La tendance s’est maintenue

Le 7 septembre, l’Oreille tendue s’amusait à rassembler les détestations des uns et des autres en matière de langue. Parmi celles-ci, sans y réfléchir plus avant, elle avait inclus le mot épique.

Le jour même, @OursAvecNous lui faisait parvenir la photo suivante.

Un solde épique ?

 

Depuis, l’Oreille voit le mot partout. Trois exemples.

Dans la Presse du 20 septembre : «Des patients victimes d’une dispute épique entre médecins» (p. A19).

Dans celle du 25 : «Dans un texte épique publié dans le Devoir samedi […]» (p. A16).

Hier, sur Twitter : «À voir- prendre le bus: c’est vraiment, vraiment cool / Bus épique?»

C’est bien comme s’il y avait là une tendance, et qu’elle se maintenait.

P.-S.—Consciencieuse, l’Oreille se promet de lire le roman Épique (Montréal, Marchand de feuilles, 2010) de William S. Messier.

 

[Complément du 30 octobre 2021]

C’est fait.

 

[Complément du 11 juillet 2023]

En chanson ? Bien sûr, chez Les Cowboys fringants, avec «Épique Éric» (2020).

Montée de lait du début de semaine

Charentaises et pyjama, l’Oreille tendue sort sur son balcon, en un doux samedi de novembre, en quête de son Devoir. Elle jette un coup d’œil aux grands titres, et elle a une montée de lait.

(Que les lecteurs non autochtones soient informés : la montée de lait québécoise désigne un état subit d’indignation. Qui a une montée de lait est offusqué, d’un coup, et le fait savoir, haut et fort.)

Pourquoi cette réaction de l’Oreille (un brin excessive, elle n’en disconvient pas) ? Parce qu’elle vient de lire le titre suivant, en haut de la première page : «Fred Pellerin, le dernier des Québécois ?» Que lui reproche-t-elle ? Ce qu’il laisse entendre implicitement du Québec.

D’une part, elle lui reproche de cultiver ce vieux discours canadien, puis canadien-français, avant d’être québécois, celui de la menace d’extinction des habitants du Québec, pauvre petit peuple / État / nation / province menacé(e) par les autres. Des curés du XIXe siècle au documentaire Disparaître de Lise Payette (1989) en passant par l’analyse répétée (et contradictoire) des données démolinguistiques montréalaises, la rengaine est toujours la même : on veut nous rayer de la carte. Si Fred Pellerin risque d’être le dernier des Québécois, c’est bien que les autres seraient en voie de disparition, non ?

D’autre part, de renvoyer à une définition essentialiste du «Québécois». Pourquoi «le Québécois» serait-il un conteur folklorique né à l’extérieur de Montréal ? Si on veut que le dernier spécimen autochtone de l’espèce en voie d’extinction vienne des «régions», pourquoi ne s’agirait-il pas plutôt d’une jeune fille née en Thaïlande et élevée dans le Bas-du-Fleuve, passionnée par Twilight ? On pourrait même imaginer ce spécimen — pourquoi pas ? — sous les traits d’un quinquagénaire montréalais (presque) chauve et non nationaliste, plus porté, en matière de culture, sur la Malaisie que sur Saint-Élie-de-Caxton. Certains Québécois seraient-ils plus «authentiques» que d’autres ?

L’Oreille n’a pas lu l’article coiffé de ce titre. À chaque jour suffit sa montée de lait.