Accouplements 97

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Le Devoir est un quotidien qui aime la diversité des points de vue. La preuve en est donnée dans l’édition des 2-3 septembre 2017.

Dominic Tardif, «Poésie. La tendresse des mots sur les douleurs du présent», p. F2.

«Notre époque serait celle du “je” tout-puissant, se plaisent à répéter les sociologues à la gomme et autres chroniqueurs du dimanche.»

Fabien Deglise, «Essai québécois. Des essais pour poursuivre la réflexion sur le monde autour de nous», p. F8.

«À l’ère de l’affirmation ostentatoire du “je”, il est illusoire de se croire seul au monde, et encore plus dans une époque mouvante où les décisions individuelles, tout comme les inactions de chacun, ont des conséquences ressenties par tous.»

Proposition de moratoire du lundi

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de parler de l’expression Révolution tranquille; c’était ici. Est-elle appréciée au Québec ? Beaucoup trop.

«Révolution tranquille en création musicale» (le Devoir, 3-4 juin 2017, p. E4).

«La révolution tranquille de Terry Riley» (le Devoir, 13-14 mai 2017, p. E3).

«Révolution tranquille dans le secteur de l’énergie» (la Presse+, 11 juin 2016).

«Cuba à l’aube d’une autre révolution, tranquille celle-là» (le Devoir, 7 janvier 2015, p. B1).

«Pour une Révolution tranquille de la rémunération globale du secteur municipal» (la Presse+, 18 novembre 2014).

«Révolution tranquille dans les valeurs mobilières» (la Presse, 5 juillet 2014, cahier Affaires, p. 6).

«Une “révolution tranquille” pour Montréal» (le Devoir, 16 septembre 2013, p. A3).

«La petite Révolution tranquille. Haïti tente de convaincre les donateurs de faire cadrer l’aide internationale dans son nouveau projet de société» (la Presse, 15 janvier 2013, p. A19).

«John Parisella veut provoquer une révolution tranquille de la #philanthropie… #UdeM» (@udemnouvelles).

«La “e-révolution tranquille”, cela vous dit quelque chose ?» (le Devoir, 30 avril 2012, p. A7).

«Macky Sall, candidat de l’opposition au Sénégal. Révolutionnaire tranquille» (la Presse, 3 mars 2012, p. A26).

«Un néocolonialisme à la québécoise ? La gestion de nos richesses naturelles attend encore sa révolution tranquille dans certains secteurs» (le Devoir, 2-3 avril 2011, p. B6).

«La “Révolution tranquille” du Rwanda» (la Presse, 8 mai 2010, p. A31).

«Ottawa prépare la “révolution tranquille” des autochtones» (la Presse, 27 septembre 2006, p. A11).

«Le théâtre et sa révolution tranquille» (le Devoir, 8-9 mai 2004, p. E1).

Le moment est peut-être venu d’avoir recours à ce syntagme figé avec plus de parcimonie. Merci.

Mort aux complexes !

«Ballerine décomplexée», la Presse+, 1er mars 2017

Depuis quelques mois, l’Oreille tendue s’est mise à la chasse à l’épithète décomplexé. Elle a même prédit que ce pourrait être un des mots de 2017. Allons-y voir de nouveau.

Qu’est-ce qui peut être décomplexé ?

Une personne, bien sûr.

Une ballerine (la Presse+, 1er mars 2017).

Mais, surtout, des choses moins tangibles.

Des confidences (le Devoir, 1er mars 2017, p. B8).

La diversité (en colloque universitaire).

Une entrevue (@hugopilonlarose).

La prononciation du mot fuck (le Devoir, 31 décembre 2016, p. E1).

Des «paroles extrêmes» (la Presse+, 31 décembre 2016).

Une société (la Presse+, 16 décembre 2016).

Un style (la Presse+, 4 novembre 2016).

Des poètes (le Devoir, 1er-2 octobre 2016, p. C8).

Une écriture (@recruedumois).

Arrêtons-nous pour l’instant à ces dix occurrences, continuons à tendre l’oreille et restons décomplexés. Il semble que ce soit bien.

 

[Complément du 6 septembre 2020]

Et une glande.

«Procure décomplexe la prostate», slogan publicitaire, septembre 2020