La langue de Denis Coderre

L’Oreille tendue est épistologue à ses heures. S’intéressant à la lettre, elle a porté attention à la décision récente de Postes Canada de cesser, d’ici quelques années, la livraison à domicile du courrier.

Si ses oreilles ne la trompent pas, elle a entendu son (!) maire, Denis Coderre, déplorer cette décision à la radio : «Ça m’écœure», «C’est dégueulasse», «Les maudites boîtes, ousqu’i vont les mettre ?».

Quelqu’un pourrait-il expliquer au premier magistrat montréalais qu’il existe une telle chose que les niveaux de langue ? Qu’on ne parle pas de la même façon dans les médias et à la taverne ?

Ce serait probablement peine perdue, mais on peut toujours rêver.

H comme hockey et comme histoire

En 2006, la campagne publicitaire des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — mêlait le passé (architectural) de la ville et un des joueurs de l’équipe. (Voir l’analyse de Jonathan Cha.)

Canadiens de Montréal, campagne de publicité, 2006

Un peu plus tard, au moment de l’interminable centenaire de l’équipe, on superposait à un joueur du passé (en noir et blanc) un joueur du présent (en couleurs). Thème ? «L’histoire se joue ici.» (Voir l’analyse de Fannie Valois-Nadeau.)

Canadiens de Montréal, campagne de publicité, 2009

Cette année, le slogan est «Le club du hockey». Une des affiches de cette campagne mêle deux photos de joueurs du présent, Brandon Prust et Max Pacioretty, à celle d’une légende du passé, Jean Béliveau.

Morale de cette histoire ? Elle est double.

Le club lui-même crée et vend son histoire.

Les succès du passé sont plus sûrs que ceux du présent.

 

Références

Cha, Jonathan, «“La ville est hockey”. De la hockeyisation de la ville à la représentation architecturale : une quête urbaine», Journal of the Society for the Study of Architecture in Canada / Journal de la Société pour l’étude de l’architecture au Canada [JSSAC | JSÉAC], 34, 1, 2009, p. 3-18.

Valois-Nadeau, Fannie, «Quand “l’histoire se joue ici”», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 6, 2013, p. 93-108.

Écrire Montréal

Montréal imaginaire, ouvrage collectif, 1992, couverture

Tweet, hier, de @languesdefeu : «Appel : est-ce que la sociologie de la ville s’est préoccupée de la représentation des villes dans la littérature ? (Si oui, où ?)»

Dans les années 1980-1990, un groupe de recherche de l’Université de Montréal a travaillé sur les représentations de la ville en littérature. Ci-dessous, une bibliographie, en deux parties (Publications individuelles, Actes de colloques et ouvrages collectifs), de Montréal imaginaire.

À défaut de textes venus de la «sociologie de la ville», @languesdefeu y trouvera pas mal de textes en sociocritique.

Publications individuelles

Biron, Michel, «Nelligan : la fête urbaine», Études françaises, 27, 3, hiver 1992, p. 51-62. https://doi.org/10.7202/035857ar

Biron, Michel, «La romance du libéralisme : poésie et roman au tournant du siècle», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 149-209.

Biron, Michel, «Une bataille d’âmes, en ville. Notes sur un roman-feuilleton de Pamphile Le May», dans Madeleine Frédéric (édit.), Actes du séminaire de Bruxelles (septembre-décembre 1991). Montréal, mégapole littéraire, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Centre d’études canadiennes, 1992, p. 37-56.

Chassay, Jean-François, Structures urbaines, structures textuelles : la ville chez Réjean Ducharme, David Fennario, Yolande Villemaire, Montréal, Université de Montréal, Faculté des arts et des sciences, Département d’études françaises, Centre de documentation des études québécoises, coll. «Rapports de recherche», 1, décembre 1986, 57 p. Avant-propos de Jean Cléo Godin.

Chassay, Jean-François, «Montréal comme roman», Magazine littéraire, 234, octobre 1986, p. 97-98.

Chassay, Jean-François et Monique LaRue, «“La Main” de Montréal», Vice versa, 24, juin 1988, p. 24-25.

