Les «mots en»

Depuis quelques semaines, il est beaucoup question, au Québec, du mot en n-. Cette forme d’euphémisation commence à fleurir dans d’autres domaines.

Le mot en a- : austérité (le Devoir, 14-15 novembre 2020, p. B5).

Le mot en s-: systémique, comme dans racisme systémique (le Devoir, 12 novembre 2020, p. A3).

Le mot en t- : torchon (le Québec maintenant, 98,5, 16 novembre 2020).

Le mot en t- : tramway (le Soleil, 10 novembre 2020).

À suivre. Tendons l’oreille.

 

[Complément du 28 novembre 2020]

Le mot en c- : curling («Estaben et son papa», épisode 131, 26 novembre 2020)

 

[Complément du 29 janvier 2021]

Le mot en s- : sauvageLes mots tabous, encore», la Presse+, 29 janvier 2021).

 

[Complément du 2 avril 2021]

Le mot en f- : frog (selon Jagmeet Singh, le chef du parti du Nouveau Parti démocratique du Canada, à l’émission de télévision Tout le monde en parle le 28 mars 2021).

 

[Complément du 17 avril 2021]

Le mot en b- : Bitche, ce village français dont Facebook n’aime pas le nom.

 

[Complément du 3 mai 2021]

Le nom en m- : Mozart (la Presse+, 3 mai 2021).

Le mot en o- (en anglais) : objective (The Conversation, 18 avril 2021).

 

[Complément du 11 mai 2021]

Le mot en c- : crise (le Devoir, 11 mai 2021).

 

[Complément du 14 mai 2021]

Le mot en m- : mongol (Twitter, 14 mai 2021)

 

[Complément du 17 mai 2021]

Le mot en i- : Indien (la Presse+, 15 mai 2021)

 

[Complément du 27 mai 2021]

Le mot en a- : AstraZeneca (Twitter, 27 mai 2021)

 

[Complément du 28 mai 2021]

Le mot en a- : apartheid (Twitter, 27 mai 2021)

 

[Complément du 31 mai 2021]

Le mot en r- : respect (Avenues.ca, 28 mai 2021)

Le mot en K- : knife (le Devoir, 29-30 mai 2021)

 

[Complément du 9 juin 2021]

Le mot en t- : terrorisme (la Presse+, 9 juin 2021)

Le mot en i- : islamophobie (la Presse+, 9 juin 2021)

 

[Complément du 16 septembre 2021]

Le mot en H- : Hachey (Twitter, 14 septembre 2021)

Le mot en i- : inflation (la Presse+, 16 septembre 2021)

 

[Complément du 17 septembre 2021]

Le mot en w- : woke (la Presse+, 17 septembre 2021)

 

[Complément du 19 octobre 2021]

Le mot en a- : aliens (Twitter, 12 octobre 2021)

Le mot en r- : racisme (Twitter, 10 octobre 2021)

 

[Complément du 23 novembre 2021]

Le mot en f- : fuck (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 3)

Le mot en f- : fif (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 18)

Le mot en t- : tapette (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 18)

Le mot en w- : woke (Twitter, 5 novembre 2021)

Le mot en n- : naïveté (Twitter, 22 novembre 2021)

Le mot en d- : décroissance (le Journal de Montréal, 23 novembre 2021)

 

[Complément du 30 novembre 2021]

Le mot en p- : pénurie (la Presse+, 26 novembre 2021 et 30 novembre 2021)

 

[Complément du 5 avril 2022]

Le mot en g- : génocide (la Presse+, 5 avril 2022)

Le mot en n- : nucléaire (la Presse+, 28 février 2022)

Le mot en p- : Palestine (la Presse+, 28 janvier 2022)

Le mot en f- : fucking (RDS, 15 décembre 2021)

Le mot en r- : reconstruction / rééquipement (retool) / réinitialisation (la Presse+, 20 janvier 2022)

Le mot en t- : tablette (la Presse+, 17 février 2022)

Le mot en p- : poutine (Twitter, 12 mars 2022)

 

[Complément du 21 juin 2022]

Le mot en f- : fuck (la Presse+, 9 juin 2002)

Le mot en s- : souverainiste (le Devoir, 11 juin 2022)

Le mot en d- : dynastie (la Presse+, 12 juin 2022)

Le mot en g- : génocide (la Presse+, 27 mai 2022)

Le mot en r- : racisme (le Devoir, 3 mai 2022)

Le mot en s- : séparatisme (le Devoir, 16-17 avril 2022)

Le mot en c- : cage à poule (Radio-Canada, 20 avril 2022)

 

[Complément du 4 septembre 2022]

Le mot en n- : nuance (la Presse+, 5 juillet 2022)

Le mot en r- : récession (la Presse+, 14 juillet 2022)

Le mot en d- : dopage (le Devoir, 16-17 juillet 2022, p. A10)

Le mot en p- : privé (le Devoir, 13 août 2022, p. B9)

Le mot en C- : Canadiens de Montréal (la Presse+, 13 août 2022)

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 19 août 2022)

 

[Complément du 5 septembre 2022]

Proposition pleine de bons sens de @machinaecrire sur Twitter.

