Le zeugme du dimanche matin et du professeur

«N’est-il pas de première nécessité de savoir où vous en êtes ?

Surtout lorsque, comme maintenant, vous touchez au but; et que l’Heure, la terrible heure que doit durer le cours — et que l’on a tant et tant redoutée, appréhendée; qu’il a fallu combler de tellement de mots, de phrases, d’explications harassantes, de jugements, de considérations; de courage, aussi, et Dieu sait de quelle ténacité ! — eh bien ! oui, que l’heure, cette maudite heure infernale, ce supplice inhumain achève quand même de s’écouler, comme la bougie graduée vient à bout de se consumer.»

Jean Simard, «Un professeur», dans Treize récits, Montréal, HMH, coll. «L’arbre», 1969, 199 p., p. 82. Nouvelle édition. Édition originale : 1964.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Ni en avant ni en arrière

Géraldine Wœssner, Ils sont fous, ces Québécois !, 2010, couverture

On le disait avant-hier : le temps est frisquet à Montréal. En fait, l’hiver est arrivé. Réchauffement climatique ou pas, cela suppose qu’il faudra bientôt pelleter.

Conseil du jour : la neige déplacée par cette opération doit l’être vers les côtés, pas en arrière, pas en avant.

En arrière, elle couvrirait les traces du pelleteur.

En avant, elle exigerait la répétition constante des mêmes efforts, dès lors rendus vains.

Voilà d’ailleurs pourquoi on a inventé l’expression pelleter en avant : «Péages à Montréal : du pelletage en avant, encore et encore…» (lapresse.ca, blogues, 14 août 2013). Qui pellette en avant travaille pour se donner du travail, avance pour ne pas vraiment avancer. Il s’agirait, en un certain sens, d’un synonyme de «Faire et défaire, c’est toujours travailler».

P.-S. — Certaines personnes installées au Québec peuvent être troublées par la neige qu’il faut y déplacer. Elles parlent alors de «pelletage de l’extrême» (Ils sont fous, ces Québécois !, p. 42).

 

[Complément du 19 avril 2015]

S’il est vrai qu’il faut généralement répartir la neige à droite et à gauche, il est des cas où cela a une connotation négative : qui pellette dans la cour du voisin est en fait en train de se débarrasser de quelque chose de déplaisant.

Exemple tiré de la Vie littéraire de Mathieu Arsenault (2014) : «go les girls moi je ne finirai jamais je taperai mon corps pour pelleter la mort dans la cour du voisin» (p. 68).

 

Référence

Arsenault, Mathieu, la Vie littéraire, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 76, 2014, 97 p.

Wœssner, Géraldine, Ils sont fous, ces Québécois ! Chroniques insolites et insolentes d’un Québec méconnu, Paris, Éditions du moment, 2010, 295 p.

Expression de (pré)saison

Ça y est. Il commence à y avoir des flocons. L’hiver sera là incessamment. Avec lui installé, on patinera, on glissera, on aura froid, on pellettera, on sacrera.

On pourra aussi, quand les accumulations seront suffisantes (les météorologues parlent de «neige au sol»…), donner des bouillons.

Exemple :

Au début de l’année, Méthot écœurait Louis Blais. Après, pour faire changement, il a commencé à donner des bines à Yvon Larochelle à chaque fois qu’il le voyait dans le corridor. Ces temps-ci, c’est moi qu’il écœure. Vendredi, il m’attendait après l’école et il m’a sauté dessus pour me donner un bouillon (Des histoires d’hiver […], p. 135).

Donner un bouillon ? Maintenir quelqu’un au sol et le forcer à avaler de la neige. Ça se pratiquait volontiers quand l’Oreille tendue était petite. C’était il y a longtemps.

Un sondage scientifique mené dans le pavillon de l’Oreille révèle d’ailleurs que l’expression est tombée en désuétude, du moins dans le groupe sondé (n = 2).

C’est dommage.

 

[Complément du 2 août 2017]

Le bouillon pourrait être liquide, si l’on en croit l’anesthésiologiste Marilyn Gravel, la chirurgienne pédiatrique Marianne Beaudin et le directeur général de la Société de sauvetage, Raynald Hawkins, qui, dans la Presse+ du 15 juillet 2017, parlent de «bouillon d’eau». On pourrait l’«avaler» ou le «prendre», ce qui suppose quelqu’un pour le «donner». Ce ne serait pas dangereux. Qu’on se rassure.

 

Référence

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hocke. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Pêche miraculeuse

Éric Plamondon, Ristigouche, 2013, couverture

En août dernier, l’Oreille tendue racontait qu’elle venait de lire, à haute voix, pour un projet universitaire, de brefs extraits de textes divers. (On ne confondra surtout pas ce projet avec celui dont il a été question ici il y a quelques jours.)

Parmi ceux-ci, le 75e chapitre de Mayonnaise (2012) d’Éric Plamondon, «Comme une truite hors du torrent».

Le plus récent livre de Plamondon, Ristigouche (2013), s’ouvre sur une scène de pêche au saumon.

Sujet de devoir : en vous appuyant sur votre lecture de l’œuvre de Richard Brautigan, vous montrerez en quoi le thème de la pêche à la ligne est essentiel dans les livres d’Éric Plamondon.

 

Références

Plamondon, Éric, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p.

Plamondon, Éric, Ristigouche, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 7, 2013, 52 p.