Du nouveau sous le soleil ?

Il y avait la musique néotrad, le néolibéralisme, la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique, le «style néo-Yo» (le Devoir, 15 octobre 2010, p. B10).

Il y a dorénavant le néorustique : «Le néo-rustique traverse les ponts» (la Presse, cahier Gourmand, 8 janvier 2011, p. 5).

On n’arrête pas le progrès, même s’il remonte le temps.

N.B. Le trad est une musique folklorique qui refuse de se dire telle. Elle se décline, au moins, en «Trad, néo-trad, trash-trad et trad trad» (le Devoir, 29 décembre 2003).

N.B. bis. La bible de l’Oreille tendue — le Girodet — le dit : «À l’exception de néo-calédonien néo-hébridais, néo-impressionnisme, néo-impressionniste, néo-zélandais, tous les termes en néo- s’écrivent maintenant en un seul mot, sans trait d’union […]» (p. 517). Elle a évidemment raison contre le Devoir et la Presse.

 

Références

Boulanger, Jean-Claude, «Un épisode des contacts de langues : la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique», dans Marie-Rose Simoni-Aurembou (édit.), Français du Canada – Français de France. Actes du cinquième Colloque international de Bellême du 5 au 7 juin 1997, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, coll. «Canadiana Romanica», 13, 2000, p. 307-324.

Girodet, Jean, Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, coll. «Les référents», 1988 (troisième édition), 896 p.

De l’art du rythme

Christian Gailly, Be-bop, éd. de 2002, couverture

Christian Gailly aime la musique, et celle des mots. (L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de citer un de ses portraits ici.) Il aime donc les rythmes. Exemples, tirés de Be-bop (1995).

Il peut s’agir de reprises de sonorités : «peu importe, revenons aux saints, s’il te plaît. Si c’est ou si ce sont des saints. Si si mais si ce sont des saints sinon, on ne voit pas pourquoi [etc.]» (p. 17).

La reprise peut être de mots complets : «Voilà voilà, dit Fernand. Il le dit deux fois, pas deux fois voilà, deux fois voilà voilà. Voilà-voila, voilà-voilà. Ça forme un rythme rappelant à Lorettu le début d’un mouvement d’un des quatuors médians de Beethoven, mais lequel ?» (p. 23).

Le rythme est itou affaire de ponctuation : «je suis musicien. Ah bon ? Dit le vieux. Il répète ah bon sur différents tons. Ah bon, ah bon. Ah bon. Ah bon ! Ah, bon» (p. 34).

Pour résumer : vive la variation.

Paul a du mal à se défendre contre une pensée relative à Psychose, le fils reproduisant la voix de la mère, le fils ayant tué mais bon. Le fils identifié ayant tué, mais bon. Le fils ayant tué, identifié pour que la mère mais bon. Le fils ayant tué parce qu’identifié mais bon. La mère ayant tué le fils parce que mais bon. Le fils se tuant en tuant la mère mais bref (p. 91).

Auraient-ils faim qu’ils n’auraient pas le temps de déjeuner. Ou plutôt, auraient-ils faim, ils n’auraient pas le temps de déjeuner (p. 125).

À lire avec les oreilles.

 

Référence

Gailly, Christian, Be-bop, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 18, 2002, 158 p. Suivi de le Swing Gailly par Jean-Noël Pancrazi. Édition originale : 1995.

Deux regrets

Être à la fois de l’islam et du Québec ? L’Oreille tendue aurait aimé inventer l’expression Québécois de souk, cette variété particulière du Québécois de souche. Cela a déjà été fait, notamment ici.

Pour tracer la généalogie imaginaire de ce Québécois de souk, il faudrait probablement remonter à l’arab’n’roll du Clan Murphy. Ce groupe québécois des années 1970 — une des pièces de leur album le Cœur et la raison (Polydor, 1976) s’appelait «Allah-Allah» —, est aujourd’hui bien oublié.

Le Clan Murphy, Le cœur et la raison, 1976, pochette

 

[Complément du 17 avril 2016]

Ajoutons à cette brève lignée les paroles suivantes, tirées de la chanson «Oasis 33» du groupe CQFD :

Ça m’a rappelé ma mère, sa logique binaire
«Range ton souk, sinon pas de désert»

 

[Complément du 6 août 2018]

Découverte du jour, via France Culture : le «Maroc’n’roll».

 

[Complément du 25 mai 2022]

Une autrice québécoise, hier, sur Twitter : «Abdelmoumen la Québécoise de souk va aller se coucher.»

Fredonner sans fin

Vous vous réveillez le matin avec un petit air en tête : Joe Dassin, Renée Martel, Stockhausen. Vous ne pouvez plus vous en défaire de toute la journée. Comment appeler cela ?

Monique Giroux, de Radio-Canada, proposait, à une certaine époque, chanson poison.

Sur le modèle de music worm, une fidèle lectrice de l’Oreille tendue, @PimpetteDunoyer, utilise ver sonore. Elle dirige ses lecteurs vers une bande dessinée en ligne, sur le blogue BD de cul, qui illustre bien l’affaire.

Quel que soit le terme retenu, une chose est sûre : c’est bien peu appétissant. Ça peut même être mortel.