Proposition de moratoire sur l’expression «mot en», Nicolas Guay, Twitter, 4 septembre 2022

 

[Complément du 13 décembre 2022]

Ni Nicolas Guay ni l’Oreille tendue n’ont été entendu(e)s.

Le mot en s- : systémique (Twitter, 16 septembre 2022)

Le mot en f- : farfelu (Tourniquet, 18 septembre 2022)

Le mot en f- : fédéraliste (le Devoir, 30 septembre 2002, p. A7)

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 18 novembre 2022)

Le mot en f- : fuck (Twitter, 26 novembre 2022)

Le mot en r- : récession (la Presse+, 9 décembre 2022)

 

[Complément du 16 janvier 2024]

Ça ne cesse pas de continuer.

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 11 janvier 2024)

Le mot en p- : plagiarism (The New Yorker, 5 janvier 2024)

Le mot en r- : récession (la Presse +, 3 janvier 2024)

Le mot en w- : windows (Mastodon, 2 janvier 2024)

Le mot en c- : capitalisme (le Devoir, 18 décembre 2023, p. B6)

Le mot en f : fuck (Twitter, 6 décembre 2023)

Le mot en t- : tourtière (Twitter, 3 décembre)

Le mot en d- : démission (le Devoir, 11 novembre 2023)

Le mot en s- : sous-estimé (la Presse+, 10 novembre 2023)

Le mot en a- : austérité (le Devoir, 7 novembre 2023)

Le mot en f- : fusion (la Presse+, 24 octobre 2023)

Le mot en c- : caca (Twitter, 18 octobre 2023)

Le mot en s- : séries (éliminatoires) (la Presse+, 13 septembre 2023 et 15 avril 2023)

Le mot en p- : playoffs (la Presse+, 11 septembre 2023)

Le mot en r- : reconstruction (la Presse+, 15 août 2023)

Le mot en m- : mère-porteuse (le Devoir, 2 juin 2023)

D’où le mot en p- : poncif (Mastodon, 2 juin 2023)

Le mot en w- : woke (le Devoir, 10 mai 2023)

Le mot en h- : hit (le Devoir, 12 avril 2023)

Le mot en r- : rectum (Twitter, 31 mars 2023)

Le mot en s- : smicard (Twitter, 22 mars 2023)

Yé-yé ? Yé !

Jukebox, documentaire, 2020, affiche

L’Oreille tendue, même si elle arrive de moins en moins à le croire, a déjà été jeune. Grandissant au cours des années 60 — des années 1960 —, elle a été exposée à la culture yé-yé du Québec. Elle a retrouvé cette culture avec ravissement dans le documentaire Jukebox (2020) de Guylaine Maroist et Éric Ruel, avec la collaboration de Sylvain Cormier au scénario. Ses sources conjugales avaient raison de le lui recommander.

Le film met en lumière le rôle central du producteur Denis Pantis dans cette culture, en recueillant ses souvenirs et en faisant défiler autour de lui quelques-uns de ses collaborateurs et des artistes qu’il a propulsés au sommet des palmarès (en leur laissant bien peu de marge de manœuvre et bien peu de temps pour réfléchir : tout devait aller vite pour lui). Jusqu’à aujourd’hui, Pantis n’était guère connu que des spécialistes de la musique des années 1960 et 1970; ce film va changer les choses.

Outre Pantis, on entend chanter Les Classels («Ton amour a changé ma vie»), Les Baronets («Est-ce que tu m’aimes ?»), Les Miladys («Sugar Town»), Les Bel Cantos («Découragé»), Robert Demontigny («Un baiser de toi»), d’autres encore. L’Oreille avoue avoir découvert l’existence de Goliath et les Philistins et d’Ali Baba et les 4 voleurs, mais elle n’avait pas oublié César et les Romains («Splish Splash»).

Les témoignages sont nombreux : Michel Constantineau, Ginette Laterreur, Pierre Trudel, Renée Martel («Liverpool»), Bruce Huard (celui des Sultans), Michèle Richard (qui fait un assez étonnant numéro, y compris quand elle refuse d’aborder certaines questions), etc. On voit combien la culture yé-yé québécoise était marquée par son rapport aux États-Unis : Pantis y trouvait la plupart des chansons qu’il adaptait aux goûts supposés de son public pour les transformer en succès éphémères; c’est là-dessus que son industrie — et c’en était une — était fondée.

