Brève explication de texte du tweet suivant, signé @crapules et relayé par @NathalieNassif : «Le sénat est comme devenu un grenier de cossins qui ne servent plus à rien mais qu’on [n’]ose pas mettre au chemin.»
«Le sénat» ? Il s’agit de la chambre haute du parlement canadien, dont les membres, par exemple l’ex-entraîneur de hockey Jacques Demers, ci-devant (?) analphabète, sont nommés par le gouvernement en poste. Synonyme, à tort ou à raison, de sinécure.
«Comme» ? Sous l’influence de l’anglais (like), grand euphémiseur tout usage.
«Cossins» ? Définition de notre Dictionnaire québécois instantané (2004) :
Ça ne vaut pas grand-chose, mais il y en a généralement beaucoup. «Les cossins de madame Marois» (la Presse, 31 mars 2001). «Pour en finir avec les cossins…» (la Presse, 24 décembre 2001) «Divins cossins» (le Devoir, 20 juin 2003).
«Mettre au chemin» ? Voilà qui est plus rare : sortir les ordures. Cet archaïsme n’a pas la fortune de «comme» ou de «cossins».
La preuve est faite une fois de plus : on peut dire beaucoup de choses en moins de 140 caractères.
[Complément du 26 mai 2015]
Des exemples de (mettre) au chemin en littérature ? Évidemment.
«Elle ne cessait de rapporter des trésors qu’elle trouvait au chemin pour les retaper dans sa chambre» (Chanson française, p. 85).
«Fatiguées, les tantes me mirent au chemin dans une chaise pliante un vendredi matin» (Parents et amis sont invités à y assister, p. 174).
«Il a enterré ses armes dans la cour (il ne pouvait quand même pas les mettre au chemin le jour des vidanges)» (le Feu de mon père, p. 59).
[Complément du 3 juillet 2017]
Il y a plus radical, par exemple chez le Sébastien La Rocque du roman Un parc pour les vivants (2017) : «Son nouvel aspirateur, un Bissell DigiPro à capteur numérique qui règle automatiquement la puissance d’aspiration, se révèle une pure merveille. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de se débarrasser du vieil engin de maman et de le foutre au chemin ?» (p. 36)
[Complément du 2 avril 2023]
Vu aujourd’hui, dans le cadre de l’excellente exposition «Hochelaga. Montréal en mutation», de Joannie Lafrenière, au Musée McCord Steward, ce texte, au sujet d’un des personnages de l’exposition, Diane, la serveuse. On y voit que les «cossins» peuvent être «de seconde main» («usagés»).
Références
Bouchard, Hervé, Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 14, 2014, 238 p.
Delisle, Michael, le Feu de mon père. Récit, Montréal, Boréal, 2014, 121 p.
La Rocque, Sébastien, Un parc pour les vivants. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 167 p.
Létourneau, Sophie, Chanson française. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 70, 2013, 178 p.
Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.