Accouplements 61

«Pour la suite du monde», graffiti, Paris, 2016

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Au printemps 2012, des grèves étudiantes ont secoué le Québec. L’Oreille tendue avait alors rassemblé, sur Tumblr, les Pancartes de la GGI (grève générale illimitée). Elle leur a aussi consacré un texte ici.

Depuis le printemps 2016, des mouvements sociaux secouent la France. Un site Web rassemble «Les meilleurs graffitis du mouvement contre la Loi Travail».

Les rues parlent.

Égal pas égal

Le fédéralisme canadien n’est pas simple. Il existe sans qualification («le fédéralisme») et avec qualification («le fédéralisme quelque chose»).

Avec qualification, cela donne, par exemple :

«Le PC [Parti conservateur] propose son “fédéralisme d’ouverture”» (la Presse, 19 janvier 2006, p. A7).

«Ignatieff répond à ses détracteurs. Le candidat au leadership du PLC [Parti libéral du Canada] propose un “fédéralisme de la reconnaissance et du respect”» (le Devoir, 31 mars 2006, p. A1).

La qualification-serpent-de-mer, qui réapparaît périodiquement, est dite du fédéralisme asymétrique ou du fédéralisme de traviole.

«Le ROC [rest of Canada] appuie le concept de fédéralisme asymétrique de Jean Charest» (le Devoir, 3 septembre 2004).

«Un fédéralisme asymétrique qui respecte les compétences du Québec» (le Devoir, 17 septembre 2004, p. A9).

«Le premier ministre doit agir vite, sinon le malentendu s’accentuera, et le fédéralisme asymétrique prendra le chemin de la société distincte» (la Presse, 25 octobre 2004, p. A18).

«La paradoxale asymétrie. Pour la première fois, le fédéralisme asymétrique fait son apparition dans une conférence fédérale-provinciale» (le Devoir, 18-19 septembre 2004, p. B1).

Ce fédéralisme était dans le journal de ce matin :

«Le gouvernement Trudeau envisage une nouvelle version du “fédéralisme asymétrique” […]» (la Presse+, 14 juin 2016).

Peut-être n’est-il donc pas absolument complètement mort.

Accouplements 57

Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich, 1996, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

La semaine dernière, au micro d’Annie Desrochers à la radio de Radio-Canada, le professeur de philosophie Xavier Brouillette rappelait l’importance qu’il faut accorder aux mots : «Les mots, très souvent, peuvent penser à notre place.» Il faisait notamment allusion au grand livre de Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue (l’Oreille tendue en a notamment parlé ici).

Dimanche, c’était au tour d’Antoine Perraud, sur France Culture, de revenir sur l’indispensable attention au langage : «Interrogeons-nous plutôt sur ce qu’induisent de telles corruptions du langage, de la part d’une presse incapable de la moindre distance mesurée propre à l’observateur de bon aloi. […] Vider les mots de leur sens, c’est éroder notre démocratie républicaine fondée sur la beauté délibérative venue de la Révolution française.»

Ce n’est pas l’Oreille qui va les contredire.

 

Référence

Klemperer, Victor, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p. Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.

Histoires de chien et de politique

Il arrive à l’Oreille tendue de s’intéresser aux P.Q., les périphrases québécoises.

Ainsi, elle notait un jour que, le 27 mars 2012, Michel David, dans les pages du quotidien le Devoir, consacrait un texte à Thomas Mulcair, qui venait d’être élu chef du Nouveau parti démocratique du Canada. Il l’appelait le «pitbull de Chomedey» (p. 3).

Dans la Presse+ du jour, c’est Martin Coiteux qui devient «le pitbull de Nelligan».

Un esprit tordu pourrait se demander qui, du chien ou du politique, souffre le plus de la comparaison. Heureusement, l’Oreille n’est pas tordue.