Crise linguistique de l’emploi ?

Le Devoir du 12 juillet 2012 publiait le manifeste de la Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), «Nous sommes avenir» (p. A7).

Ce prêchi-prêcha, à plusieurs moments, fait appel à une rhétorique venue directement des années 1960-1970. Il est cependant un aspect du texte qui marque bien son appartenance au XXIe siècle : sa féminisation mécanique.

Il y a donc «les travailleurs et les travailleuses», «ceux et celles» (et «celles et ceux»), «tous et toutes» (et «toutes et tous»), «ils et elles» (mais pas «elles et ils»), et des phrases comme «Pour nous, les décisions démocratiques doivent être le fruit d’un espace de partage au sein duquel chaque femme et chaque homme est valorisé-e. Égaux et égales dans ces espaces, ils et elles peuvent, ensemble, construire le bien commun.»

L’Oreille tendue n’est pas très portée sur ce genre de jargon, mais cela ne regarde qu’elle.

En revanche, elle s’interroge quand elle lit la phrase suivante : «Cette force a animé étudiantes et étudiants, parents, grands-parents, enfants, travailleuses et chômeurs.» Il n’y a donc ni travailleurs ni chômeuses ?

Ça fait désordre.

Autopromotion 037

L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente
L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente

Tout à l’heure, entre 9 h et 10 h, au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, l’Oreille tendue causera langue et baseball.

Il sera question de ceci.

Il ne devrait pas être question de la photo ci-dessus.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien et l’Oreille s’emmêler les pinceaux en latin ici.

Le don d’être vu

Publicité à la télé : un barman prépare, avec ostentation, un cocktail. Commentaire du cadet de l’Oreille tendue : «Skills !»

Skills ? S’emploie pour marquer l’admiration : qui mérite cet honneur a du talent et aime le montrer (l’épate, voire le tape-à-l’œil, est son essence). Ne concerne que les activités cool : attraper une passe difficile au football peut valoir un Skills bien senti; définir un mot avec ce que l’on espère être le plus de précision possible, non.

Jeu(x) de mains…

En France, chez @fbon : «puits caillou ciseaux papier».

En France toujours, chez @hjeanney : «pierre-ciseaux-feuilles».

Au Québec, chez @JeanSylvainDube comme chez l’Oreille tendue : «roche-papier-ciseaux».

Il y aurait aussi, selon le site GoldenMap : «papier-caillou-ciseaux», «pierre-papier-ciseaux», «feuille-caillou-ciseaux», «shifumi» et «janken».

Wikipédia est encore plus riche :

Pierre-feuille-ciseaux est un jeu effectué avec les mains et opposant un ou plusieurs joueurs. Il existe de nombreuses variantes régionales et appellations : papier-caillou-ciseaux ou chifoumi en France, roche-papier-ciseaux au Québec, pierre-papier-ciseaux en France et Belgique, feuille-caillou-ciseaux en Suisse, Schnick-Schnack-Schnuck en Allemagne, Rock-Paper-Scissors ou Rochambeau aux États-Unis, morra cinese (mourre chinoise) en Italie, Kawi-Bawi-Bo en Corée, Jan-Ken au Japon, Yan-Ken-Po au Pérou.

Tout cela pour un seul et même jeu de mains.

Minute touristique locale

Rawdon est une municipalité québécoise. «Géographiquement localisée à la limite des basses-terres du Saint-Laurent et de la chaîne de montagne des Laurentides dans Lanaudière», dixit le site municipal, «la Municipalité de Rawdon constitue un important carrefour routier situé à soixante (60) kilomètres au nord de Montréal […]». Elle compte 10 241 habitants.

La Commission de toponymie du Québec la présente ainsi, en insistant sur sa diversité ethnique :

Dans les premiers contreforts des Laurentides, à une altitude de plus de 150 m, a été implantée la municipalité bilingue et cosmopolite de Rawdon, près de Joliette. […] Le côté cosmopolite de Rawdon, marqué par les gentilés français et anglais reconnus Rawdonois et Rawdonite, est tributaire de l’origine des colons arrivés au début du XIXe siècle : Irlandais, Écossais (Montréal et New Glasgow), Anglais (Montréal et Terrebonne), Loyalistes américains. Si des terres ont été concédées aussi tôt que 1799 à des Loyalistes, ce n’est que vers 1830 que la colonie reçoit ses premiers colons francophones venus de Saint-Jacques-de-l’Achigan.

Puisque les deux mots y sont — «bilingue et cosmopolite» —, on peut supposer qu’ils ne veulent pas dire exactement la même chose. À y regarder de plus près, c’est un peu moins clair.

Au début du XIXe siècle, les colons parlent anglais; «vers 1830» arrivent les francophones : voilà pour le bilinguisme. Il existe même des «gentilés français et anglais reconnus», en l’occurrence «Rawdonois et Rawdonite».

Qu’en est-il du cosmopolitisme ? Ça se complique. Selon le Petit Robert (édition numérique de 2010), cosmopolite signifie «Qui comprend des personnes de tous les pays; qui subit des influences de nombreux pays (opposé à national). Ville cosmopolite.» Or il y aurait eu, à Rawdon, des Irlandais, des Écossais (du Québec : Montréal et New Glasgow), des Anglais (du Québec : Montréal et Terrebonne) et des Loyalistes américains — bref, pour l’essentiel, des Anglo-saxons proches. Les francophones, eux, arrivaient d’à côté, Saint-Jacques-de-l’Achigan. Il ne faudrait peut-être pas confondre Rawdon avec Paris ou New York.