L’oreille tendue de… Tristan Saule

Tristan Saule, Jour encore, nuit à nouveau, 2023, couverture

«Au feu rouge, il s’assied sur le banc, dos au massif de fleurs et au parterre de gazon qui embellissent ce carrefour passant où des semi-remorques freinent et redémarrent dans un grondement assourdissant. Loïc n’y prête pas attention. Les voix ne s’arrêtent pas. Il lui suffit de tendre l’oreille et d’écrire» (p. 63).

«Loïc gare sa Golf dans la cour des parents. Le bruit des roues dans les gravillons l’apaise. Quand il sort de l’habitacle, il sent l’odeur des vaches, de leur bouse, qui fait enrager les Parisiens, et que ceux qui vivent ici ne sentent même plus. Il tend l’oreille machinalement. Quand il était enfant, le grésillement de la trayeuse était comme une horloge. Quand il se taisait, c’était l’heure de rentrer. Aujourd’hui, si la trayeuse ne fait plus de bruit, c’est parce que les voisins ont cessé d’élever des vaches laitières. Ils avaient une cinquantaine de têtes, pas assez pour que ce soit rentable, avec le cours des prix du lait. Ils se contentent des céréales» (p. 145-146).

«Plusieurs fois, Loïc a demandé au docteur Somard et à Nini s’ils avaient des nouvelles de Cloque. Ils n’en avaient pas. Tous deux lui conseillaient de cesser de penser à cet individu, de se concentrer sur lui-même, sur sa propre guérison. Loïc a dit : “Oui.” Loïc a dit : “D’accord.” Mais le soir, dans sa chambre, Loïc tend l’oreille, il pose sa main bien à plat sur la cloison et écoute. Peut-être qu’on lui ment» (p. 293).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Jour encore, nuit à nouveau. Roman. Chroniques de la place carrée. III, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 04, 2023, 293 p.

 

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.

Accouplements 192

Yves Ravey, Pas dupe, 2019, couverture(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans la livraison d’hier de ses Notules, le Notulographe livre quelques commentaires sur Pas dupe (2019), d’Yves Ravey. Il loue son art de l’incise et il apprécie le roman lu : «on est ici dans ce qu’on pourrait appeler de la littérature subtile, volatile, du très beau travail». (Les Notules ? Par ici.)

En 2021, l’Oreille signalait elle aussi l’art de l’incise chez ledit Ravey, mais celui d’Adultère (2021). S’agissant de la façon de rapporter la parole dans le même roman, elle écrivait : «Du grand art.» (C’est .)

Hier soir, au Masque et la plume, il était question du plus récent roman de Ravey, Taormine. Arnaud Viviant a moqué le «petit ton à la Simenon» de Ravey; du roman paru, il a déploré qu’il n’appelle pas plus au tourisme. Du grand n’importe quoi.