Dictionnaire des séries 33

Roy MacGregor, le Fantôme de la coupe Stanley, 2007, couverture

Au hockey, qui tricote contrôle habilement la rondelle en mouvement.

Exemples

On a saisi la rondelle
Tricotant tous deux
Comme de vrais professionnels
On se dirigeait vers les buts adversaires
(Les Jérolas, «Le sport», chanson, 1967).

En tricotant il a fait son ch’min
Jusqu’au Forum de Montréal
(Robert Charlebois, «Champion», chanson, 1987).

[Sim] reprit plutôt ses vieilles habitudes de hockey de ruelle, en essayant de tricoter entre tous les joueurs de l’équipe adverse pour pouvoir marquer un but et devenir ainsi le héros du jour (le Fantôme de la coupe Stanley, p. 89).

Est-ce pour cela que les partisans des équipes de hockey forment un groupe tricoté serré ?

Attention : à force de trop tricoter, on peut faire dans la dentelle. Ce n’est pas recommandé

 

[Complément du 7 juin 2014]

Dentelle fait également partie de la garde-robe des footballeurs (ceux du soccer). Exemple tiré d’un article du Devoir sur l’équipe nationale du Brésil pour la Coupe du monde 2014 : «En tout état de cause, les fans ne doivent toutefois pas s’attendre à ce que la dentelle figure en tête de liste des priorités de la sélection brésilienne : la manière, c’est bien, mais le succès, c’est mieux; en fait, il n’y a au fond que ça de vrai» (7-8 juin 2014, p. A7).

 

[Complément du 9 mars 2017]

Si l’on en croit William S. Messier, on peut tricoter dans d’autres sports que le hockey, par exemple au basketball : «C’est une de leurs marques de commerce [aux Harlem Globetrotters] : ils tricotent avec le ballon» (le Basketball et ses fondamentaux, p. 102).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

MacGregor, Roy, le Fantôme de la coupe Stanley, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 11, 2007, 156 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.

Messier, William S., le Basketball et ses fondamentaux. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 12, 2017, 239 p.

Quasi-otoflorilège

Cela n’étonnera personne : quand elle entend le mot oreille, l’Oreille tendue tend la sienne. Il lui arrive même de s’imaginer constituant, en tout bien tout honneur, un florilège de l’oreille : un otoflorilège qui aurait, en quelque sorte, valeur d’autoflorilège.

Les jours où ça ne va pas, elle citerait Tout ce que je sais en cinq minutes de Corey Frost — «Les désavantages d’avoir des oreilles» (p. 51) —, Claire Legendre — une des protagonistes de Viande est «devenue une oreille à recueillir les déchets des gens» (p. 183) — ou Diderot — «Cet organe-là que j’ai aux deux côtés de ma tête a quelque chose de bizarre» (Leçons de clavecin, dixième dialogue).

Pensant à ses lecteurs, elle se souviendrait d’une phrase de Benjamin Péret : «Chaque jour ils reçoivent une oreille […].»

Elle craindrait parfois qu’ils ne lui soient plus fidèles : «Entre les dernier Panama [sic] de l’été, tu as essayé plusieurs paires d’oreilles» (Chanson française, p. 51).

Elle souhaiterait plutôt les entendre déclarer : «Vous avez de l’oreille» (le Méridien de Greenwich, p. 133).

Puis elle se dit que ce projet d’otoflorilège n’a guère de sens, et elle l’abandonne.

 

Références

Echenoz, Jean, le Méridien de Greenwich. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1979, 255 p.

Frost, Corey, Tout ce que je sais en cinq minutes. Fictions, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 54, 2013, 184 p. Ill. Traduction de Christophe Bernard.

Legendre, Claire, Viande, Paris, Grasset, 1999, 187 p.

Létourneau, Sophie, Chanson française. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 70, 2013, 178 p.

Péret, Benjamin, «Pulchérie veut une auto», 1922.

Dictionnaire des séries 29

En matière de lexique hockeyistique, ce qui concerne le lancer est particulièrement riche.

On a déjà vu, ici même, le tir voilé et le tir sans avertissement.

Le tir puissant est une garnotte, un plomb ou un boulet.

Howie ! Tout le monde a peur de sa méchante garnotte
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

Anderson a dû repousser un méchant plomb de P.K. Subban qui, ce soir encore, a élevé sa cadence pour les séries (@MAGodin).

La garnotte, le plomb ou le boulet est le fruit d’un lancer frappé (un slap shot).

On entendait les slap shots su’é portes de garages
(Les Cowboys fringants, «Banlieue», chanson, 1998)

Un verbe pour décrire cela ? Snapper (voir Jocelyn Bérubé, «Rocket», p. 33).

On ne confondra pas ce lancer frappé avec le tir des poignets (plus précis, du moins en théorie, mais moins puissant) ou le tir-passe (le plus souvent ni l’une ni l’autre, pas moins efficace pour autant).

Certains tirs sont difficiles à décocher, particulièrement le tir sur réception. (L’Oreille tendue ne connaît pas d’équivalent français au verbe to one-time it en anglais et elle le déplore).