Chassay, Jean-François, «Montréal et les États-Unis : idéologie et interdiscursivité chez Jean Basile et Réjean Ducharme», Voix et images, 48 (16, 3), printemps 1991, p. 503-513. https://doi.org/10.7202/200925ar

Chassay, Jean-François, en collaboration avec Annick Andres et Louise Frappier, Bibliographie descriptive du roman montréalais, Montréal, Université de Montréal, Faculté des arts et des sciences, Département d’études françaises, Centre d’études québécoises, Groupe de recherche Montréal imaginaire, mai 1991, 230 p.

Chassay, Jean-François, «Entre la nature et le livre, la ville. Le paysage montréalais, à la lecture de quelques romans québécois francophones», International Journal of Canadian Studies/Revue internationale d’études canadiennes, 4, automne 1991, p. 111-125.

Chassay, Jean-François, «Un imaginaire amnésique», dans Montréal, l’oasis du nord, Paris, Autrement, «Série monde», 62, mai 1992, p. 167-171.

Chassay, Jean-François, «L’autre ville américaine. La présence américaine dans le roman montréalais (1945-1970)», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 279-322.

Chassay, Jean-François, «L’apache et le capitaliste. Le poète et ses textes dans les romans montréalais de Réjean Ducharme», dans Madeleine Frédéric (édit.), Actes du séminaire de Bruxelles (septembre-décembre 1991). Montréal, mégapole littéraire, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Centre d’études canadiennes, 1992, p. 99-116; repris, sous le titre «L’Apache et le capitaliste. De la télévision à la poésie. Le poète et ses textes dans les romans montréalais de Réjean Ducharme», dans l’Ambiguïté américaine. Le roman québécois face aux États-Unis, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1995, p. 109-126.

Chassay, Jean-François, «Destin littéraire de Montréal (le fil d’Ariane)», Écrits du Canada français, 76, 4e trimestre 1992, p. 15-37.

Chassay, Jean-François, «La contrainte américaine : Madeleine Monette et Monique LaRue», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 219-229; repris, sous le titre «L’invention d’une ville (Des villes et des fantômes)», dans l’Ambiguïté américaine. Le roman québécois face aux États-Unis, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1995, p. 167-185.

Chassay, Jean-François, l’Ambiguïté américaine. Le roman québécois face aux États-Unis, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1995, 197 p.

Fredette, Nathalie, Montréal en prose. 1892-1992. Anthologie présentée par Nathalie Fredette, Montréal, l’Hexagone, coll. «Anthologies», 5, 1992, 507 p.

Harel, Simon, «Les marges de la ville : identité et cosmopolitisme dans le roman montréalais», dans Lire Montréal. Actes du Colloque tenu le 21 octobre 1988 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1989, p. 21-36.

Harel, Simon, le Voleur de parcours. Identité et cosmopolitisme dans la littérature québécoise contemporaine, Longueuil, le Préambule, coll. «L’univers des discours», 1989, 309 p. Préface de René Major.

Harel, Simon, «L’identité montréalaise en exil. Le statut de l’écrivain multiculturel», dans Yannick Gasquy-Resch (édit.), Marseille-Montréal. Centres culturels cosmopolites, Paris, l’Harmattan, 1991, p. 135-149.

Harel, Simon, «La parole orpheline de l’écrivain migrant», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 373-418.

Harel, Simon, «Montréal : une “parole” abandonnée. Gérard Étienne et Régine Robin», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 155-165.

Jubinville, Yves et Fabien Ménard, «Ville et littérature : bibliographie commentée», Paragraphes (Département d’études françaises, Université de Montréal), 7, 1992, 136 p.

LaRue, Monique, en collaboration avec Jean-François Chassay, Promenades littéraires dans Montréal, Montréal, Québec/Amérique, 1989, 274 p.

LaRue, Monique et Jean-François Chassay, «Espace urbain et espace littéraire», la Petite Revue de philosophie, 20, 11 : 1, automne 1989, p. 85-99; repris dans Friedhelm Lach et Hans-Herbert S. Räkel (édit.), Berlin à Montréal. Littérature et métropole, Montréal, VLB éditeur, 1991, p. 33-46.

