«Je ne sais pas s’il y a de l’angoisse dans mon carnet. Je dirais plutôt qu’il y a de l’inquiétude. Je suis inquiète, toujours inquiète, aux aguets, par rapport à l’avenir, par rapport à ce qui peut nous tomber dessus. C’est une forme d’écoute du monde, des autres. Je suis une oreille tendue, oui, très tendue» (Catherine Mavrikakis, entrevue par Dominique Lemieux, les Libraires, 14 septembre 2010).
L’oreille tendue de… André Belleau
«Si on mettait bout à bout toutes les grossièretés, en oubliant le reste, on finirait par dessiner, au tableau noir, un corps caractérisé par une excroissance prodigieuse du nez, une ouverture abyssale de la bouche et un gonflement énorme de l’étage corporel inférieur. Et ce corps serait dépourvu d’yeux parce que ceux-ci individualisent, renvoient à une singularité. Le regard, reflet de l’intérieur, la vision introspective viendront plus tard avec la littérature bourgeoise. Le corps grotesque se signale au contraire par l’hypertrophie des organes de relation au monde : l’oreille que l’on tend, le nez qui hume.»
André Belleau, Notre Rabelais, «Présentation» de Diane Desrosiers et François Ricard, Montréal, Boréal, 1990, 177 p., p. 35.
L’oreille tendue de… Gilles Marcotte
«Parfois je crois entendre, venant de sa chambre, quelque chose qui ressemble à de la musique mais j’ai beau tendre l’oreille, me concentrer à l’extrême, je ne parviens pas à décider si c’est classique ou romantique, dodécaphonique ou simplement atonal, et d’ailleurs comment ferait-il jouer de la musique ?»
Gilles Marcotte, «S.», dans la Vie réelle. Histoires, Montréal, Boréal, 1989, 235 p., p. 193-213, p. 201.
L’oreille tendue de… Olivia Rosenthal
«Il y a autour de moi des objets, je crois qu’ils m’étaient familiers mais ils ne me disent rien, ne me parlent plus. J’ai beau tendre l’oreille pour écouter ce qu’ils murmurent, je ne les entends pas. Je crois que je deviens sourd, c’est cela, je deviens sourd.»
Olivia Rosenthal, On n’est pas là pour disparaître, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 4890, 2007, 235 p., p. 20.
L’oreille tendue de… Georges Perec
«Tu as beau écouter, tendre l’oreille, l’appliquer contre la cloison, finalement, tu ne sais presque rien. Il semble que plus la précision de ta perception augmente, plus la certitude de tes interprétations diminue.»
Georges Perec, Un homme qui dort, Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1110, 1976, 181 p., p. 158. Édition originale : 1967.