C’était le bon vieux temps…

Tristan Saule, Et puis on aura vu la mer, 2024, couverture

«— Tu regardes l’annuaire ? demanda Sabrina.
— C’est quoi, ça, l’annuaire ?
Les pages jaunes, quoi.
— Je regarde Google. Elles sont pas jaunes, les pages» (p. 171).

«— On a l’air des Dalton, dit Sabrina.
— C’est quoi les Dalton ? demande Zineb.
— Laisse tomber» (p. 245).

«C’est un truc de vieux, les lettres, mais j’ai mes raisons» (p. 335).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Et puis on aura vu la mer. Roman. Chroniques de la place carrée. IV, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 05, 2024, 341 p.

P.-S.—L’Oreille tendue apprécie fort le travail de cet auteur. Voir ceci, par exemple.

Le zeugme du dimanche matin et d’Andrée A. Michaud

Andrée A. Michaud, Bondrée, éd. de 2020, couverture

«Comme maman ne semblait plus consciente de notre présence, j’avais entraîné Millie dans la chambre que je partageais avec elle et lui avais donné la permission de jouer avec Bill, mon robot à batteries, que j’avais baptisé ainsi parce qu’il marchait comme Bill Cochrane, notre deuxième voisin de gauche, revenu de je ne sais quelle guerre avec une jambe raide, une médaille et un caractère de cochon, si tant est que les cochons bougonnent à longueur de journée.»

Andrée A. Michaud, Bondrée, Montréal, Québec Amérique, coll. «qa», 2020. Édition originale : 2014. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 221

Richard Wagamese, Indian Horse et Ed McBain, Pusher, couvertures, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Richard Wagamese, Indian Horse. A Novel, Madeira Park, Douglas & McIntyre, 2013, 220 p. Édition originale : 2012.

«Keewatin. That’s the name of the north wind. The Old Ones gave it a name because they believed it was alive, a being like all things. Keewatin rises out over the edge of the barren lands and grips the world in fierce fingers born in the frigid womb of the northern pole. The world slows its rhythm gradually, so that the bears and the other hibernating creatures notice time’s relentless prowl forward. But the cold that year came fast. It descended on us like a slap of a hand : sudden and vindictive» (p. 36).

Ed McBain, Pusher. An 87th Precinct Mystery, New York, Signet, 1973, 153 p. Édition originale : 1956.

«Winter came in like an anarchist with a bomb.
Wild-eyed, shrieking, puffing hard, it caught the city in cold, froze the marrow and froze the heart.
The wind roared under eaves and tore around corners, lifting hats and lifting skirts, caressing warm thighs with icy-cold fingers. The citizens blew on thir hands and lifted their coat collars and tightened their mufflers. They had been enmeshed in the slow-dying lethargy of autumn, and now winter was upon them, rapping their teeth with knuckles of ice. The citizens grinned into the wind, but the wind was not in a smiling mood. The wind roared and bellowed, and snow pilled from the skies, covered the city with white and then, muddied and dirtied, yielded to the wind and the cold and turned to teacherous ice.
The citizens deserted the streets. They sought pot-bellied stoves and hissing radiators. The drank cheap rye or expensive Scotch. They crawled under the covers alone, or they found the warmth of another body in the primitive ritual of love while the wind howled outside.
Winter was going to be a bitch this year» (p. 1, incipit).

Accouplements 220

Bondrée et Tangente vers l’est, couvertures, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Michaud, Andrée A., Bondrée, Montréal, Québec Amérique, coll. «qa», 2020. Édition numérique. Édition originale : 2014.

«Certains croyaient que Larue avait nommé sa fille Emma à cause de l’admiration qu’il portait à Flaubert et à Emma Bovary, mais ce n’était pas le cas. S’il appréciait Flaubert, il fuyait les Bovary comme la peste. C’était sa femme qui avait choisi ce prénom, y voyant une parenté avec le verbe “aimer”. Larue était trop stupide, à cette époque, trop amoureux pour la contredire et lui indiquer qu’Emma mettait le verbe au passé, j’aimai, tu aimas, il aima. Il le regrettait aujourd’hui, quand il songeait que sa fille portait le nom d’une héroïne dont l’amour dérivait dans le souvenir.»

Kerangal, Maylis de, Tangente vers l’est, Paris, Verticales, coll. «Minimales / Verticales», 2012, 136 p. Édition numérique.

«Ils se sont donné leurs prénoms, se sont donné du feu, se sont donné des clopes. Elle lui a précisé qu’elle était française, frantsouzkaïa et toujours ce geste de poser la paume sur le sternum en appuyant la seconde syllabe, frantsouzkaïa, et en face d’elle, Aliocha a hoché la tête. Une Française, il est déçu — ne sait pourtant rien des femmes françaises, rien, ne connaît d’elles que des Fantine, des Eugénie ou des Emma, femmes obligatoires dont il avait entrevu des fragments de psyché dans des manuels scolaires et reléguées loin de celles qui l’éblouissent, Lady Gaga en tête.»

 

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première Emma que nous croisons chez Maylis de Kerangal (voir ici).