Marcotte, Gilles, «J’arrive en ville», Vice versa, 24, juin 1988, p. 26-27; repris, sous le titre «J’arrive en ville…», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 17-22.

Marcotte, Gilles, «La littérature arrive à Montréal», dans Jean-Rémi Brault (édit.), Montréal au XIXe siècle. Des gens, des idées, des arts, une ville. Actes du colloque organisé par la Société historique de Montréal (Automne 1988), Montréal, Leméac, coll. «Ouvrages historiques», 1990, p. 211-220; repris, sous le titre «Quand la littérature arrivait à Montréal», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 83-93.

Marcotte, Gilles, «Montréal : désir d’une ville», dans Friedhelm Lach et Hans-Herbert S. Räkel (édit.), Berlin à Montréal. Littérature et métropole, Montréal, VLB éditeur, 1991, p. 23-32; repris, sous le titre «…mais Montréal existe-t-il ?», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 23-32.

Marcotte, Gilles, «Une ville appelée Rimbaud», Études françaises, 27, 1, printemps 1991, p. 49-61; repris, sous le titre «Rimbaud, lecteur de la ville», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 105-124. https://doi.org/10.7202/035835ar

Marcotte, Gilles, «Un flâneur, rue Notre-Dame», Études françaises, 27, 3, hiver 1992, p. 27-36; repris, sous le titre «Flâner rue Notre-Dame, en 1862», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 95-104. https://doi.org/10.7202/035855ar

Marcotte, Gilles, «Mystères de Montréal : la ville dans le roman populaire au XIXe siècle», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 97-148.

Marcotte, Gilles, «La tentation de la main», dans Madeleine Frédéric (édit.), Actes du séminaire de Bruxelles (septembre-décembre 1991). Montréal, mégapole littéraire, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Centre d’études canadiennes, 1992, p. 83-98; repris, sous le titre «Au centre, la main», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 47-64.

Marcotte, Gilles, «Montréal métonymique», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 65-74; repris, sous le titre «Ville inachevée, ville moderne», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 33-45.

Marcotte, Gilles, «Ville, texte, sacré», dans Guy Lapointe (édit.), Société, culture et religion à Montréal : XIXe-XXe siècle, Montréal, VLB éditeur, coll. «Études québécoises», 1994, p. 257-273; repris, sous le titre «Que sont les cent clochers devenus ? Ville, texte, sacré», dans Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, p. 65-81.

Marcotte, Gilles, Écrire à Montréal, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1997, 179 p.

Melançon, Benoît, «À la recherche du Montréal yiddish», Vice versa, 24, juin 1988, p. 12-13.

Melançon, Benoît, «Juifs et Montréalais», Spirale, 87, avril 1989, p. 3-4.

Melançon, Benoît, la Littérature montréalaise des communautés culturelles. Prolégomènes et bibliographie, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, mars 1990, 31 p. https://epe.lac-bac.gc.ca/100/200/300/montrealaise/pub.communautes.html (HTML); https://doi.org/1866/12637 (PDF)

Melançon, Benoît, «La littérature montréalaise et les ghettos», Voix et images, 48 (16, 3), printemps 1991, p. 482-492. https://doi.org/1866/31985

Melançon, Benoît et Pierre Popovic, «Présentation», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 9-12.

Michaud, Ginette, «Mille plateaux : topographie et typographie d’un quartier», dans Lire Montréal. Actes du Colloque tenu le 21 octobre 1988 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1989, p. 38-71; repris dans Voix et images, 42 (14, 3), printemps 1989, p. 462-482. https://doi.org/10.7202/200800ar

Michaud, Ginette, «D’une ville l’autre», Spirale, 118, octobre 1992, p. 8.

Michaud, Ginette, «De la “Primitive Ville” à la Place Ville-Marie : lectures de quelques récits de fondation de Montréal», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 13-95.

