L’oreille tendue de… Martin McGuire

Martin McGuire et Dany Dubé, Bon match !, 2023, couverture

«J’entre donc et je tombe sur le responsable de l’équipement, Pierre Gervais, qui ramasse ses affaires. Il me regarde avec des points d’interrogation dans les yeux, l’air de dire : “Pourquoi t’arrives par cette porte-là, toi ?” Je lui demande si le vestiaire est ouvert, il me répond par la négative. Je tends l’oreille et j’entends les joueurs du Canadien chanter.»

Martin McGuire et Dany Dubé, avec la collaboration de François Couture, Bon match !, Montréal, Éditions de l’Homme, 2023, 233 p., chapitre 12. Ill. Préface de Ron Fournier. Introduction de François Couture. Édition numérique.

Les zeugmes du dimanche matin et de Jérôme Garcin

Portrait de Béatrix Beck

«À 80 ans, elle portait un pull jacquard, un caleçon à fleurs, des cheveux coupés au bol, des bûchettes pour sa cheminée et des jugements à l’emporte-pièce sur Dieu — “Il est génial malgré quelques ratages et si éperdument amoureux” — ou la vieillesse — “c’est une maladie qui empire de jour en jour, dont on est sûr de guérir”». Mais elle ne portait ni son âge avancé ni le poids de la notoriété que lui avait value, en 1952, le prix Goncourt pour “Léon Morin, prêtre” et son adaptation par Jean-Pierre Melville, avec Belmondo dans le rôle du séduisant abbé jociste.»

Jérôme Garcin, «Le Bloc-notes de Jérôme Garcin : pourquoi il faut relire Béatrix Beck et lire Gérard Guégan», le Nouvel Obs, 2 mai 2024.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Onomatopée du jour

Martin McGuire et Dany Dubé, Bon match !, 2023, couverture

Vous faites une chute au Québec ? Quel son cela produit-il ? Beding-bedang, évidemment.

Exemple : «Quelques minutes plus tard […], la dame perd pied et se met à débouler, beding-bedang, jusqu’au bas des marches !» (Dany Dubé, Bon match !, chapitre 12)

À votre service.

 

Référence

McGuire, Martin et Dany Dubé, avec la collaboration de François Couture, Bon match !, Montréal, Éditions de l’Homme, 2023, 233 p. Ill. Préface de Ron Fournier. Introduction de François Couture. Édition numérique.

L’Oreille se renforcit

Le verbe «renforcir» dans une publicité québécoise pour la bière Dow

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du 1er juin : «Il y a aussi un esprit de corps qui se renforcit indéniablement.»

La puriste qui, à l’occasion, sommeille en l’Oreille tendue a spontanément tiqué devant le verbe renforcir. Elle a souvent entendu dire, au Québec, qu’il fallait éviter ce verbe. (Elle n’était pas seule.)

Louis Cornellier, par exemple, dans le Point sur la langue, commente son emploi par la journaliste Nathalie Petrowski :

Ce renforcir est, au pire, un barbarisme et, au mieux, un québécisme un peu douteux. Renforcer serait préférable. Comme dans renforcer son français, par exemple (p. 83).

Le son de cloche est différent en ligne.

Pour Usito, ce verbe serait «familier» au Québec. «Ce mot est sorti de l’usage en France.»

Dans la Banque de dépannage linguistique, on lit :

Le verbe renforcir a été usuel en français jusqu’au XVIe siècle, avant d’être évincé par la forme renforcer. Il a subsisté dans la langue populaire et s’est maintenu un peu plus longtemps dans certaines régions de France. Son emploi aujourd’hui est rare ou senti comme populaire en France.

Au Québec, renforcir, courant à l’époque de la colonisation en Nouvelle-France, s’est conservé jusqu’à aujourd’hui, mais son emploi est en recul.

Une fois de plus, l’Oreille devra se méfier de son purisme.

 

[Complément du 5 juin 2024]

Dans «renforcir», on entend aussi «forcir» («Devenir plus fort, plus gros», le Petit Robert, édition numérique de 2018). L’Oreille s’en mord les lobes de ne pas y avoir plus pensé plus tôt.

 

Référence

Cornellier, Louis, le Point sur la langue. Cinquante essais sur le français en situation, Montréal, VLB éditeur, 2016, 184 p.

Accouplements 240

Moulinette à légumes, 2008

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

McKenna, Alain, «L’IA, la génération Z et la fin de la radio», le Devoir, le D magazine, 27-28 avril 2024, p. 22.

«Les mélomanes en manque de nouveautés n’auront bientôt plus à se casser la tête. L’intelligence artificielle pourrait s’occuper de créer pour eux des chansons sur mesure, une après l’autre, à partir d’une simple demande : par exemple, “crée une chanson country à propos de la vie à la ferme”.»

Morin, Rose-Aimée Automne T., «La porno de l’avenir (et ses dilemmes éthiques)», la Presse+, 28 avril 2024.

«On fait une requête. C’est-à-dire qu’on décrit précisément ce qu’on souhaite voir. (Je pourrais par exemple écrire : “Du consentement éclairé entre trois personnes émotionnellement matures qui cherchent à se donner du plaisir dans le décor du téléroman La petite vie.” Notons que je ne l’ai pas testé pour des raisons éthiques, peut-être que les algorithmes ne sont pas rendus là…)

Vous connaissez la position de l’Oreille tendue sur ces questions : tous les dégoûts sont dans la nature.

Illustration : «Moulinette Moulin Légume», 2008, photo déposée sur Wikimedia Commons