La clinique des phrases (v)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit ceci, dans le quotidien la Presse+ du jour, rubrique langue de margarine :

Service : Efficace, professionnel et à l’accueil, on est gâté car c’est la grande Catherine Wart, la gérante et la maître d’hôtel.

Cette phrase — qu’on pardonne cette exagération lexicale à l’Oreille tendue — pose des problèmes de structure et de ponctuation.

Reconstruisons-la, en la scindant :

Service : Efficace, professionnel. À l’accueil, on est gâté car c’est la grande Catherine Wart, la gérante et la maître d’hôtel.

Ponctuons-la scolairement (l’Oreille est scolaire), à la manière de Jean Girodet («Car doit toujours être précédé d’une ponctuation», Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, coll. «Les référents», 1988 [troisième édition], 896 p., p. 137) :

Service : Efficace, professionnel. À l’accueil, on est gâté, car c’est la grande Catherine Wart, la gérante et la maître d’hôtel.

Reconstruisons-la, bis, car (précédé, comme il se doit, donc, d’une virgule) le «c’est» pourrait laisser espérer une proposition subordonnée («qui officie», par exemple) :

Service : Efficace, professionnel. À l’accueil, on est gâté, car il y a la grande Catherine Wart, la gérante et la maître d’hôtel.

Allégeons-la d’un article inutile :

Service : Efficace, professionnel. À l’accueil, on est gâté, car il y a la grande Catherine Wart, la gérante et maître d’hôtel.

À votre service.

P.-S.—«Maîtresse d’hôtel» existe, et depuis longtemps, mais, si l’on en croit Google, il n’est pas commun.

Jean Dion pourrait être professeur

Affiche des Jeux olympiques d’hiver, 1924L’Oreille tendue, comme nombre de lecteurs du quotidien le Devoir, déplore la faible présence du chroniqueur Jean Dion en ses pages depuis plusieurs mois.

Pour cause de JO coréens, on peut heureusement le lire ces jours-ci. Extrait de son texte du jour, «La fuite» :

L’inconvénient en l’occurrence : la conscience aiguë du temps qui fuit, l’assassin qu’on ne capturera jamais. Vous êtes assis là à gagner en âge sans trop vous en rendre compte, sans rien demander à personne, et paf, les Jeux olympiques viennent vous balancer en pleine face que vous n’êtes plus précisément un agneau du printemps. (Enfin, peut-être pas vous, mais moi, si, et je pourrais vous donner d’autres noms.) Vous vieillissez, mais eux [les athlètes] restent éternellement jeunes. Même qu’ils donnent l’impression de rajeunir (p. 4).

Foi d’Oreille, ce sentiment est partagé, un jour ou l’autre, par tous les professeurs.

P.-S.—Jean Dion a déjà préfacé un livre de l’Oreille.

Illustration : affiche d’Auguste Matisse pour les JO de Chamonix en 1924 déposée sur Wikimedia Commons

La clinique des phrases (u)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit ce titre, dans le quotidien le Devoir du jour :

Maltraitance des aînés. Québec veut simplifier la tâche aux plaignants. Un comité de concertation mis sur pied acheminera les dénonciations au bon endroit (p. A3).

On imagine que, pour «acheminer», il faut d’abord exister, avoir été «mis sur pied». Sinon, ce serait un brin difficile.

Allégeons :

Maltraitance des aînés. Québec veut simplifier la tâche aux plaignants. Un comité de concertation acheminera les dénonciations au bon endroit.

Si elle n’écoutait qu’elle, l’Oreille tendue irait plus loin :

Maltraitance des aînés. Québec veut simplifier la tâche aux plaignants. Un comité de concertation acheminera les dénonciations.

S’il s’agit de «simplifier», on espère que les «dénonciations» seront envoyées «au bon endroit». Autrement, on ne voit pas bien ce que l’on gagnerait à l’opération.

À votre service.

L’Oreille tendue ne prend peut-être pas assez soin d’elle

«Cosméto au naturel», la Presse+, 2 février 2018À l’occasion, l’Oreille tendue cause apocop’. Pour rappel : «Chute d’un phonème, d’une ou plusieurs syllabes à la fin d’un mot» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).

Dans la Presse+ du jour, elle tombe sur le mot cosméto. Vu le contenu de l’article, il paraît bien s’agir de cosmétique.

L’Oreille, naïve, croyait que l’apocope avait pour utilité de raccourcir un mot (confortable => confo). Ce n’est manifestement pas le cas ici.

Sa naïveté la perdra.

 

[Complément du jour]

Naïve et bête : il s’agit de cosmétologie, science que ne pratique pas l’Oreille.