Beauté du mais

Daniel Grenier, Malgré tout on rit à Saint-Henri, 2012, couverture

Certains ont le mais sexiste, par exemple au XVIIIe siècle : «Mais, mais….. oh ! voilà le mais éternel des jolies femmes, & des Auteurs» (la Manie des arts, p. 43-44); «Mon Frere est comme les femmes, il a toujours en réserve un perfide mais» (la Cinquantaine dramatique, p. 24).

En revanche, d’autres ont le génie du mais.

C’est le cas de P. Landry.

Ou de Daniel Grenier : «On leur avait fait comprendre que ce niveau de français était excellent mais inacceptable et que des cours offerts par le ministère de l’Immigration étaient souhaitables mais obligatoires» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 113).

 

[Complément du 23 juin 2016]

L’Oreille tendue a consacré un court article à la Cinquantaine dramatique dans le dossier «Enquête sur les voltairiens et les anti-voltairiens (XI). Coordonnée par Gérard Gengembre» des Cahiers Voltaire, 11, 2012, p. 217-220.

 

Références

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

La Cinquantaine dramatique de M. de Voltaire, suivie de l’Inauguration de sa statue, intermède en un Acte, orné de Chants & de Danses, par l’Auteur du Poeme du Luxe, Aux Fossez; et se trouve à Paris, Chez Durand, Libraire, rue Galande, Despilly, Libraire, rue S. Jacques, 1774, 68 p. Texte d’Alexandre-Jacques Du Coudray.

Rochon de Chabannes, la Manie des arts, ou la Matinée à la mode, comédie en un acte et en prose, Paris, Sebastien Jorry, 1763, 66 p.

Les zeugmes de Raymond Bock et du dimanche matin

Raymond Bock, Atavismes. Histoires, 2011, couverture

«La césure s’était faite d’elle-même : les chercheurs d’or bien portants barricadés dans le pavillon du bas, près de la grande rivière; ceux qui restaient, dans le pavillon du sommet, errant de-ci de-là dans les bois adjacents, attrapant des lièvres et des poissons les jours de chance, la crève et la diarrhée le reste du calendrier» (p. 78).

«Si l’homme repasse comme il l’a promis, ils pourront revenir à la maison et peut-être à la normale» (p. 109).

Raymond Bock, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Des ursidés sonores

Samuel Archibald, Arvida, 2010, couverture

Le Petit Robert (édition numérique de 2010) donne la prononciation «ourss» et «ourss brun» (mais on pourrait aussi, semble-t-il, dire «ourz brun»), sans distinguer la prononciation au singulier de celle au pluriel.

Claude-Henri Grignon et Albert Chartier, dans leur Séraphin illustré (2010), préféraient «Un ourre !» (p. 74). Ils rejoignaient par là Léandre Bergeron qui, dans son Dictionnaire de la langue québécoise (1980), classait les ursidés à «our» et non à «ours» (p. 357). (À «ours», il est plutôt question de l’«Organe sexuel féminin».)

Pour les personnages d’Arvida (2011) de Samuel Archibald, c’est plus complexe : «On prononçait à l’envers sur les terres du Seigneur. On disait un our et des ourses» (p. 136). Mais «à l’envers» de qui ?

 

[Complément du 23 février 2012]

Compliquons un peu les choses en citant deux vers d’une comédie de 1784, le Concours académique, signée par Cubières de Palmézeaux :

«Ses dehors sont peu doux ainsi que ses discours.
Il a beaucoup moins l’air d’un homme que d’un ours» (acte I, scène III, p. 226).

 

[Complément du 26 août 2014]

S’il faut en croire le journaliste Jean-François Nadeau, les étudiants de la Faculté de droit de l’Université Laval (Québec) ont trouvé une solution à cette question. En période d’initiation — de bizutage —, ils sont forcés de chanter «Cours avant qu’t’je fourre avec ma grosse graine d’ours» (le Devoir, 25 août 2014, p. A3). La rime ne saurait mentir.

 

[Complément du 14 février 2016]

«Le chum à Chabot», le personnage créé par Fabien Cloutier, dans son spectacle Scotstown, choisit lui aussi our (DVD, 2015, 4e minute).

 

[Complément du 14 février 2016, bis]

Autre occurrence, en chanson cette fois, gracieuseté de @revi_redac : «On a essayé l’tunnel d’amour, fait noir comme dans l’cul d’un ours» (Richard Desjardins, «Kooloo Kooloo»).

 

[Complément du 12 février 2017]

Et vous, comment prononceriez-vous ceci : «Retour aux ours» (Autour d’Éva, p. 390) ?

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Cloutier, Fabien, Scotstown et Cranbourne, Montréal, TVA Films et Encore management, DVD, 2015.

Cubières de Palmézeaux, le Concours académique, ou le Triomphe des talents, dans Théâtre moral ou pièces dramatiques nouvelles, Paris, Belin, Veuve Duchesne et Bailli, 1784, tome premier, p. 197-327.

Grignon, Claude-Henri et Albert Chartier, Séraphin illustré, Montréal, Les 400 coups, 2010, 263 p. Préface de Pierre Grignon. Dossier de Michel Viau.

Hamelin, Louis, Autour d’Éva. Roman, Montréal, Boréal, 2016, 418 p.

Péril en la demeure ?

On s’inquiète périodiquement de la place du français à Montréal. Un article du Devoir du 28 décembre (p. A2) laisse croire qu’il y a peut-être plus d’espoir qu’on ne le dit généralement.

Dans la nuit du 26 au 27, à Pointe-aux-Trembles, à l’extrémité est de l’île, un incendie a endommagé ce que ses utilisateurs appellent «un lieu d’activités socioculturelles où l’on prie aussi». Le journal, plus simplement, parle de «mosquée».

Le président du «centre», Abdelrhaffar Naim, raconte : «Nous avons vu la boucane monter et nous sommes sortis.»

Parler de boucane, au lieu de fumée, dans une mosquée montréalaise : tout n’est peut-être pas perdu. La langue populaire pénètre partout.

 

[Complément du 13 mars 2024]

Il fut un temps, dans l’histoire linguistique du Québec, où ce mot n’allait pas de soi. C’est le cas chez André Belleau en 1971 : «On était revenu vers le centre par la Côte-des-Neiges. En bas, toutes blanches au-dessus du fleuve, les fumées — j’aimerais dire les boucanes — de Montréal grimpaient puis s’ouvraient comme de grands palmier» (p. 5).

 

Référence

Belleau, André, «Discours de Marcel Duchamp ivre sur la condition des filles du boulevard Saint-Laurent», Liberté, 76-77 (13, 4-5), décembre 1971, p. 5-10. Repris dans Montréal en prose. 1892-1992. Anthologie présentée par Nathalie Fredette, Montréal, l’Hexagone, coll. «Anthologies», 5, 1992, p. 288-294. https://id.erudit.org/iderudit/30676ac