle comme mes voisins quand j’étais petit
C’est pas du français international
Moé c’que j’parle c’est le joual
C’est beau le joual — c’est s’a coche
C’est beau le joual — hostie qu’ça torche
C’est beau le joual — c’est malade mental
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
C’est beau le joual — t’es accoté tight
C’est beau le joual — fucké dans tête
C’est beau le joual — tu l’as d’ins dents
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
Le joual, c’t’un diamant en plywood Gossé a’ec un couteau d’pêche
C’t’un tabarnak de bon coup de coude
D’ins côtes d’la langue française
Le joual, c’est des sacres en masse
Avec des mots anglais juste à bonne place
Comme «Hey man, t’aurais-tu une smoke ?»
Mais pas trop quand même, on n’est pas des blokes
On n’est pas des blokes
C’est beau le joual — ça garroche
C’est beau le joual — ça clenche en masse
C’est beau le joual — ça fesse dans l’dash
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
C’est beau le joual — on va voir c’qu’on va voir
C’est beau le joual — si tu veux la guerre
C’est beau le joual — ben tu vas l’avoir
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
Le joual ça sonne carré
C’est rugueux comme du ciment
C’est comme une poignée d’gravier
Qu’on frotterait su’ tes tympans
Le joual grafigne pis le joual grince
D’ins boutte à l’aut’ de la belle province
Le joual varge, le joual écorche
Mais le joual avance et sa victoire est proche
C’est beau le joual — C’est-y pas crisse
C’est beau le joual — C’est dans l’prélart
C’est beau le joual — Attache ta tuque
C’est beau le joual — C’pas des jokes
C’est beau le joual — C’pas pour les frais chiés
C’est beau le joual — Ni pour les pète-sec
C’est beau le joual — C’t’à nous autres au Québec
Pis fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
Fuck toé, fuck toé
Fuck vous autres qui disez qu’on parle mal
P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Mononc’ Serge et du joual ici.