Grosse fatigue

Les séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey sont éreintantes — pour les joueurs, mais aussi, semble-t-il, pour les journalistes.

Hier, le masculin disparaissait inopinément sous la plume de Marc Antoine Godin, qui parlait de «belles éloges» (la Presse, 13 mai 2010, cahier Sports, p. 4).

Avant-hier, faisant le portrait de Maxime Lapierre, l’«agitateur» des Canadiens de Montréal, le même journaliste écrivait : «Lapierre continue de se distinguer au niveau du verbiage» (la Presse, 12 mai 2010, cahier Sports, p. 3).

On doit espérer que les quelques jours de congé dont profitent les joueurs des Canadiens soient également profitables à ceux qui chantent leurs exploits.

P.-S. — Clément Gignac, le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, doit être un amateur de hockey. Durant la période des questions à l’Assemblée nationale cette semaine, il a clamé sa «fierté d’être “au niveau” de [son] gouvernement». (Merci à Antoine Robitaille, grand pourfendeur de au niveau de.)

Hésitation pronominale

Il entre dans un bar pour la première fois, regarde la serveuse, en tombe amoureux. Il ne sait comment l’interpeller. Il lui dit : «Je vous aime.» Elle lui répond : «Tu peux me dire tu», puis se détourne de lui et va servir un autre client.

Incendie mortel

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de dire tout le mal qu’elle pense de l’euphémisation lexicale de la mort : décéder, (nous) quitter, disparaître, s’éteindre, partir, être emporté.

Boucar Diouf, entendu hier soir au gala d’ouverture du congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), apporte de l’eau à son moulin. Si Monsieur Tartempion s’éteint, pourquoi dit-on feu Monsieur Tartempion ?

Divergences transatlantiques 009

Serge Bouchard et Bernard Arcand, Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, 2001, couverture

Soit le passage suivant, du 9 mai, du blogue d’Éric Chevillard :

Moi, oui, favorable au Grand Soir, que tout valse et se renverse cul-par-dessus-tête, l’ordre économique du monde et tous les systèmes en vigueur — de l’air ! Et cependant, rétif à tout changement, amoureux de la compagne fidèle, de l’île protégée, de la douce habitude, du chaque-chose-à-sa-place (dans ce tiroir, le scotch, la ficelle, les ciseaux; là, les lunettes de soleil; là, les gants), je souhaiterais si possible que le souffle de la bombe n’éparpille pas trop mes petites affaires.

Réflexe : «Tiens ! Il garde de l’alcool dans son tiroir, à côté de la ficelle et des ciseaux.»

Correction : «Il ne s’agit pas d’alcool — de whisky, aurait-on dit en France —, mais de papier collant, pour ne pas dire de scotch tape

Angoisse : «Est-ce par déformation gustative, pour ne pas dire pire, que j’ai vu de l’alcool là où il n’y avait que des fournitures de bureau ?»

P.-S. — Le lecteur porté sur le scotch-qui-colle devrait lire, si ce n’est déjà fait, le texte que lui consacrent Bernard Arcand et Serge Bouchard dans Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs. Extrait : «C’est une maison heureuse que celle où le scotch tape se trouve toujours sous la main» (p. 141).

 

Référence

Bouchard, Serge et Bernard Arcand, Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2001, 225 p.