Divergences transatlantiques 073

«Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider»

Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)

Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.

C’est comme ça.

 

Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.

N’escaladez pas cette mère

Bar à pics, rue de l’Arbalète, Paris 5e

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), la locution adverbiale à pic aurait deux sens : «Verticalement» («Rochers qui s’élèvent à pic au-dessus de la mer. Route qui dévale à pic»), «À point nommé, à propos» («Vous arrivez à pic»).

Aucun de ces sens ne s’applique à la phrase suivante, tirée du roman Bondrée :

«Depuis que Gilles Ménard avait été arrêté et qu’elle avait sorti la bouteille de gros gin, ma mère était devenue une vraie furie, plus à pic que jamais.»

Si cette mère est désormais à pic, c’est qu’il faut la prendre avec des pincettes.

Synonyme, selon Léandre Bergeron : «Malcommode» (p. 367).

Vous aurez été prévenus.

P.-S.—Ce n’est pas la première fois, en effet, que nous croisons cette expression.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Michaud, Andrée A., Bondrée. Roman, Montréal, Québec Amérique, 2014, 296 p. Format numérique.

L’oreille tendue de… Jean-Christophe Réhel

Jean-Christophe Réhel, la Blague du siècle, 2023, couverture

«Guillaume est obnubilé par l’intérieur du frigo. Il murmure des choses incompréhensibles. Je lui tapote le dos pour essayer de le faire décrocher, mais son attention reste braquée sur le frigidaire. Il finit par se retourner vers moi :

— Je comprends pas ce qu’il me dit.

What the fuck ?

— De quoi tu parles ?

— T’entends pas ?

Je tends l’oreille vers la porte ouverte du frigidaire.

— Ben… c’est le compresseur du frigo ?

Gui désapprouve de la tête.»

Jean-Christophe Réhel, la Blague du siècle. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 246 p., p. 106.

Accouplements 217

Simon Brousseau, Chaque blessure est une promesse, 2023, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Thériault, William, «UFC. Charles Jourdain, gladiateur stoïque», la Presse+, 3 octobre 2023.

«Le natif de Belœil y voit une manifestation de stoïcisme, courant philosophique voulant qu’on accorde de l’importance seulement aux choses qu’on contrôle, et auquel il s’identifie fortement.»

Brousseau, Simon, Chaque blessure est une promesse, Montréal, Héliotrope, 2023, 209 p.

«Depuis quelques années, je m’intéresse aux philosophes de l’Antiquité, aux stoïciens en particulier. Une des idées-clés du stoïcisme qui m’attire est la distinction qu’on y fait entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Cette distinction mène les stoïciens à se concentrer sur les aspects de l’existence sur lesquels ils ont prise» (p. 49).