Nepveu, Pierre, «Écritures migrantes», dans l’Écologie du réel. Mort et naissance de la littérature québécoise contemporaine. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1988, p. 197-210.

Nepveu, Pierre, «Montréal : vrai ou faux», dans Lire Montréal. Actes du Colloque tenu le 21 octobre 1988 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1989, p. 5-19.

Nepveu, Pierre, «Qu’est-ce que la transculture ?», Paragraphes (Département d’études françaises, Université de Montréal), 2, 1989, p. 15-31.

Nepveu, Pierre, «Les Juifs à Montréal : le tiers inclus ?», dans Montréal : l’invention juive. Actes du Colloque tenu le 2 mars 1990 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1991, p. 73-86.

Nepveu, Pierre, «Une ville en poésie. Montréal dans la poésie québécoise contemporaine», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 323-371.

Nepveu, Pierre, «Trouver son âme en Amérique», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 115-125.

Nepveu, Pierre et Gilles Marcotte, «Introduction. Montréal, sa littérature», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 7-11.

Popovic, Pierre, De la ville à sa littérature. Préliminaires et bibliographie, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1988, 54 p.; une version abrégée de ce texte a paru sous le titre «De la ville à sa littérature» dans Études françaises, 24, 3, 1988, p. 109-121.

Popovic, Pierre, «Les villes de Tristan Corbière», Études françaises, 27, 3, hiver 1992, p. 37-50. https://doi.org/10.7202/035856ar

Popovic, Pierre, «Le mauvais flâneur, la gourgandine et le dilettante. Montréal dans la prose narrative aux abords du “grand tournant” de 1934-1936», dans Pierre Nepveu et Gilles Marcotte (édit.), Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, p. 211-278.

Popovic, Pierre, «Un voleur d’étincelles dans la ville des pauvres», dans Madeleine Frédéric (édit.), Actes du séminaire de Bruxelles (septembre-décembre 1991). Montréal, mégapole littéraire, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Centre d’études canadiennes, 1992, p. 57-73.

Popovic, Pierre, «La rue fable», dans Gilbert David et Pierre Lavoie (édit.), le Monde de Michel Tremblay. Des Belles-Sœurs à Marcel poursuivi par les chiens, Montréal et Carnières, Cahiers de théâtre Jeu et Éditions Lansman, 1993, p. 275-288.

Popovic, Pierre, «Jehan Rictus et Jean Narrache : au nom des fils de Caïn»», dans Benoît Melançon et Pierre Popovic (édit.), Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, p. 75-88.

Popovic, Pierre, «Le festivalesque (La ville dans le roman de Réjean Ducharme)», Tangence, 48, octobre 1995, p. 116-127. https://doi.org/10.7202/025866ar

Actes de colloques et ouvrages collectifs

Études françaises, 27, 3, hiver 1992, 127 p. : «Ville, texte, pensée : le XIXe siècle, de Montréal à Paris». Actes du Colloque du 15 mars 1991. Textes de Michel Biron, Jean Larose, Georges Leroux, Gilles Marcotte, Pierre Popovic, François Ricard et Ronald Sutherland. http://www.erudit.org/revue/etudfr/1991/v27/n3/index.html

Lire Montréal. Actes du Colloque tenu le 21 octobre 1988 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1989, 138 p. Textes de François Bilodeau, Louise Dupré, Simon Harel, Ginette Michaud, Raymond Montpetit, Pierre Nepveu et Francine Noël.

Montréal imaginaire. Ville et littérature, Montréal, Fides, 1992, 424 p. Textes de Michel Biron, Jean-François Chassay, Simon Harel, Gilles Marcotte, Ginette Michaud, Pierre Nepveu et Pierre Popovic, publiés sous la direction de Pierre Nepveu et Gilles Marcotte.

Montréal : l’invention juive. Actes du Colloque tenu le 2 mars 1990 à l’Université de Montréal, Montréal, Université de Montréal, Groupe de recherche Montréal imaginaire, 1991, 109 p. Textes de Robert Melançon, Pierre Nepveu, Régine Robin, Sherry Simon, David Solway et Esther Trépanier.

