Les amis de ses amis

La moitié de la progéniture de l’Oreille tendue vient de s’inscrire à Facebook. Que faire de ceux qui décident de devenir son ami ? Il faut les adder (to add), ou pas. Mince consolation : cela aurait pu être friender.

La chasse (assistée) est ouverte

Il y a presque un an, le 22 septembre 2009, l’Oreille tendue se posait la question suivante : «Mais comment reconnaître un cliché ?» Réponse d’alors : «En consultant le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche.»

Réponse d’aujourd’hui, qui n’annule pas la première : en utilisant le logiciel Lâche ton poncif, gracieuseté du site OWNI, «Une idée R89 [Rue 89] et @alertecliche». Rien de plus simple : vous tapez l’URL d’un média et le logiciel vous crache les résultats chiffrés de sa chasse aux clichés.

(Les lecteurs de ce blogue sont invités à insérer dans le logiciel l’adresse oreilletendue.com. Ils seront rassurés.)

Dans la langue de Bill Gates, le site Unsuck-It, lui, offre un double service.

Soit vous y inscrivez une expression venue du jargon des affaires («terrible business jargon») et le logiciel vous la traduit en langage courant, en plus de vous offrir un exemple de phrase utilisant cette expression. Exemple : dans «Because of market attrition and revenue shortfalls, your department will be downsized», downsized signifie «Layoffs or firings». Bref, vous êtes congédié.

Soit le logiciel vous propose sa propre expression à contextualiser et à traduire, nouvelle à chaque fois que vous accédez au site.

Utile — dans les trois cas.

Pendant que nous y sommes, un brin d’Henri Calet, celui d’Acteur et témoin : «Ce dégoût des lieux communs… Un lieu commun ne l’a pas toujours été. À l’origine du langage, il n’existait pas de lieux communs, mais rien que des mots à l’état naturel, de grandes troupes de mots sauvages. Aujourd’hui, chacun doit tous les jours réinventer un langage qui n’aurait servi à personne» (p. 238).

 

Référence

Calet, Henri, Acteur et témoin, Paris, Mercure de France, 1959, 253 p.

Tabarnac ? Tabarnac !

Application Tabarnac !, écran d’accueil

L’Oreille tendue aime beaucoup sacrer, et sacrer beaucoup. Elle se targue d’un répertoire étendu de jurons, dans lequel tabarnac/k et ses variantes occupent la place d’honneur.

L’Oreille tendue aime les dictionnaires, en papier et en numérique, de toutes les variétés de français.

L’Oreille tendue aime Apple, ses ordinateurs, ses iPods, ses iPhones, son iPad.

Elle ne pouvait donc qu’être attirée par Tabarnac !, le dictionnaire numérique français du Québec / français hexagonal disponible sur l’App Store. (Selon la fenêtre où on se trouve, on voit aussi Tabarnac, sans point d’exclamation.)

Déceptions.

Déception typographique. Chaque apostrophe est précédée d’une espace : «d’accord» devient «d ’accord».

Déception graphique. Certaines définitions débordent du cadre de l’écran du iPhone et sont illisibles.

Déception orthographique. Le pluriel demande le s dans «ses responsabilité». En revanche, ce s ne devrait pas apparaître dans «sois-même» ou dans «sacrer son camps». L’«air d’aller» est une «erre». Il est le plus souvent préférable de «prendre le mors aux dents», plutôt que «le mort».

Déception de la nomenclature, enfin et surtout. Elle compte environ 240 mots; ce n’est pas beaucoup. C’est encore moins quand on s’aperçoit qu’il y a quatre entrées au mot gras, mais pour une seule définition, et que les mots commençant par c et par j apparaissent à leur place dans l’ordre alphabétique, puis de nouveau après la lettre z. Il faut de l’imagination pour découvrir que l’entrée «Sulption» renvoie à l’expression «sul ’piton» et «Wague», à «waque» (cri). À «charge», on lit «combien tu prend» (sans s) à côté d’une fleur de lys, et «combien tu prend» (toujours sans s) à côté d’un drapeau de la France, alors que ce devrait être l’inverse. Il vaut mieux ne pas confondre «crouser» («faire la cour») et «creuser» une fille (parfois appelée «chicks», au pluriel, même s’il n’y en a qu’une, parfois «chique», ce qui est plus dur à avaler). «Mornifle» et «couper les cheveux en quatre», pour prendre deux exemples au hasard, sont au Petit Robert; pourquoi les mettre ici ? Le logiciel s’appelle Tabarnac !, mais la nomenclature préfère Tabernac. Enfin, l’Oreille avoue avoir ignoré jusqu’à ce jour qu’un «coupe crotte» était un string, que «câler l’orignal» supposait un vomissement et qu’avoir «ses embacles [sans accent circonflexe] de lady» signifiait «avoir ses règles».

La définition de crouser dans l’application Tabarnac !

Trois remarques pour conclure.

On peut voter pour chaque définition, entre «C’est l’fun !» et «C’est plate !». C’est une catégorie de trop.

L’équipe qui revoit les logiciels soumis au App Store a retardé le lancement de Tabarnac ! Pas assez.

C’est bien ce qui s’appelle «Butcher son travail» (que l’on doit prononcer «Botcher», ce que ne dit pas le logiciel), soit «Faire un travail avec négligence». Tabarnac ! coûte 0,99 $. Ça ne les vaut pas.

P.-S. — L’Oreille tendue a assisté hier à la conférence d’Artiom Koulakov sur les jurons québécois qui précédait la pièce Sauce brune de Simon Boudreault à l’Espace libre et elle a suivi les conseils placardés sur les murs : elle a acheté «Le tabarnak de livre», le texte de la pièce. (Ce qu’elle a pensé de tout ça ? Ce sera pour demain.)

Mot-valise du jour

Pour des raisons inexplicables, Apple a des détracteurs, permanents ou temporaires. Ils viennent de trouver une nouvelle façon de s’en prendre à la Pomme, en rebaptisant la compagnie Appholes (Apple + assholes). Le mot viendrait de Jon Stewart dans son émission télévisée, The Daily Show, du 28 avril.

L’Oreille tendue admire la création, mais elle compatit (presque) avec la victime (un tout petit peu).