Le montage marie admirablement des images d’actualité et d’autres venues des productions de l’Office national du film du Canada. Jukebox est un bonheur pour les yeux comme pour les oreilles.

Disons-le tout net : l’Oreille a chanté.

P.-S.—S’il fallait adresser un reproche au documentaire, c’est sa fin abrupte : on aurait aimé en savoir plus sur Pantis après l’arrivée du cédérom (1985) et la disparition du 45-tours. On ne boudera pas son plaisir pour autant.

P.-P.-S.—Allez voir le site du film : il y a à boire et à manger.

Deux amours

Scène du film les Fausses Confidences de Luc Bondy (2016)

Vendredi dernier, sur la chaîne L’histoire nous le dira de Laurent Turcot, l’Oreille tendue présentait son dramaturge préféré, Marivaux.

Par la suite, sur Twitter, Luc Jodoin a écrit ceci :

 

Intriguée, l’Oreille est allée voir le film de Luc Bondy (2016), inspiré de sa mise en scène de 2014 des Fausses Confidences, avec la collaboration de Geoffrey Layton au scénario.

Personne ne lui avait dit qu’à la fin du film on entend un extrait de «All Through the Night», dans l’interprétation d’Ella Fitzgerald (The Cole Porter Songbook, 1956, vol. 1).

Marivaux et Ella : l’Oreille ne se peut plus.

P.-S.—Le film ? Charmant dans l’ensemble. Décors magnifiques : le film a été tourné à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, sauf pour une scène aux Jardins du Luxembourg, qui sont tout à côté. Intrigue plus emberlificotée à l’écran que dans le souvenir de l’Oreille. Une délicieuse Marton, jouée par Manon Combes. Une coupe de cheveux bien étrange, celle d’Yves Jacques interprétant Dubois. Plus d’amour que d’argent.

Faire voir Ella     

Ella Fitzgerald. Les sessions photographiques de Jean-Pierre Leloir, 2019, couverture

Jean-Pierre Leloir (1931-2010) était photographe. Accompagné de sa femme Arlette, il aimait saisir le monde du spectacle, notamment celui du jazz, particulièrement celui d’Ella Fitzgerald. Il conservait ses agendas et il classait avec soin ses photos; il y avait de l’archiviste en lui. Il aimait le noir et blanc, mais pas que.

Ses Sessions photographiques consacrées à la First Lady of Song et à ses musiciens, que rassemblent les éditions Glénat dans un album de grand format (27,5 cm par 33), sont splendides. Des années 1950 à novembre 1980, il a photographié Ella Fitzgerald dans ses tournées européennes, d’abord en France (Paris, Antibes Juan-les-Pins, Cannes, Grenoble, Nice). Prenez la photo de la page 115, au Théâtre des Champs-Élysées, le 20 mars 1965 : Fitzgerald porte une perruque blonde, pour honorer la mémoire de Dinah Washington (p. 58), les yeux fermés, la bouche ouverte, le visage couvert de sueur, le micro à bout de bras; c’est la même Ella Fitzgerald et une autre.

Certaines photos de Leloir seront reprises sur des pochettes, Ella & Duke at The Côte d’Azur (p. 138-139) ou Ella Fitzgerald. The First Lady of Song. Vol. I (p. 164-165). Le photographe savait s’approcher de ses sujets au plus près, qu’il s’agisse d’Ella Fitzgerald ou de Duke Ellington. L’album est précis, et rondement mené, sur la carrière de Fitzgerald; s’agissant de Leloir, le texte aurait pu être plus détaillé. On aurait aimé en savoir plus, devant un œil si pénétrant.

Le parcours proposé par Jean-Michel Boissier dans ses textes est chronologique, interrompu par de courtes proses explicatives : sur «La révolution du microsillon» (p. 22), sur le scat (p. 86), sur la différence entre l’oreille absolue et l’oreille relative («elle a l’oreille relative absolue», p. 172).

Le fan d’Ella Fitzgerald est ravi.

P.-S.—On doit aussi à Jean-Pierre Leloir des Sessions photographiques consacrées à Miles Davis (2018).

P.-P.-S.—Un esprit tatillon, l’Oreille tendue, par exemple, pourrait demander aux concepteurs de l’ouvrage si, page 69, la photo représente bel et bien Oscar Peterson. Le pianiste qu’on voit sur la photo n’est-il pas blanc, contrairement à Peterson ?

 

Référence

Ella Fitzgerald. Les sessions photographiques de Jean-Pierre Leloir, Grenoble, Glénat, 2019, 191 p. Textes de Jean-Michel Boissier. Préface de Marion Leloir.