Curiosité voltairienne (et divine)

François Hébert, Frank va parler, 2023, couverture

«À tort les divinités sont-elles louches de nos jours, en nos arpents de neige aux bonhommes à chapeau de paille, nez de carotte, boutons de cailloux et bras de ramilles, qui fondent de plus en plus vite avec le réchauffement de la planète, tandis que les ondes 5G occupent un ciel signé Samsung que patrouillent les vrombissants drones d’Amazon aux yeux de chauves-souris.»

François Hébert, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p., p. 103.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Médisance pseudo-voltairienne du mardi

Frédéric Lenormand, . Docteur Voltaire et Mister Hyde, 2025, couverture

Dans Voltaire mène l’enquête. Docteur Voltaire et Mister Hyde, le roman de Frédéric Lenormand, Voltaire, à Cirey, s’adresse à Buffon :

Avec des calculs d’aiguilles et de carreaux ? s’étonna le spécialiste ès dominations. Non, non, je vais vous dire ce qu’il faut faire. Écrivez un conte. Appelez votre héros Benoît, Saturnin, enfin donnez-lui un prénom idiot, et faites-lui découvrir la nature entre deux mots d’esprit (p. 41).

Un «prénom idiot» ? Ça se discute.

 

Référence

Lenormand, Frédéric, Voltaire mène l’enquête. Docteur Voltaire et Mister Hyde. Roman, Paris, Le livre de poche, 2025, 236 p. Édition originale : 2018.

Curiosité voltairienne (et pédagogique)

Michael Delisle, Cabale, 2023, couverture

«Mon esprit se balade pendant que je fais mine d’être intéressé. Quels cours va-t-on me donner pour la prochaine session ? Je vais encore me retrouver avec Voltaire, je le sens. Je n’en peux plus des pitreries de Voltaire. Cunégonde, tu parles d’un nom ! Comment peut-on appeler sa fille Cunégonde ? Je décline : Cunégonde Desjardins-Allard, Cunégonde Perez-Godin, Cunégonde Nguyen-Gill. Me reste-t-il au moins une bouteille de vin à la maison ?

[…]

Manon s’ennuie. Elle n’a pas emmené leur fille. Elle trouve que la mort est une expérience trop négative pour une enfant de son âge. Négative ? Elle devrait lire Candide» (p. 81).

«Khoury est mort à sa table de travail. Il s’est effondré là, il y a deux jours peut-être, cuisant sous la lumière jaune de la lampe, le front contre un quiz sur Candide» (p. 121).

Michael Delisle, Cabale. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 124 p.

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Les zeugmes du dimanche matin et de Simon Brousseau

Simon Brousseau, Foule monstre, 2025, couverture

«L’instant d’après, elle le croquait sans quitter Catherine des yeux; il était si dodu qu’il lui a fallu trois bouchées pour en venir à bout. Croyant l’affaire réglée, elle a senti dans son œsophage les mouvements spasmodiques des premières pattes avalées. N’en pouvant plus, elle a tout rendu, et la scutigère et sa volonté aux limites enfin connues» (p. 36).

«Pour le surprendre, son dernier amant lui a offert une semaine à Riviera Maya dans un tout-inclus, emportant dans ses bagages une bague de fiançailles et beaucoup d’espoir» (p. 158).

Simon Brousseau, Foule monstre, Montréal, Héliotrope, 2025, 225 p.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 25 septembre 2025.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Deux Ferron pour le prix d’un

Jacques Ferron, Contes, éd. de 1993, couverture

Une oreille tendue et un zeugme.

«On le vit donc reparaître, le vieil Ulysse, dans le quartier des Sirènes, attaché à son mât de misaine dont le cacatois, gonflé par les vents accumulés durant quinze ans à Ithaque Corner, lui montait dans la tête, naviguant au milieu de la chaussée mal famée, l’oreille tendue vers les persiennes muettes d’où s’échappait naguère la mélopée française et érotique.»

Jacques Ferron, «Les Sirènes», dans Contes, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993, 298 p., p. 149. Édition intégrale. Présentation de Victor-Lévy Beaulieu.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)