Qu’attendre d’un tir ? De la précision, de la vélocité et de la lourdeur. De la lourdeur ?!?! Si si : avoir un tir lourd, ce serait bien.

pendant les célébrations
se lance dans la partie Gerry Rochon
il ne cesse de nous répéter
un bon lancer est bas dur lourd sec et précis
(Bernard Pozier, «La fièvre du printemps», p. 23)

Bien malin celui qui le pèsera.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Bérubé, Jocelyn, «Rocket», dans Portraits en blues de travail, Montréal, Planète rebelle, coll. «Paroles», 2003, p. 25-36. Préface de Jean-Marc Massie. Accompagné d’un cédérom.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Un trou dans son élan

John Grisham, Calico Joe, 2012, couverture

«Baseball is only dull to dull minds» (Red Smith).

Comme tout un chacun, l’Oreille tendue consacre une partie de son temps de lecture, surtout estivale, aux livres sur le baseball.

Il y a les livres savants (The Meaning of Nolan Ryan, Double jeu), les livres de journalistes (Moneyball, Men at Work), les recueils d’articles (Triumph and Tragedy in Mudville), les romans (You Know Me Al, The Art of Fielding ou, sommet indépassé, The Great American Novel).

Voilà pourquoi l’Oreille vient de lire Calico Joe de John Grisham. Elle avait déjà lu des romans policiers de cet auteur — aucun ne lui laissant de profonds souvenirs, ni en bien ni en mal — et son roman sur le football, Playing for Pizza — aucun souvenir non plus. De Calico Joe, elle se souviendra, car c’est un texte particulièrement mauvais.

Un père va mourir. Cela ne touche personne, car c’est une ordure : violent, alcoolique, égocentrique. Lanceur pour les Mets de New York, Warren Tracey n’existe plus, dans la mémoire populaire inventée par le romancier, que comme celui qui a mis un terme à la carrière d’un joueur phénoménal, Joe Castle (Calico Joe). Comment ? En lui lançant volontairement une balle rapide à la tête. Ce geste, en langage de baseball, est appelé beaning. (Sur un sujet semblable, il vaut mieux lire Rat Palms de David Homel.) Le fils de Warren raconte la rencontre improbable, en 2003, trente ans après les faits, de son père et de Joe Castle. C’est lacrymal, inécrit, sans aucun intérêt.

En lisant, l’Oreille est cependant retombée sur une de ces étranges expressions propres au baseball : «Every rookie’s got a hole in his swing» (p. 57). Dans l’élan (swing) de toute recrue (rookie), il y aurait un trou (hole). Qu’est-ce à dire ? Qu’un joueur n’arriverait pas à frapper la balle si elle était placée à un endroit bien précis, qui n’est pas le même pour tous, et que les lanceurs essaieraient d’exploiter cette faiblesse. Voilà qui vous épargnera la lecture de Calico Joe.

P.-S. — Et il y a bien sûr les livres sur Jackie Robinson.

 

Références

Gould, Stephen Jay, Triumph and Tragedy in Mudville. A Lifelong Passion for Baseball, New York et Londres, W.W. Norton, 2003, 342 p. Ill. Foreword by David Halberstam.

Grisham, John, Calico Joe. A Novel, New York, Dell, 2013, 262 p. Édition originale : 2012.

Grisham, John, Playing for Pizza. A Novel, New York, Doubleday, 2007, 262 p.

Harbach, Chad, The Art of Fielding. A Novel, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2012. Édition numérique. Édition originale : 2011.

Homel, David, Rat Palms, Toronto, HarperCollins, coll. «HarperPerennial», 1993, 276 p. Édition originale : 1992.

Lardner, Ring, You Know Me Al, Kessinger Publishing, [s.d.], 119 p. Reprint. Édition originale : 1916.

Lewis, Michael, Moneyball. The Art of Winning an Unfair Game, New York et Londres, W.W. Norton, 2003, xv/288 p.

Nareau, Michel, Double jeu. Baseball et littératures américaines, Montréal, Le Quartanier, coll. «Erres Essais», 2012, 395 p.

Roth, Philip, The Great American Novel, New York, Farrar, Straus & Giroux, 1980, 382 p. Édition originale : 1973.

Trujillo, Nick, The Meaning of Nolan Ryan, College Station (TX), Texas A & M University Press, 1994, x/163 p. Ill.

Will, George F., Men at Work. The Craft of Baseball, New York, HarperPerennial, 1991, ix/353 p. Ill. Édition originale : 1990.

L’art du portrait balafré

Jean Echenoz, les Grandes Blondes, 1995, couverture

«Depuis le tabouret latéral qu’il occupait, Boccara jeta un œil intimidé sur Personnettaz, raidement assis dans un fauteuil devant le bureau de Jouve : sujet maigre et farouche, austère quoique bizarrement déguisé en assureur de fantaisie, costume sable et chemise tête-de-nègre avec cravate vert clair. Cheveux cuivrés, presque roux, taillés comme dans les casernes, joues creuses et front plissé; deux longues rides parallèles à l’axe maxillaire pouvaient passer pour des balafres, des scarifications initiatiques, et son regard gelé pouvait faire peur à Boccara. Son visage reflétait une préoccupation majeure à moins qu’une grande souffrance morale à moins qu’une maladie chronique, un ulcère ou quelque chose. Il était attentif et grave comme chez son docteur.»

Jean Echenoz, les Grandes Blondes. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1995, 250 p., p. 82-83.