Les sons de la famille Boulay

Le compositeur Pierre Boulez vient de mourir. Annonçant la nouvelle, le quotidien la Presse+ du jour commet toute une boulette.

«Boulay» pour «Boulez», la Presse+, 7 janvier 2015

La boulette est évidemment orthographique : Boulay pour Boulez.

Elle est cependant intéressante, en quelque déprimante sorte, sur le plan phonétique. Selon la Presse+, on ne dirait pas Boulaize, mais Boulai, voire Boulé.

Comme pour Les sœurs Boulay, auteures-compositrices-interprètes québécoises de leur état.

P.-S. — L’Oreille tendue s’en veut de ne pas avoir pensé à boulette quand elle a annoncé icelle sur Twitter. Sa collègue @LucieBourassa a eu l’oreille plus fine. Il est vrai qu’elle est mélomane, elle.

 

[Complément du 8 janvier 2015]

«Précision» parue dans la Presse+ du 8 janvier 2015

Cette «Précision», publiée dans la Presse+ du jour, devrait être, évidemment, un «Rectificatif».

Accouplements 39

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Hier soir, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — jouaient à Tampa Bay, contre le Lightning. (Ils ont — enfin — gagné.) Le responsable de la musique à l’Amalie Arena, en deuxième période, a fait tourner un extrait de «Radar Love» — oui, oui, la chanson de 1973 de Golden Earring.

Ce matin, l’Oreille lisait le plus récent recueil de textes de Roger Angell, This Old Man (2015) — oui, oui, le Roger Angell dont il était question ici l’autre jour. Dans un article de 1994, «Storyville», il raconte ce qu’est le travail d’éditeur de fiction à l’hebdomadaire The New Yorker. Il évoque alors le talent de Bobbie Ann Mason pour trouver le «down-home detail». Un exemple ? «[Her] people […] know that “Radar Love” is a great driving song» (p. 162).

Voilà une partie de l’adolescence de l’Oreille en quelques mots.

 

Référence

Angell, Roger, This Old Man. All in Pieces, New York, Doubleday, 2015, xii/298 p. Ill.

 

 

Décorons avec Ella

Meuble audio Ella Fitzgerald

C’était en 2013 : l’Oreille tendue consacrait une série de dix textes à Ella Fitzgerald, «Tombeau d’Ella». Depuis, elle se dit qu’elle devrait y revenir.

À défaut de le faire, elle pourrait revoir sa décoration intérieure. C’est le site Tom’s Style qui le lui fait penser : «“Ella” est le premier-né du mobilier Søbel créé par Digizik. Entre tradition et modernité, il s’agit d’un meuble audio vintage et connecté qui se veut un clin d’œil à la célèbre chanteuse Ella Fitzgerald.»

«Entre tradition et modernité» ? Un meuble «qui se veut» ? Ella ? L’Oreille n’en demandait pas tant.

 

[Complément du 8 octobre 2017]

Peut-on y brancher les écouteurs Ella ?

Écouteurs Ella, de chez Blue

Chronique musicale

Quand l’Oreille tendue était petite, cela s’appelait de la musique folklorique. Il était aussi question de folk (ce n’était pas seulement de la musique folklorique, mais c’était aussi cela).

Puis elle a appris que c’était devenu de la musique traditionnelle, du (de la ?) trad, celle-ci prenant plusieurs formes : «Trad, néo-trad, trash-trad et trad trad» (le Devoir, 29 décembre 2003).

Elle en découvre aujourd’hui une nouvelle : «Maître des instruments scandinaves, le musicien J.-F. Bélanger lance ces jours-ci Les vents orfèvres, un superbe disque de trad de chambre» (@louiscornellier).

 

[Complément du 9 octobre 2014]

Merci à @revi_redac d’élargir la culture musicale de l’Oreille en lui faisant découvrir l’électrotrad.

Affiche d’un spectacle d’électrotrad

 

Causons musique, comme

Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012, couverture

Il y a jadis naguère, une collègue, et néanmoins amie, de l’Oreille tendue s’interrogeait sur la popularité du bémol.

Je suis allée dans l’Oreille, pour voir si elle ne s’était pas tendue vers quelques bémols. (Le «bémol» tout seul a quelque chose de loufoque, m’enfin).
Je n’en ai pas trouvé.

Corrigeons la situation, car il est vrai que le mot est populaire. Exemples entre mille :

«Bémol sur les manques des universités» (la Presse, 26 mars 2014, p. A8).

«La victoire, mais un bémol» (la Presse, 24 décembre 2013, p. A1).

«Baseball avec bémol» (la Presse+, 14 décembre 2013).

«Toutefois, elle prit soin de mettre un bémol au portrait accompli que je traçais de cette femme inconnue» (Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, p. 131).

On ne s’étonnera pas (trop) de le trouver sous la plume de critiques musicaux.

«Ma recension à bémol léger du Maurane Live» (@_scorm).

«Dans une interview parue le jour même de la création attendue, Lefèvre avait loué la nouvelle œuvre en des termes dithyrambiques que le compositeur lui-même avait réduits d’un bémol» (la Presse, 16 juillet 2012, cahier Arts, p. 4).

À quoi sert-il ? À mettre de la distance. Qui formule un bémol pense nuance, restriction, différence, doute, voire désaccord.

Ce sens n’est pas recensé dans le Petit Robert (édition numérique de 2014), qui connaît les deux suivants : «Signe d’altération […] qui abaisse d’un demi-ton chromatique la note de musique devant laquelle, sur la ligne ou sur l’interligne de laquelle il est placé»; «Mettre un bémol : parler moins fort; radoucir son ton, ses manières; être moins arrogant, moins exigeant.»

Comment qualifier le bémol ?

Il y a le «grand bémol» (blogue Littéraires après tout, 7 septembre 2014).

Il y a son antonyme : «Mince bémol sur une riche inventivité» (le Devoir, 7-8 juin 2014, p. B2).

Il y a plus petit encore : «Nadine comprend sans le moindre microbémol le geste de l’actrice» (la Presse, 15 mai 2013, p. A6).

Quand on hésite, on peut dire «certain bémol» (Assieds-toi et écris ta thèse !, p. 75) ou «à quelques bémols près» (le Devoir, 2-3 novembre 2013, p. G3).

Quand on n’hésite pas, on peut les multiplier : «Immigration. Le paradoxe québécois. Derrière une apparente ouverture, beaucoup de bémols» (le Devoir, 6 décembre 2011, p. A1).

P.-S.—À l’émission le Masque et la plume (France Inter) du 21 septembre 2014, dans la bouche de Jérôme Garcin, ceci : «léger mébol».

P.-P.-S.—On sait que le mot peut s’accorder en nombre. En genre, c’est plus rare, Passion bémole étant peut-être la seule exception connue.

 

[Complément du 13 novembre 2014]

L’Oreille s’interroge. Si bémol signifie bel et bien nuance, restriction, différence, doute, désaccord, peut-on vraiment parler de «sérieux bémols» (la Presse+, 13 novembre 2014) ? N’est-on pas à la limite de l’oxymore ?

 

[Complément du 20 juillet 2024]

Vous avez une hésitation ? Surveillez le bémol.

«Premier week-end de la construction : un bémol à surveiller», application de MétéoMédia, juillet 2024

 

Références

Belleville, Geneviève, Assieds-toi et écris ta thèse ! Trucs pratiques et motivationnels pour la rédaction scientifique, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 125 p. Ill.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.