Congé de clavier

Quand on s’attache à la langue, une menace plane : «l’oreille tendue, son visage exprimait de l’ennui, de la mauvaise humeur, voire un sentiment qui, sans être de l’inquiétude, y ressemblait» (les Inconnus dans la maison, p. 901).

Pour éviter cela, une solution : prendre congé de clavier.

L’Oreille tendue sera de retour dans une dizaine de jours.

 

Référence

Simenon, les Inconnus dans la maison, dans Romans. I, édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, p. 893-1042 et 1442-1458. Édition  originale : 1940.

Le zeugme du dimanche matin et de Simenon

Simenon, le Coup de lune, couverture

«Quand on eut dépassé Libreville, on vira de bord et quelques minutes plus tard on entrait dans la rivière en même temps que dans le soleil.»

Simenon, le Coup de lune, dans Romans. I, édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, p. 319-437 et 1379-1398, p. 377. Édition originale : 1933.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Citation existentialo-grammaticale du samedi matin

Hervé Prudon, Tarzan malade, 1983, couverture

Dans Tarzan malade d’Hervé Prudon (1979), à la suite de la rencontre fortuite de Lucinda, Jean-Claude Ramier, petit professeur de français, voit son quotidien s’effondrer, la normalité perdre son sens : «Il ne s’accordait plus ni en genre ni en nombre avec ses antécédents» (p. 179).

 

Référence

Prudon, Hervé, Tarzan malade, Villeurbanne, Jean-Luc Lesfargues éditeur, coll. «Choc corridor», 1, 1983, 184 p. Édition originale : 1979.

Citation politique du jour

Il vient d’y avoir des élections en Thaïlande.

En 2009, l’Oreille tendue publiait un tout petit livre intitulé Bangkok. Notes de voyage.

Extrait (p. 24) :

Parmi les uniformes, il y a celui des militaires. L’armée n’est jamais loin. L’histoire politique récente en témoigne : dix-huit coups d’État depuis 1932, les plus récents en 1976, 1991 et 2006; la répression sanglante contre les communistes du Sud musulman. La menace est réelle, mais diffuse. Pour le dire avec Manuel Vázquez Montalbán : «Ils étaient en démocratie surveillée, en dictature démocratique, en monarchie constitutionnelle militarisée» (Les oiseaux de Bangkok).

Les choses ne paraissent pas beaucoup changer.

 

Références

Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyage, Montréal, Del Busso éditeur, coll. «Passeport», 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc.

Montalbán, Manuel Vázquez, les Oiseaux de Bangkok, Paris, Seuil, coll. «10/18», série «Grands détectives», 2163, 1987, 360 p. Traduction de Michèle Gazier. Édition originale : 1983.

Benoît Melançon, Bangkok, 2009, couverture

Vingt-septième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Jean-François Vilar, Bastille tango, 1986, couverture

Style indirect libre

Définition

Façon de rapporter les paroles qui n’est ni le style direct («Je vous aime», dit-il) ni le style indirect (Il dit qu’il vous aime).

«C’est un discours qui se présente à première vue comme un style indirect (ce qui veut dire qu’il comporte les marques de temps et de personne correspondant à un discours de l’auteur), mais qui est pénétré, dans sa structure sémantique et syntaxique, par des propriétés de l’énonciation, donc du discours du personnage» (Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, p. 387).

«L’indirect libre […] a une légèreté qui l’apparente au discours direct, mais sa forme renvoie à une présence du narrateur derrière le personnage» (Gradus, éd. de 1980, p. 284).

Exemples

«Samedi, j’ai commencé par appeler le grand Pete mais ç’aurait été vraiment mieux que j’appelle pas parce que le père du grand Pete aime ça se lever tard au moins une maudite journée par semaine» (Des histoires d’hiver […], p. 15).

«Pierre arrêta sa voiture devant la maison des Boisrosé. C’était la consigne. Cependant, comme il était sept heures et demie passées et qu’Hedwige lui avait recommandé de ne pas monter “vu qu’on entrait chez elle par une impasse obscure mal éclairée par de vieux lumignons enfoncés dans le lierre, pas de pipelet et qu’il se perdrait certainement”, il se mit à corner, d’abord discrètement, puis à klaxoner à grand fracas» (l’Homme pressé, p. 93).

«Mon vélo cahotait sur les pavés disjoints. J’aime bien ce passage. Encore maintenant.
— Julio ? Il vient d’où ?
— Buenos-Aires.
Il terminait son travail tard le soir et il ne pouvait jamais s’endormir tout de suite. Il préférait passer ses nuits à bricoler des pellicules.
— Des pellicules ?
— Des films qu’il tourne lui-même, des chutes qu’il récupère» (Bastille Tango, p. 22).

«Mais, cette fois, elle s’emporta : il ne l’aimait donc pas qu’il la faisait traîner ainsi ? Qu’est-ce qu’il y avait, après tout, de si compliqué dans un mariage ?» (Happe-chair, p. 82)

 

Références

Ducrot, Oswald et Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, coll. «Points. Sciences humaines», 110, 1972, 470 p.

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Lemonnier, Camille, Happe-chair, Bruxelles, Labor, coll. «Espace Nord», 92, 1994, 395 p. Préface d’Hubert Nyssen. Lecture de Michel Biron. Édition de 1908.

Morand, Paul, l’Homme pressé, Paris, Gallimard, coll. «L’imaginaire», 240, 1990, 332 p. Édition originale : 1941.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hocke. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Vilar, Jean-François, Bastille tango. Roman, Paris, Presses de la Renaissance, 1986, 279 p.