Langue de campagne (23)

Le Québec entre en campagne électorale. Comme c’était le cas la fois précédente, l’Oreille, à l’occasion, sera tendue vers le vocabulaire politique de ses contemporains.

Pour commencer, ci-dessous, une liste de termes, jadis plus ou moins populaires, dont il faudra suivre l’évolution (ou noter la disparition).

Aile radicale

Autopeluredebananisation

Campagne d’idées

Caribous

Centre

Clarté

Classe moyenne

Conditions gagnantes

Constitution

Contribuables

Forces vives

Indépendance

Modèle québécois

Partition

Petite politique

Plan b (Note : personne ne parle jamais de plan a.)

Productivité

Purs et durs

Référendum

Révolution tranquille

Séparatiste

Souveraineté

Taille de l’État

Virage à droite

En ces temps de charte sur la laïcité, plusieurs mots seront sûrement ressassés jusqu’à plus soif. Exclusion sera du nombre.

Certaines expressions ne s’utilisent qu’avant et qu’après la campagne. C’est le cas d’avenir politique.

Enfin, il y aura sûrement des nouveautés. L’Oreille en a déjà repéré deux : jalon vers la souveraineté et cycle péquiste (il ne s’agit pas de vélo).

Une chose est sûre : le Parti libéral du Québec veut parler des vraies affaires (c’est son slogan).

Des heures de plaisir en perspective.

P.-S. — Le 11 septembre 2012, Nicolas Guay offrait, sur son blogue, «La campagne électorale, un bilan». Lui et l’Oreille ont des affinités.

De la rétention de la crosse

Il y a actuellement, dit-on, des jeux Olympiques, en Russie. S’y tiendraient des matchs de hockey.

Le français étant une des langues officielles du mouvement olympique, on rend compte des matchs dans cette langue. Cela peut donner ceci :

Vocabulaire du hockey aux Olympiques

(Merci à @jougosselin.)

Palais est mis pour palet (la rondelle). C’est mignon et ça ne porte pas à conséquence.

Pour rétention de la crosse, c’est plus délicat.

La rétention, selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), est le «Fait de retenir». La crosse, pour certains, est un synonyme de bâton de hockey. Si l’on s’en tient simplement au sport, la rétention de la crosse désignerait donc le fait de retenir le bâton d’un adversaire. Le joueur s’en rendant coupable est puni.

Mais la crosse, ce n’est pas seulement le hockey.

C’est aussi la fraude, à petite ou grande échelle : il est bon de savoir que sa rétention serait punie sur la glace olympique.

La crosse, c’est encore la «Pratique qui consiste à provoquer le plaisir sexuel par l’excitation manuelle des parties génitales (d’un partenaire ou de soi-même)» (le Petit Robert, à «masturbation»). Or, quand on lit, dans la définition de rétention que, médicalement, celle-ci est une «Accumulation dans une cavité ou un tissu (d’une substance qui devait en être évacuée). Rétention d’urine. Rétention d’eau dans les tissus», on ne peut que laisser vagabonder son imagination.

C’est dangereux.

 

[Complément du 26 février 2014]

Aujourd’hui, la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction — la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside — entendait le témoignage du syndicaliste Bernard «Rambo» Gauthier.

Souhaitant manifestement éviter l’emploi de mots à ses yeux trop vulgaires pour le contexte dans lequel il se trouvait, «Rambo» a déclaré : «Je l’ai traité de… masturbateur. Ça va ça, non ?» (Merci à @Ant_Robitaille.)

À défaut de rétention de la crosse, on peut parler de rétention du crosseur.

Syndicalonécrozoophilie

Les bénéficiaires de l’Oreille tendue connaissent les crosseurs : ceux qui s’autosatisfont, ceux qui trompent les autres, ceux qui se promènent à moto. Il en est d’autres espèces, plus spécialisées.

La semaine dernière, l’ancien président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, témoignait devant la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction — la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside. Son témoignage a entraîné le commentaire suivant de Lino Zambito, lui-même déjà entendu par la commission :

Crosseur de poules mortes

(Merci au tumblr de La soirée est (encore) jeune pour cette découverte.)

Il y aurait donc des gens, dont l’ex-président de la FTQ, qui branleraient des gallinacés décédés.

Cela entraîne nombre de questions. Pourquoi la poule et pas le coq ? Le gallinacé mort répond-il à ce genre de caresses ? Le pluriel de poules mortes est-il justifié ? Est-ce plus grave d’être un crosseur de poule(s) morte(s) qu’un crosseur de poule(s) vivante(s) ? Quels sont les traits qui permettent de repérer le crosseur de poules mortes (Michel Arsenault en a «l’air») ?

Tant d’interrogations, si peu d’heures.

 

[Complément du 24 octobre 2019]

Lu dans le Soleil du 21 octobre : «En ligne dès jeudi sur l’Extra d’ICI Tou.tv avant d’apparaître sur ICI Télé l’hiver prochain, Faits divers 3 conjugue deux thèmes inusités : le “crossage” de dindons — oui, oui, ça existe — et le kidnapping d’humains par des extraterrestres.»

Morts ou vivants, les dindons ?

La semaine de (dé)câlisse(r)

Un juron québécois (câlisse) et une de ses formes dérivées (décâlisser) sont à l’honneur cette semaine.

C’était mardi à l’hôtel du Parlement du Québec.

«Crucifix, décâlisse !»

C’était ce matin à la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics, dite Commission Charbonneau.

Ken Pereira à la CEIC

Et nous ne sommes que jeudi midi.

 

[Complément du 4 octobre 2013]

Plus tard le même jour.

Au courrier, le recueil de nouvelles de Françoise Major, Dans le noir jamais noir (Montréal, La mèche, 2013, 127 p.). Page 13, on lit, tout en majuscules, «MAN, EST GROSSE, ON DÉCÂLISSE».

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