Les zeugmes du dimanche matin et de Marie-Andrée Gill

Marie-Andrée Gill, Uashtenamu, 2025, couverture

«où scintillent les mouettes et une notification oubliée» (p. 18)

«et tu m’attendras avec une soupe à l’oignon gratinée et la simplicité de tes beaux yeux qui me font revenir de n’importe quoi» (p. 21)

«On chante comme des geais bleus et des weedeaters» (p. 79)

Marie-Andrée Gill, Uashtenamu. Allumer quelque chose, Saguenay, La Peuplade, 2025, 102 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le monde naturel en… 1972

Jacques Ferron, le Saint-Élias, 1972, couverture

Jacques Ferron, le Saint-Élias. Roman, Montréal, Éditions du Jour, coll. «Les romanciers du jour», R-85, 1972, 186 p.

«De ce côté-ci des montagnes, on continuait de construire des engins de feu et d’accélérer leur vitesse en brûlant les ressources de la terre, de la même façon qu’on avait ravagé la grande forêt de bois d’œuvre au nord du Saint-Laurent. C’était par cupidité, on ne s’en cachait pas. Maintenant on prétend faire le bonheur de l’humanité alors qu’on devient de plus en plus conscient du contraire, que la cupidité toujours présente, plus répandue, n’engendre que bruits et fureurs. Des fous ont cru naguère être des surhommes. C’est une prétention que l’homme ne peut souffrir. Pourtant ces surhommes ne l’étaient qu’en paroles. Maintenant ils le sont par l’équipement. Ils ruinent le monde, ils vivent à même l’héritage des enfants et savent que le désastre qu’ils préparent de longue main, surviendrait dans quelques années s’ils répandaient leur équipement sur tous les continents. Ils sont devenus surhommes dans les faits, par leur gaspillage qu’ils nomment consommation, et sont autrement plus dangereux que les fous qui ne l’étaient qu’en parole car ils peuvent tenir des propos mensongers. Et tout doucement, à cause d’eux, une grande mutation s’est faite, qui changera toutes les mythologies : la nature, de mère toute puissante qu’elle était, devient la fille de tous les hommes» (p. 182-183).

«1972 : les alertes pour la planète du rapport Meadows», L’INA éclaire l’actu, 9 mai 2022.

«En 1972, un rapport scientifique alimente les discussions sur les plateaux télé, c’est le rapport Meadows.
L’alerte est lancée, la planète est en danger. À l’origine du rapport, le Club de Rome, un groupe de réflexion international réunissant scientifiques, économistes et industriels. À cette époque, la société de consommation explose et la crise pétrolière se dessine. La croissance industrielle et économique inquiète.
Pour les auteurs du rapport, les conclusions sont claires : “Dévorée par sa soif de croissance, l’humanité court à sa perte.”»

Curiosité voltairienne (et linguistique)

Marie-Ève Thuot, la Trajectoire des confettis, 2019, couverture

«— De toute façon, maugréa Louis, pourquoi on aurait la mission de protéger la langue des Français, quand ils nous ont envoyés dans un climat merdique pour avoir de la fourrure de castor, avant de nous domper au premier problème ?

— Tu t’en viens soûl, Louis.

— C’est notre langue… protesta Jacques. Tu comprends tout de travers.

— Qu’est-ce que tu chantais, Zack ? demanda Cécilia, qui peinait à suivre la conversation et s’accrochait de nouveau aux mélodies.

— Attention, Louis nous sort les deux trucs qu’il se rappelle de ses cours d’histoire du secondaire.

— C’était Jean Leloup, répondit Charlie à Cécilia.

— Qui se soucie de ces quelques arpents de neige ?

— Ben Louis, il les a pas compris, ses cours d’histoire du secondaire, pour nous sortir des affaires de même. Le français, c’est notre langue.

La langue de Voltaire ! s’écria Zack en coupant court à la cacophonie, son téléphone en main. Tiens, écoutez ce qu’il pensait de notre beau pays : “Quand deux ou trois marchands de Normandie, sur l’espérance d’un petit commerce de pelleterie, établirent une colonie dans le Canada, pays couvert de neiges et de glaces huit mois par année, habité par des barbares, des ours et des castors.” Ça ferait une bonne pub de voyage, en fait…

— Lâche ton cell, Zack.»

Marie-Ève Thuot, la Trajectoire des confettis. Roman, Montréal, Les Herbes rouges, 2019, 615 p.,  p. 73-74.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

Les barbares, les ours et les castors ? Cela est tiré du 151e chapitre de l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756), des «Des possessions des Français en Amérique», et de Wikipédia.

 

Voltaire est toujours bien vivant.