Montréal 1642-1992. Le grand passage, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Théorie et littérature», 1994, 229 p. Textes de Flavio Aguiar, Maria do Carmo Campos, Estela Cedola, Jean-François Chassay, Patrick Coleman, Michel Condé, Madeleine Frédéric, Simon Harel, Monique LaRue, Gilles Marcotte, Alain Médam, Pierre Nepveu, Pierre Popovic, Yannick Resch et Stéphane Vachon, publiés sous la direction de Benoît Melançon et Pierre Popovic.

Actes du séminaire de Bruxelles (septembre-décembre 1991). Montréal, mégapole littéraire, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Centre d’études canadiennes, 1992, 153 p. Textes de Michel Biron, Micheline Cambron, Jean-François Chassay, Jeanne Demers, Florence Fensie, Madeleine Frédéric, Gilles Marcotte et Pierre Popovic, publiés sous la direction de Madeleine Frédéric.

Guy Lafleur

Guy Lafleur entre au musée Grévin, Montréal, 2013

À l’occasion du dernier match de Guy Lafleur, le 4 décembre 2010, l’Oreille tendue signait un texte dans le Devoir sur le héros de son enfance. On le lira ci-dessous; par ailleurs, il est toujours accessible sur le site du quotidien. Un complément bibliographique se trouve ici.

Pourquoi reprendre ce texte aujourd’hui ? Parce que c’est — comme chacun le sait — le 62e anniversaire du Démon blond.

***

De Guy Lafleur considéré comme un des beaux-arts

Benoît Melançon

La scène se déroule dans le film La Cuisine rouge de Paule Baillargeon et Frédérique Collin. Après une bagarre, le gagnant force le perdant à répéter «Guy Lafleur est le plus grand de tous les Québécois.» L’affirmation est un brin exagérée, mais une chose est sûre : beaucoup d’artistes se sont inspirés du célèbre ailier droit des Canadiens de Montréal.

Éloge de la vitesse

Quelles sont les deux principales caractéristiques du jeu de Lafleur? La force de sa «frappe», dit le poète Bernard Pozier. L’allégresse de son coup de patin, selon l’essayiste Michel-Wilbrod Bujold. Certains ont le pied marin; Lafleur a le «pied patin».

Le peintre Benoît Desfossés rend bien cela dans son tableau «Le démon blond». On y voit Lafleur, cheveux flottants et bâton tendu, foncer droit devant lui. Voilà le «Flower Power» auquel on a si fortement associé Lafleur.

C’est aussi la vitesse qui intéresse Serge Lemoyne, qui a signé nombre d’œuvres picturales sur les joueurs des Canadiens durant les années 1970 et 1980. Trois mettent en scène Lafleur : «Le numéro 10», «Lafleur stardust», «Le cinquantième de Lafleur». Le blanc, le bleu et le rouge suffisent pour rendre la grâce aérienne du patineur.

Cette grâce, c’est aussi la chevelure au vent. Marie-France Bazzo résume excellemment l’image de Lafleur dans sa contribution au volume collectif Une enfance bleu-blanc-rouge : «Lafleur […] semblait aussi conscient de ses cheveux que de son coup de patin; homme préoccupé par ses extrémités.»

Chanter Ti-Guy

Parmi les créateurs, ce sont les musiciens qui se sont le plus approprié Guy Lafleur. Il existe au moins une quinzaine de pièces musicales où il apparaît. Il y en a pour tous les goûts, du jazz au classique, du rock au country.

Dans la plupart des cas, il ne s’agit que d’allusions, mais trois chansons sont entièrement consacrées à Lafleur.

En 1955, Oscar Thiffault chantait «C’est Maurice Richard qui est si populaire / C’est Maurice Richard qui score toul’temps.» Il recycle sa chanson en 1978, actualité oblige : «C’est Ti-Guy Lafleur qui est si populaire / C’est Ti-Guy Lafleur qui score toul’temps

Robert Charlebois, lui, rendra hommage au «Champion» en 1987, mais il s’inquiète pour son avenir : «C’est un play-boy, c’est une vedette / C’est un cow-boy dans l’jet-set.» Attention à la chute.

