Chantons le hockey avec Pierre Létourneau

Pierre Létourneau, «Maurice Richard», pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Pierre Létourneau, «Maurice Richard», 1970

 

Quand sur une passe de Butch Bouchard y prenait le puck derrière ses goals
On aurait dit qu’y portait le sort de tout l’Québec sur ses épaules
Pardonnez-moi si aujourd’hui j’vous en parle comme si y était mort
C’est qu’il était toute ma vie sous son chandail tricolore
C’est qu’il était toute ma vie sous son chandail tricolore

Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante
Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante

S’il voulait vaincre tous les records de ce fameux grand Canadien
Je vous assure que Bobby Orr f’rait mieux d’aiguiser ses patins
Ô mon Maurice ô mon idole ô mon numéro neuf en or
Sans toi mes samedis sont si dull que j’m’ennuie, je m’couche pis j’m’endors
Sans toi mes samedis sont si dull que j’m’ennuie, j’m’couche pis j’m’endors

Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante
Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante

Aujourd’hui derrière ton cigare perdu dans tes pantoufles de laine
Tu fais semblant d’vivre à l’écart de cette gloire qui fut la tienne
Mais je sais que sans aucun doute tu t’ennuies de plus en plus fort
Des quinze mille spectateurs deboutte au moind’body check de ta part
Des quinze mille spectateurs deboutte au moind’body check de ta part

Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante
Mau-rice Rich-ard-ard-ard c’est pour toi que je chante

Mau-rice Ri-chard
Mau-rice Ri-chard

 

P.-S.—Paroles traduites dans I. Sheldon Posen, «Sung Hero : Maurice “The Rocket” Richard in Song», dans Martin Lovelace, Peter Narváez et Diane Tye (édit.), Bean Blossom to Bannerman, Odyssey of a Folklorist : A Festschrift for Neil V. Rosenberg, St. John’s, Memorial University of Newfoundland, coll. «Folklore and Language Publications», 2005, p. 377-404.

 

[Complément du 12 mai 2025]

Nombre de créateurs se souviennent de cette chanson : Bernard Pozier (1991, p. 79), Claude Dionne (2012, p. 234, p. 241), Francis Desharnais et Pierre Bouchard (2013, p. 98), par exemple.

 

 

Références

Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 3. Comme dans le temps, Montréal, Éditions Pow Pow, 2013, 107 p.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991. 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Les David Lynch de François Hébert

François Hébert, «David Lynch», collage
François Hébert, «David Lynch», collage, collection particulière

L’écrivain québécois François Hébert (1946-2023) s’intéressait au cinéaste David Lynch. Déjà, en 1985, celui-ci apparaissait, sous sa plume, dans Monsieur Itzago Plouffe (pour l’Homme-éléphant, p. 63). On le croisera ensuite dans Pour orienter les flèches (Blue Velvet, p. 93) et dans Des conditions s’appliquent (Mulholland Drive, p. 39). Il sera plusieurs fois questions de lui dans Frank va parler : pour ses films (Blue Velvet, p. 29, p. 35; Mulholland Drive, p. 135), pour sa série télévisée (Twin Peaks, p. 30, p. 72, p. 83), pour un film de son fils, John, dans lequel il joue (Lucky, p. 30-32). Hébert fait, pour l’occasion, le portrait de Lynch, sous forme d’autoportrait :

C’est mon semblable, ce Lynch aux cheveux en brosse irrégulière dressés sur la tête comme un vieux pinceau, on a le même âge, sinon la même tronche, car j’ai plutôt une tête d’œuf. Le cinéaste est peintre, ça vous change le mal de place. Et je suis poète aux heures perdues, et presque toutes le sont ces temps-ci (p. 29).

François Hébert pratiquait aussi l’art du collage : «J’en ai fait un assemblage artistique avec des objets divers, presque digne d’un altruiste» (p. 30). Oui, c’est l’illustration ci-dessus.

David Lynch vient de mourir.

 

Références

Hébert, François, Monsieur Itzago Plouffe, Québec, Éditions du Beffroi, 1985, 96.

Hébert, François, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p.

Hébert, François, Des conditions s’appliquent. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2019, 75 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.

Accouplements 254

Collage des couvertures d’Alexie Morin et de Catherine Lalonde, 2024

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Morin, Alexie, Scénarios catastrophes. Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 195, 2024, 157 p.

«Conclusion :
un pourcentage significatif
d’êtres humains
traversent la vie
avec dans la tête aucun langage
nulle narration, nulle trame de
commentaires, aucune voix» (p. 60)

Lalonde, Catherine, Trous, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 193, 2024, 123 p.

«On se parle à soi-même vingt-cinq pour cent du temps
petite partition de nuit
de l’autolangage» (p. 107)

 

[Complément du 11 janvier 2025]

Dans le quotidien le Soir (Bruxelles, 8 janvier 2025, p. 24), Anne Catherine Simon publie un article sur la «Voix intérieure». Extrait : «Une autre enquête similaire, ajoutant des entretiens plus approfondis, révèle que certaines personnes ne sont jamais sujettes à de la parole intérieure et que, en moyenne, 26 % de nos périodes d’éveil sont constituées de langage intérieur.» Voilà qui réconcilie Alexie Morin et Catherine Lalonde.

Aux parapluies !

Charlotte Aubin, Toute ou pantoute, 2024, couverture

Soit les vers suivants, tirés du recueil de poésie Toute ou pantoute :

il mouille à siaux
j’aurais voulu l’anticiper
avant d’en avoir la certitude (p. 12).

Ces siaux sont des seaux, voire des chaudières.

Quand il mouille à siaux, dans le français populaire du Québec, c’est qu’il tombe des trombes d’eau. Protégez-vous.

Synonyme : «Il pleut à boire debout […]» (Amiante, p. 179).

À votre service.

 

Références

Aubin, Charlotte, Toute ou pantoute. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 87 p. Ill.

Dulude, Sébastien, Amiante, Saguenay, La Peuplade, 2024, 209 p. Ill.

Attention à vos oreilles

«Tendez l’oreille à votre audition !», la Presse+, 6 mai 2019, titre

Soit trois citations, tirées d’autant de recueils de poésie québécoise :

«Sa langue claque, ses lèvres craquent, sa gorge griche» (L’effet de la pluie poussée par le vent sur les bâtiments, p. 46).

«Cléoma Breaux vous m’entraînez
en Louiziane
dans votre voix qui griche» (Où aller, p. 66).

«tu es entré en moi
à la vitesse de la lumière

tu as libéré mes souffles brisés
réparé mes seins

et déplacé quelques fréquences qui grichaient encore» (Toute ou pantoute, p. 75)

Dans son édition numérique de 2018, le Petit Robert donne, comme marques d’usage, à gricher : «(Canada) FAM.» (pour «familier»). Il lui attribue deux sens : «grincer» et «grésiller».

Dans les trois exemples ci-dessous, c’est le deuxième sens que l’on entend. Et ce n’est agréable pour personne.

 

Références

Aubin, Charlotte, Toute ou pantoute. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 87 p. Ill.

Desbiens, Patrice, L’effet de la pluie poussée par le vent sur les bâtiments, Montréal, Lanctôt éditeur, 1999, 60 p.

Hébert, François, Où aller, Montréal, l’Hexagone, coll. «L’appel des mots», 2013, 89 p.