Jour d’éclipse

Encyclopédie, 1751-1772, «Astronomie», planche III

Citation de circonstance :

En octobre 1994, ta maîtresse d’école a fait grand cas de l’éclipse solaire totale qui allait avoir lieu le 3 novembre, un phénomène qu’on ne peut observer que de rares fois dans une vie, et elle en a profité pour joindre l’enseignement des arts plastiques à celui des sciences naturelles en vous apprenant à fabriquer une boîte à soleil pour observer l’éclipse sans endommager votre macula, cette zone ultrasensible située au fond de l’œil, et tu as été si effrayée par les histoires d’aveuglements qu’elle ne cessait de vous raconter durant vos bricolages que tu n’as pas osé utiliser ton instrument, qui attend dans ton garde-robe que tu le sortes, le 21 août 2017, pour enfin voir le soleil disparaître.

Simon Brousseau, Synapses. Fictions, Montréal, Le Cheval d’août, 2016, 107 p., p. 79.

Illustration : Encyclopédie, 1751-1772, «Astronomie», planche III. Les éléments numérotés 34 à 38 ont rapport «aux éclipses de soleil & de lune».

Une défaite de Voltaire à Westmount ?

Dans son «Discours aux Welches», paru en 1764 dans ses Contes de Guillaume Vadé, Voltaire écrivait :

On vous a déjà reproché de dire un bras de rivière, un bras de mer, un cul d’artichaut, un cul-de-lampe, un cul-de-sac. À peine vous permettez-vous de parler d’un vrai cul devant des matrones respectables; et cependant vous n’employez point d’autre expression pour signifier des choses auxquelles un cul n’a nul rapport. Jérôme Carré vous a proposé le mot d’impasse pour vos rues sans issue, ce mot est noble et significatif; cependant, à votre honte, votre Almanach royal imprime toujours que l’un de vous demeure dans le cul-de-sac de Menard, et l’autre dans le cul des blancs-manteaux. Fi ! n’avez-vous pas de honte ? Les Romains appelaient ces chemins sans issue Angiportus; ils n’imaginaient point qu’un cul pût ressembler à une rue (éd. de 2014, p. 323).

Impasse ou cul-de-sac ? Le narrateur a choisi son camp.

Jusqu’à tout récemment, la ville de Westmount, sur l’île de Montréal, refusait de trancher : avenue Willow, elle avait deux «cul[s]-de-sac» pour une «impasse».

Avenue Willow, Westmount, avant

Ce n’est plus vrai : trois «cul[s]-de-sac», insiste-t-on maintenant.

Avenue Willow, Westmount, après

Est-ce à dire que Voltaire aurait perdu son combat dans les rues de Westmount ?

 

[Complément du 24 septembre 2017]

Dans le quartier voisin, on se tâte encore.

Rue Dalou :

Impasse et cul-de-sac, rue Dalou, Montréal

Rue Snowdon :

Impasse et cul-de-sac, rue Snowdon, Montréal

 

[Complément du 16 août 2024]

En 1939-1940, de passage au Québec pour des conférences radiophoniques, Charles Bruneau, «de la Sorbonne», pense encore comme Voltaire : «C’est ainsi qu’à Montréal, une rue sans issue devrait s’appeler une impasse (cul-de-sac est vulgaire)» (p. 29).

 

Références

Bruneau, Charles, Grammaire et linguistique. Causeries prononcées aux postes du réseau français de la Société Radio-Canada, Montréal, Éditions Bernard Valiquette, [1940 ?], 154 p. «Avant-propos de L.H.» (Léopold Houlé).

Voltaire, «Discours aux Welches», dans Contes de Guillaume Vadé, Oxford, Voltaire Foundation, coll. «Œuvres complètes de Voltaire», 57B, 2014, p. 297-337. Édition critique par Diana Guiragossian-Carr. Édition originale : 1764.