Plus récemment, André Brazeau a versé dans la nostalgie en ravivant ses souvenirs de «Ti-Guy». Le refrain est clair : «Moé j’m’ennuie de Ti-Guy Lafleur / Lui quand i jouait / I en avait du cœur.»

Les deux solitudes

Il n’y a pas que les francophones à aduler Lafleur. Dans la pièce de théâtre Life After Hockey de Kenneth Brown, on voit filer un joueur rapide comme un «coyote sauvage». Mordecai Richler, grand amateur de hockey, a un jour fait le portrait de Lafleur en homme solitaire, «presque mélancolique». Le poète Ken Norris («Guy Lafleur and Me») se sent vieillir au même rythme que son idole. Dans la série des «Carcajous» de Roy MacGregor, Lafleur fait une apparition remarquée dans Une dangereuse patinoire. On connaît surtout W.P. Kinsella pour ses textes sur le baseball, mais il a aussi écrit sur le hockey, et le chien de sa nouvelle «Truth» s’appelle… Guy Lafleur.

Cette forte présence de Lafleur sous la plume des écrivains anglophones a de quoi étonner. Les francophones paraissent préférer les biographies. La plus citée est celle de Georges-Hébert Germain. La plus récente (2010), celle de Christine Ouin et Louise Pratte, est destinée aux enfants.

Parmi les exceptions, on retiendra la nouvelle de science-fiction «Le fantôme du Forum» de Jean-Pierre April. À travers de fortes vapeurs éthyliques, on assiste à un match entre «six super-sosies de Guy Lafleur» et l’équipe des «Robots russes». Ouf : victoire in extremis de l’équipe «des Lafleur». On lira aussi avec étonnement les fragments de «La Bible de Thurso», dont François Hébert est l’exégète.

J’aurais voulu être un artiste

Depuis les années 1970, il est banal d’associer le sport et la culture. On entend partout que les grands sportifs sont de grands artistes. C’est vrai de Guy Lafleur sur la glace. Mais son intérêt pour l’art ne s’arrête pas là.

En 1979, il lance deux disques, l’un en français, l’autre en anglais, où, sur une musique disco, il psalmodie des conseils aux jeunes hockeyeurs. On ne peut pas savoir quels ont été les résultats pédagogiques de ces enregistrements. En revanche, ils ont leur place assurée au Temple de la renommée du psychotronisme.

Victor-Lévy Beaulieu s’était intéressé aux goûts esthétiques de Guy Lafleur dès 1972. Dans une entrevue du magazine Perspectives, on découvre ce que la recrue aime en matière de musique : Bach, Charles Mingus, Chantal Pary. On y apprend aussi qu’il tient un journal intime et qu’il écrit de la poésie. Lafleur le dit clairement : «Le hockey, pour moi, c’est une façon de m’exprimer, comme quelqu’un qui fait de la musique.»

On sait peu de chose des poèmes de Guy Lafleur. Perspectives en cite un : «Pardonne à la maison indiscrète / Qui durant ton absence / Est venue feuilleter ce cahier.» Il y en a un autre à la dernière page de la biographie de Lafleur par Georges-Hébert Germain, et c’est lui qui donne son titre au livre, L’ombre et la lumière.

En matière poétique, un happening tenu durant la première saison de Guy Lafleur avec les Canadiens (1971-1972) fait rêver. Serge Lemoyne, celui des œuvres tricolores, organise alors un événement intitulé «Slap shot». Au programme : peinture et poésie. Sur les murs : des Lemoyne, qui voisinent avec des textes de Claude Gauvreau, de Denis Vanier et de… Guy Lafleur. On a du mal, encore aujourd’hui, à imaginer cette rencontre de l’automatisme, de la contre-culture et du sport national.

La deuxième étoile

S’il fallait attribuer des étoiles aux joueurs de hockey devenus des icônes culturelles, la première n’irait pas à Lafleur, mais à Maurice Richard. Pourquoi le numéro 9 est-il plus populaire que le numéro 10 chez les artistes?

