Entrée à saveur de mardi matin

«À saveur économique»

À l’occasion (2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015, 2017), l’Oreille tendue pratique un tri sélectif dans sa corbeille de à saveur, ce fléau québécois. Rebelote.

«Des histoires à saveur autochtone» (le Devoir, 28-29 octobre 2017, p. D5).

«Des casiers à saveur littéraire à l’école St-Viateur d’Amos» (l’Écho abitibien, 27 août 2017).

«Une bière à saveur “militante” créée par des microbrasseurs québécois» (Radio-Canada, 1er mars 2017).

«une nouvelle campagne [publicitaire] à saveur humoristique» (la Presse+, 9 octobre 2016).

«une murale à saveur patriotique» (la Presse+, 9 mars 2016).

«Méditation à saveur techno» (la Presse+, 10 octobre 2015).

«Quelques activités à saveur BD annoncées pour Québec en toutes lettres 2015» (Voir, 16 juin 2015).

«Une nulle à saveur de victoire, c’est comme un végéburger savoureux. C’est rare, mais bon. #WWC2015 #CAN» (@ballecourbe).

«Critique de Fin Finaud. Nouveau jeu-questionnaire à saveur culinaire… et prophétique» (@cathygo40).

«Pique-nique à saveur anglo-saxonne» (la Presse, 20 avril 2013, cahier Maison, p. 2).

À votre service.

(Merci à @machinaecrire pour la photo.)

P.-S.—Les contre-exemples sont rares. Citons celui-ci : «à teneur féministe» (la Presse+, 25 juillet 2017).

Le zeugme du dimanche matin et de Christian Desmeules

«N’étant jamais retourné depuis dix ans à La Frayère, François Bouge, petit-fils de Monti, sentant l’urgence et une migraine “lui monter dans les sinus comme de la chair à saucisse”, décide de quitter précipitamment Montréal pour rendre visite à sa famille en Gaspésie.»

Christian Desmeules, «Un premier roman magistral de Christophe Bernard», le Devoir, 14-15 octobre 2017, p. F2.

 

[Complément du 29 mars 2023]

Le Christophe Bernard dont parle Christian Desmeules est, il est vrai, fort friand de zeugmes. Voir un relevé bien partiel ici.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Sainte flanelle : récit d’origine

La flanelle de la sainte flanelle

«Mais le tissu social de Montréal
C’est de la sainte flanelle»
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2009)

 

 

Comment désigner les Canadiens de Montréal — c’est du hockey ?

Dans son Langue de puck. Abécédaire du hockey (2014, p. 85-86), l’Oreille tendue rappelait l’existence des possibilités suivantes : le Canadien de Montréal, le CH (comme sur l’écusson du Club de hockey Canadien), les Habitants, les Habs, le Bleu blanc rouge, le Tricolore, les Glorieux, les Flying Frenchmen, voire l’Organisation. Et il y a la sainte flanelle.

Exemples :

«La Sainte Flanelle, une entreprise qui éprouve des problèmes de productivité» (le Devoir, 11 avril 2012).

«Les habitants se contaient des histoires et chantaient des chansons pour ne pas se décourager et geler tout rond; ils faisaient brûler des lampions en invoquant et en priant sainte flanelle, patronne tricolore des pures laines et des tricotés serré, pour qu’elle les réchauffe et allume leurs lanternes» (Jocelyn Bérubé, 2003, p. 30).

«Pendant qu’son corps partait au cimetière
Pour le grand repos éternel
Son âme retraitait au vestiaire
Pour enfiler la Sainte-Flanelle»
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

On voit plusieurs graphies de cette expression : sainte flanelle, Sainte Flanelle, Sainte flanelle, Sainte-flanelle, Sainte-Flanelle, flanelle et Flanelle. Ça fait désordre. Suivons Annie Bourret qui, dans Pour l’amour du français (1999, p. 143), recommande la graphie sainte flanelle.

Mais depuis quand parle-t-on de sainte flanelle pour désigner l’équipe montréalaise ? La récente mise en ligne, par Bibliothèque et Archives nationales du Québec, des archives du journal la Presse (1920-2013) permet d’offrir une première proposition de datation. Le 7 novembre 1975 (cahier Sports, p. B2), le journaliste Réjean Tremblay parle de «sainte flanelle rouge». Ce semble être la première attestation écrite. Un lieu commun était né.

 

Références

Bérubé, Jocelyn, Portraits en blues de travail, Montréal, Planète rebelle, coll. «Paroles», 2003, 94 p. Ill. Préface de Jean-Marc Massie. Accompagné d’un cédérom.

Bourret, Annie, Pour l’amour du français, Montréal, Leméac, 1999, 199 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Accouplements 97

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Le Devoir est un quotidien qui aime la diversité des points de vue. La preuve en est donnée dans l’édition des 2-3 septembre 2017.

Dominic Tardif, «Poésie. La tendresse des mots sur les douleurs du présent», p. F2.

«Notre époque serait celle du “je” tout-puissant, se plaisent à répéter les sociologues à la gomme et autres chroniqueurs du dimanche.»

Fabien Deglise, «Essai québécois. Des essais pour poursuivre la réflexion sur le monde autour de nous», p. F8.

«À l’ère de l’affirmation ostentatoire du “je”, il est illusoire de se croire seul au monde, et encore plus dans une époque mouvante où les décisions individuelles, tout comme les inactions de chacun, ont des conséquences ressenties par tous.»