Quel est le nom de l’«Organisation» (p. 11, p. 229) dont parle Julia Deck dans son plus récent roman ? Sigma.
Quel est son secteur d’activité ? Le «renseignement» (p. 220).
Où agit-elle ? À Berne, à Davos, à Lausanne, à Genève et à Zurich, de même qu’à Paris, mais elle paraît dirigée de New York, comme il se doit.
Sous quel climat l’action se déroule-t-elle ? Pluvieux.
Comment les agents du «bureau suisse» (quatrième de couverture) de Sigma s’appellent-ils ? Béatrice Bobillard, Thadeus Prinzhorn, Karl Moniel, Hector Mylendonk, Sarah Sirvin.
Les noms de ses agents sont-ils plus exotiques que ceux de leurs «cibles» (p. 9) ? Non, car elles s’appellent Alexis Zante, Pola Stalker (à la Tarkovski [p. 41]), Lothaire Lestir et, surtout, Elvire Elstir (elle virera beaucoup, mais ne se tirera point).
Quelle est la mission de Sigma ? Sur le plan le plus général, elle contribue à maintenir l’«équilibre» et la «stabilité» du monde (?) : «Ainsi, nous entretenons la paix et les échanges par simple ajustement des mouvements de pensée. Car nous ne travaillons pas à l’embellissement de notre maison depuis si longtemps, avec une constance si obstinée, pour la livrer sans défense à une poignée de vandales» (p. 196). Plus spécifiquement, elle s’inquiète de la découverte d’un nouveau tableau de Konrad Kessler (1887-1955) : cette «insurrection plastique» (p. 215) ne doit être rendue publique qu’avec la plus grande prudence, pour éviter qu’on y puise «des idées dommageables à la cohésion civile» (p. 127) ou qu’on y voie «un instrument de pensée et d’action» (p. 104). Il ne faut pas que son «pouvoir de nuisance» (p. 11) puisse triompher. Pour éviter pareille catastrophe, il faudra neutraliser, tuer, piller. (Dans une des sous-intrigues de Sigma, il faudra aussi priver de sa crédibilité un scientifique spécialiste de la portée universellement politique de l’orgasme féminin.)
Comment communique-t-on au sein de l’Organisation ? Par des rapports écrits adressés aux autorités compétentes («opérations helvétiques», «direction exécutive», «opérations françaises»). C’est la forme dominante retenue par Julia Deck.
Comment Sigma se constitue-elle ? «Nous savons que tout recrutement relève de la gageure. Les grandes organisations exigent des employés performants mais dénués d’esprit critique, intelligents sans personnalité propre, dociles quoique sachant à l’occasion faire preuve de fermeté. Autant dire des licornes» (p. 200). Le roulement de personnel pourrait devenir une source de souci pour les dirigeants de Sigma.
Est-ce à dire que ses agents sont complètement dénués d’originalité ? Pas du tout. Prenez Thadeus Prinzhorn, qui travaille dans une galerie d’art huppée (pardonnez le pléonasme) de Genève.
— I don’t get it, dit l’homme en soupesant son menton dans un abîme de perplexité.
— I don’t either, répond la femme, qui se ventile avec le New York Times.
Et ils se détournent de l’appareil dressé au centre de la galerie telle une statue mécanique pour admirer, par notre baie en arcade, le Rhône fuyant à gros bouillons. […]
— Qu’est-ce qu’ils disent ? interroge [Elvire] dans mon dos, comme si elle ne comprenait pas un mot d’anglais.
— Ils adorent.
— Ils n’ont pas l’air.
[…]
Je navigue autour de l’appareil mécanique au milieu de la galerie et m’approche des Américains avec mon plus beau sourire. Mais ils ne souhaitent pas me confier leur désarroi. Pivotant des talons, ils prolongent leur trajectoire vers la sortie.
— Ça suffit, ordonne Elvire, maintenant tu ranges cet aspirateur (p. 69-70).
Sigma réussit-elle toujours toutes ses opérations ? Non. Celle-ci, contrairement à lecture du roman, rendra plusieurs personnes malheureuses.
Référence
Deck, Julia, Sigma. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2017, 233 p.