Contrairement au Rocket, le Démon blond a vécu presque toute sa vie sous l’œil inquisiteur des médias. On croit tout savoir de lui. Cette proximité a peut-être été un frein à l’imaginaire des créateurs francophones.

Il y a une autre raison, plus profonde. Si Maurice Richard a tant occupé les artistes, c’est qu’il y a eu dans sa carrière un moment déterminant : le 17 mars 1955, des milliers de Montréalais sont descendus dans la rue pour défendre leur idole, qui aurait été bafouée par les autorités de la Ligue nationale de hockey. Rien de tel pour Lafleur, pas de cataclysme fondateur.

Pour devenir «le plus grand des Québécois», il faut plus qu’un redoutable lancer frappé et que la «grâce artistique» chantée par Mes Aïeux.

Benoît Melançon est professeur à l’Université de Montréal. Il est l’auteur des Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle.

Décrispation

L’Oreille tendue fait de la langue son pain quotidien : dans ce blogue, mais aussi par des conférences et par des interventions médiatiques. Elle ne cesse d’être frappée par l’omniprésence de la crispation en matière linguistique au Québec, crispation publique et personnelle. Elle souhaite la combattre, mais elle se sent parfois bien seule. Puis elle lit des textes de son ami Pierre Nepveu.

Celui du 22 septembre 2012, par exemple, dans les pages du Devoir, «Langue. Au-delà du français menacé». Il y est question des langues de Montréal, la française évidemment, mais pas seule, et pas non plus dans un simple rapport conflictuel avec les autres, notamment l’anglais.

Loin de moi l’idée de prendre à la légère le sort et la vitalité du français québécois dans le contexte nord-américain que l’on connaît, mais nous avons l’urgent besoin d’un discours sur la langue qui ne soit pas purement comptable et alarmiste, qui prenne en charge, autrement que du bout des lèvres, la diversité et la richesse linguistique de Montréal : pluralité des langues (dont l’anglais), pluralité des français parlés, sans que l’on néglige pour autant l’objectif de la langue commune.

Ou celui qui vient de paraître dans le 300e numéro de la revue Liberté, «Une apologie du risque». Le point de départ n’est plus le contact des langues à Montréal — même si cette question est abordée en conclusion —, mais le rapport des écrivains québécois à leurs langues, l’artistique comme la commune.

Je dis que tout discours sur le français au Québec qui n’insiste que sur sa protection et sa conservation, qui ne la considère qu’en tant qu’indice de différence et de singularité, sans prendre acte de son renouvellement, de sa créativité, de sa porosité, de son aptitude à l’échange, a quelque chose de débilitant. Je dis que lorsque la crainte légitime de l’anglicisation tourne à une phobie nourrie par une méconnaissance profonde de la culture vivante et des pratiques très diverses (et souvent risquées) de la langue au Québec, la défense du français risque d’être stérile et de servir de repoussoir aux jeunes générations, comme le craignait déjà André Belleau dans son essai de 1983. […] Si on tient à ce que le Québec soit français (et inutile de dire que c’est mon cas), il faut assumer le fait que notre langue est à la fois menacée et vivante, fragile et dynamique, une et plurielle, et qu’elle ne peut pas être défendue au nom d’un certain intégrisme identitaire et d’une conception monologique de la culture (p. 9).

Le texte de Belleau auquel fait référence Pierre Nepveu est l’admirable «Pour un unilinguisme antinationaliste», auquel l’Oreille a emprunté sa devise : «Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler.»

Pareille volonté de décrispation du débat linguistique — celle de Nepveu comme celle de Belleau — est trop rare pour ne pas être saluée, particulièrement au moment de la sortie d’un film documentaire dont tout donne à penser qu’il diabolise la langue anglaise dans le Montréal d’aujourd’hui.

 

Références

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

Nepveu, Pierre, «Langue. Au-delà du français menacé», le Devoir, 22 septembre 2012.

Nepveu, Pierre, «Une apologie du risque», Liberté, 300, été 2013, p. 8-9. https://id.erudit.org/iderudit/69406ac