Il faut savoir y arriver

Sophie Bienvenu, les Orphelines, 2025, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman les Orphelines (2025) de Sophie Bienvenu :

Quand son patron est arrivé avec un spray pour colorer les roses blanches dans des tons fluo, ça a été la proverbiale goutte d’eau. Vingt ans plus tard, elle contait pour la cinquantième fois l’anecdote comme si je n’avais pas été aux premières loges, et elle n’avait toujours pas dépompé (p. 80).

«Dépompé» ? Dans le français populaire du Québec, qui se fâche «pompe». Logiquement, qui décolère «dépompe».

À votre service.

P.-S.—Usito connaît «pomper», mais pas son antonyme.

 

Référence

Bienvenu, Sophie, les Orphelines. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2025, 173 p.

Une roue peut en cacher une autre

Laurence La Palme, Jour de clarté, 2025, couverture

Soit cette phrase, tirée d’un roman d’espionnage de Laurence La Palme — c’est un pseudonyme —, Jour de clarté (2025) : «Puis il donna un coup de roue et nous nous retrouvâmes sur un chemin forestier» (p. 127).

L’homme qui conduit la voiture dont il est question n’a frappé personne avec une de ses quatre roues. Ce «coup de roue», venu de l’anglais, est plutôt un «coup de volant» («wheel»).

À votre service.

 

Référence

La Palme, Laurence, Jour de clarté. Roman. Tome 1, Montréal, Le Cheval d’août, 2025, 140 p.

Si peu que pas

Publicité pour Saint-Hubert, octobre 2025

Le Robert définit le mot ainsi : «(Canada) Courte baignade» et lui donne comme synonyme «trempette». Usito propose le même synonyme, mais une définition légèrement différente, accompagnée des mentions «Qc» et «Fam.» (pour «Québec» et «Familier») : «Baignade rapide.» La saucette, donc.

Voilà pourquoi la chaîne de restauration Saint-Hubert, dans une publicité récente, peut offrir une «saucette dans l’sud». On entend et lit aussi le mot «sauce» dans ce message, celle de Saint-Hubert étant reconnue.

À votre service.

Savoir bien calculer

Panneau nautique, Saint-Hippolyte, Québec, 25 octobre 2025

Le boxeur Jean Pascal, 43 ans, pense à la retraite, mais ce ne sera pas pour tout de suite. En effet, rapporte le quotidien la Presse+ du 20 octobre 2025, il aurait «encore du gaz dans la tinque». Cette essence dans le réservoir devrait lui permettre de livrer encore au moins un combat. (On verra bien.)

À votre service.

P.-S.—Oui, il s’agit bien du gaz qu’il faut «prendre égal».

Ne pas visualiser svp, ter

Marie-Hélène Voyer, Précieux sang, 2025, couverture

Le 23 juillet 2025, l’Oreille tendue participait à une discussion radiophonique sur les régionalismes québécois. (Deux mois plus tard, malgré des demandes répétées, elle n’a toujours pas été payée pour cette intervention de plus de vingt minutes. Ça vous paraît normal, Radio-Canada ?)

Elle connaît plusieurs expressions avec le mot marde, mais, ce jour-là, elle a entendu pour la première fois en onde avoir le cordon du cœur qui traîne dans la marde.

Elle la retrouve dans un excellent recueil de poésie de Marie-Hélène Voyer, Précieux sang (2025).

hier Flanc-Mou a menacé
de se pendre à un crochet
écœuré de se faire traiter
de pas vite-vite
de traîne-savate
de tarlais
plus capable
de se faire dire
que le cordon du cœur
lui traîne dans la marde

le boss l’a remercié

une manière polie
d’abattre un homme (p. 123)

Son sens ? Paresser.

Dans Comme des sentinelles (2012), Jean-Philippe Martel offrait autre chose, en parlant de corde au lieu de cordon : «ce qui signifie à peu près qu’une personne est assez lâche et dépourvue d’humanité pour ne pas assister aux funérailles de sa grand-mère» (p. 55).

À votre service.

P.-S.—«Ter» ? À cause de ceci et de cela.

 

Références

Martel, Jean-Philippe, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p.

Voyer, Marie-Hélène, Précieux sang suivi de Voir avec des yeux de chair, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.