Le zeugme du dimanche matin et de Tristan Saule

Tristan Saule, Jour encore, nuit à nouveau, 2023, couverture

«OK, comme tu veux, dit Fabian, laissant Loïc avec son mensonge et son sandwich, dont on se demande bien où il va le manger.»

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Jour encore, nuit à nouveau. Roman. Chroniques de la place carrée. III, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 04, 2023, 293 p., p. 84.

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Tristan Saule

Tristan Saule, Jour encore, nuit à nouveau, 2023, couverture

«Au feu rouge, il s’assied sur le banc, dos au massif de fleurs et au parterre de gazon qui embellissent ce carrefour passant où des semi-remorques freinent et redémarrent dans un grondement assourdissant. Loïc n’y prête pas attention. Les voix ne s’arrêtent pas. Il lui suffit de tendre l’oreille et d’écrire» (p. 63).

«Loïc gare sa Golf dans la cour des parents. Le bruit des roues dans les gravillons l’apaise. Quand il sort de l’habitacle, il sent l’odeur des vaches, de leur bouse, qui fait enrager les Parisiens, et que ceux qui vivent ici ne sentent même plus. Il tend l’oreille machinalement. Quand il était enfant, le grésillement de la trayeuse était comme une horloge. Quand il se taisait, c’était l’heure de rentrer. Aujourd’hui, si la trayeuse ne fait plus de bruit, c’est parce que les voisins ont cessé d’élever des vaches laitières. Ils avaient une cinquantaine de têtes, pas assez pour que ce soit rentable, avec le cours des prix du lait. Ils se contentent des céréales» (p. 145-146).

«Plusieurs fois, Loïc a demandé au docteur Somard et à Nini s’ils avaient des nouvelles de Cloque. Ils n’en avaient pas. Tous deux lui conseillaient de cesser de penser à cet individu, de se concentrer sur lui-même, sur sa propre guérison. Loïc a dit : “Oui.” Loïc a dit : “D’accord.” Mais le soir, dans sa chambre, Loïc tend l’oreille, il pose sa main bien à plat sur la cloison et écoute. Peut-être qu’on lui ment» (p. 293).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Jour encore, nuit à nouveau. Roman. Chroniques de la place carrée. III, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 04, 2023, 293 p.

 

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.

Faune urbaine

Il fut un temps où l’on parlait des clochards, des mendiants ou des vagabonds. Au Québec, il y avait aussi des robineux, ce qui supposait quelque imbibition.

En France, on parle désormais plus volontiers du S.D.F., le sans domicile fixe, cette «Personne démunie qui n’a pas de logement régulier» (dixit le Petit Robert).

Au Québec, S.D.F. est peu utilisé; on lui préfère d’autres termes.

Le sans-abri, l’itinérant ou le sans-logis est l’équivalent du S.D.F. : «Personne qui n’a pas de logement fixe» (selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française). Il se tient, à Montréal, une Nuit des sans-abri et les itinérants ont leur magazine, l’Itinéraire.

Le squeegee n’a pas non plus de domicile fixe, mais c’est son activité «professionnelle» qui le caractérise. C’est un jeune entrepreneur spécialisé dans le récurage inopiné des pare-brise (contre rétribution).

Selon la Presse vient d’apparaître un nouveau mot pour désigner cette espèce, mais en sa variante saisonnière et montréalaise : crevette.

Pourquoi nomme-t-on «crevettes» les jeunes qui choisissent de vivre dans les rues ou les parcs de la métropole en période estivale ? Personne ne saurait vraiment le dire. Mais dans le milieu, ce terme a été adopté pour désigner des jeunes, souvent des mineurs, provenant parfois de milieux aisés. Venus chercher «l’expérience» de la rue, ils adoptent un style vestimentaire marginal. Certains lavent des pare-brise, d’autres quémandent pour vivre. Lorsque les premiers signes de la belle saison se font voir, ils convergent au centre-ville. Si certains sont des régions du Québec ou de la métropole, d’autres viennent d’aussi loin que Vancouver, Halifax, Toronto ou les États-Unis (29 juillet 2009, p. A3).

L’activité de ce «jeune de la rue» ? «Du tourisme sans abri» ou du «Camping urbain». Si le journal le dit, ce doit être vrai.

 

[Complément du 21 mai 2016]

À cela, il fallait un autre substantif :

 

[Complément du 24 septembre 2024]

Dans son roman Petite-Ville (2024), Mélikah Abdelmoumen parle des «sans-maisons» (p. 75) ou des «gens sans maison» (p. 81).

 

Référence

Abdelmoumen, Mélikah, Petite-Ville, Montréal, Mémoire d’encrier, 2024, 290 p.